Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 10 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Article 12

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

En fait, si le Gouvernement ne sort pas les trompettes, c’est parce qu’il connaît la portée de ce texte, petit frère de celui que l’on nommait jadis la « directive Bolkestein », et dont on a modifié la forme pour mieux en préserver l’esprit. Ce texte vise, tout simplement, à faire disparaître les services publics auxquels les Français sont particulièrement attachés.

Si le Gouvernement contourne l’obstacle, c’est parce qu’il est conscient de bafouer la démocratie, une fois encore, de se moquer du peuple, comme il l’a fait en faisant ratifier par le Parlement le traité constitutionnel rejeté par référendum en 2005, et qu’il en craint les conséquences.

De peur de raviver les mouvements sociaux de 2006, le Gouvernement a donc décidé de ne pas ouvrir un débat public et de ne pas transposer par une loi-cadre cette directive, dont il préfère distiller les principes généraux à travers une succession de textes sectoriels, y compris certains projets de loi dont ce n’était pas l’objet à l’origine. Il faut qu’il n’y ait qu’un renard à la fois dans chaque poulailler...

L’idée est de briser des textes qui encadraient certaines professions de services et garantissaient la qualité de leurs prestations aux utilisateurs, au profit d’une concurrence prétendument « libre et non faussée ». En appliquant cette méthode dite « technicisante », c’est-à-dire qui est rendue assez complexe pour espérer décourager l’adversaire, le Gouvernement va au delà de ses « obligations » vis-à-vis de l’Union européenne. Il espère faire mieux, ou pis, que ce que la directive elle-même lui demande, c’est-à-dire instaurer un marché unique des services dans l’Union européenne.

Pour notre part, nous ne voulons pas de cette concurrence dite « libre et non faussée » dans les services : la santé, le social, la petite enfance, l’éducation, la culture, les énergies, l’eau, les transports, les services postaux, l’élimination des déchets doivent obéir à des obligations de bonne gestion, non à des contraintes de rentabilité.

Quelque 54 % des Français veulent des services publics qui échappent à la logique du mercantilisme ainsi qu’une harmonisation progressive et par le haut des législations sociales des États membres.

Nous ne sommes pas dupes : l’« obligation de service public » assignée aux futurs opérateurs et contenue dans la directive, c’est le service public du pauvre. Ce dernier ne rapporte rien à personne, sauf peut-être à son banquier. Il est donc inutile de privatiser l’assistanat ! Quoique… En effet, la Commission européenne a rappelé que « les services exclus du champ d’application de la directive Services continuent, en tout état de cause, de relever de l’application des règles du traité CE, notamment celles de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services ».

Comme nous l’a rappelé M. Bizet, l’exclusion de certains secteurs n’est en aucun cas définitive. Voilà le renard soulagé : ils seront introduits sur les marchés financiers lorsqu’ils seront susceptibles de générer des profits ! Adieu, alors, le droit d’accès universel et gratuit à ces services, bonjour aux « prestataires » moins-disants, dispensés de cahier des charges, soumis à de simples « visites de conformité aux conditions techniques minimales d’organisation et de fonctionnement », qui exécuteront des « missions ». Je vous laisse, mes chers collègues, savourer l’emploi, ici, de l’adjectif « minimal » !

Ce projet de loi réforme – comprenez : déréglemente – plusieurs professions : les experts-comptables, les agents d’artiste et les organismes privés de placement.

L’activité de placement était jusqu’à présent soumise à une déclaration préalable auprès de l’autorité administrative compétente. En 2005, elle avait même été précisée et limitée aux seuls organismes justifiant d’une connaissance suffisante du marché et assurant antérieurement une activité d’intermédiation, par la mise à disposition de personnels, le conseil en recrutement ou l’insertion professionnelle.

Ces limitations, qui ne sont que de simples mesures de précaution, ont été considérées comme contraires à la directive, et donc supprimées !

Voilà donc Pôle Emploi, qui manque cruellement de moyens humains, contraint à son tour de s’aligner ou de disparaître. Voilà ce qui a été voté à l’Assemblée nationale le 4 mai 2010 et qui est proposé à notre examen. Nous nous y opposons fermement. Monsieur le secrétaire d'État, nous refusons le contenu de ce projet de loi et votre méthode ! Mille fois, vainement, nous vous avons demandé de dresser devant la représentation nationale le bilan de la transposition de cette funeste directive, de reconstituer le puzzle. Nous vous le réclamons de nouveau aujourd'hui !

Dans son discours du 27 avril dernier, Michel Barnier affirmait : « Écouter davantage l’opinion des Parlements, c’est écouter davantage l’opinion des citoyens européens ». Eh bien, monsieur le secrétaire d'État, écoutez vos concitoyens : ils vous ont dit non, respectez-les !

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