Intervention de Odette Terrade

Réunion du 10 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Article 11

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

L’article 11 traite de la réforme des marchés d’intérêt national et plus particulièrement de la question des périmètres de référence, dans le cadre de la transposition dans notre droit de la directive européenne dite « Bolkestein ».

Ces périmètres interdisent actuellement toute installation d’un grossiste de produits analogues à ceux dont la vente est réservée à l’intérieur des MIN.

L’article 11, dans sa rédaction initiale, était issu des conclusions d’un groupe de travail mis sur pied par vous-même, monsieur le secrétaire d’État et rassemblant les professionnels concernés. Les conclusions de cette concertation ont recueilli l’assentiment de tous les responsables dans ce domaine. Et pourtant, la rédaction de cet article a été totalement revue par l’Assemblée nationale, qui, en adoptant l’amendement Vautrin, a ouvert la voie à une suppression pure et simple des périmètres.

Ne soyons pas dupes : cette évolution du texte est la conséquence directe de la pression exercée par un groupe allemand de grande distribution, dont certains d’entre vous ont d’ailleurs reçu un courriel très explicite, publié ces jours-ci dans la presse.

Or cette question ne peut être traitée à la va-vite. Il faut savoir que ce sont des millions de denrées alimentaires qui transitent chaque jour par les 1 300 entreprises présentes sur le seul MIN de Rungis, situé dans le Val-de-Marne. La qualité du travail de leurs 13 000 employés n’est plus à démontrer et elle a d’ailleurs été saluée le 30 avril dernier par le chef de l’État, qui a qualifié Rungis de « vitrine extraordinaire des produits et des terroirs français ».

De plus, la suppression de ces périmètres de référence serait de nature à créer un déséquilibre significatif dans l’organisation de la distribution commerciale alimentaire en France.

En effet, les MIN sont des services publics d’une importance capitale pour l’ensemble des opérateurs du commerce alimentaire. Véritables « centrales d’achat » indépendantes de produits frais, les détaillants en fruits et légumes sont nombreux, en région comme à Paris, à s’approvisionner dans des conditions optimales de qualité et de quantité, chez les grossistes comme chez les producteurs.

Les MIN sont donc un outil fondamental au regard de la diversité de notre offre commerciale. La pérennité de nos commerces de proximité est intimement liée à la préservation de ces marchés de gros et de leurs périmètres de référence.

Avec la rédaction adoptée par l’Assemblée nationale en première lecture, l’article 11 aurait pour effet de tuer progressivement le commerce de proximité. En effet, les détaillants en fruits et légumes, les poissonniers, les bouchers, n’ont pas de sources d’approvisionnement alternatives aussi concurrentielles que les MIN, tant en termes de prix que de qualité.

Dans ces conditions, l’article 11 va renforcer le monopole de la grande distribution sur le commerce alimentaire. Il faut d’ailleurs souligner que, dans les régions où il n’y a plus de MIN, il n’y a plus de détaillants en fruits et légumes. Les MIN sont donc pour les commerçants de proximité spécialisés un outil d’approvisionnement essentiel. Ces marchés font la force des détaillants, qui peuvent encore se différencier de la grande distribution par l’offre diversifiée de fruits et légumes proposée au consommateur.

C’est au sein de ces MIN que s’organise une véritable concurrence libre et non faussée.

Casser les périmètres de référence des MIN, c’est casser la protection des consommateurs, y compris en terme de sécurité sanitaire, sans parler de la qualité des produits proposés par l’instauration de circuits courts.

De plus, les MIN sont des outils d’aménagement du territoire et de développement durable puisque le regroupement des différents services évite des transports routiers inutiles. Ils sont également des éléments de recherche permanents de la qualité et de la sécurité des produits alimentaires. Ils contribuent aussi, sans aucun doute, au maintien du commerce spécialisé de proximité.

En outre, les MIN ont une vocation profondément publique ; les élus locaux sont d’ailleurs parties prenantes dans leur création et leur modernisation. Chers collègues de la majorité, votre tentative de casser leur monopole en faveur d’un grand groupe commercial est à l’image de la réforme des collectivités territoriales : une braderie du service public ! Et cela alors même que la directive européenne relative aux libertés d’établissement des prestataires de services et à la libre circulation des services dans le marché intérieur n’oblige pas à supprimer ce périmètre de référence. C’est dire votre acharnement contre des outils qui font chaque jour la démonstration de leur utilité.

Encore une fois, si le texte restait en l’état, un très mauvais coup serait porté tant aux consommateurs qu’aux PME qui composent l’essentiel du tissu d’entreprises œuvrant au sein des MIN. Sous couvert de casser un monopole, vous ouvririez la perspective de la constitution de monopoles privés. Ce faisant, vous céderiez à des intérêts privés et financiers parfaitement identifiés puisque vous savez très bien que le groupe Metro a un taux de pénétration de 90 % dans le secteur du cash and carry.

Cet article 11 n’est certainement pas la réponse que, pour notre part, nous attendons. C’est pourquoi, avec mes collègues du groupe CRC-SPG, nous avons déposé sur cet article trois amendements gradués, allant de la suppression au rétablissement de la rédaction proposée initialement à la suite de la concertation.

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