Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, l’article 12 prend une nouvelle fois prétexte de la transposition de la directive Services pour libéraliser l’activité d’agent artistique, en modifiant substantiellement les articles du code du travail régissant cette activité et en allégeant les obligations encadrant cette profession.
Il est tout à fait inquiétant de constater que le Gouvernement souhaite calquer le cadre des agents artistiques sur celui des agents sportifs, dont le statut vient d’être modifié par le Parlement. Dans le cadre du débat relatif à cette modification, les agents sportifs se sont vus autorisés ni plus ni moins la pratique du double mandatement – jusqu’ici illégale –, qui permet à un agent sportif d’être rémunéré à la fois par un joueur et par un club. Les agents artistiques pourront-ils désormais être rémunérés en même temps par un artiste et par la société de production de cet artiste ? Nous le craignons et nous le dénonçons.
La liste des incompatibilités professionnelles avec l’activité d’agent artistique est en effet considérablement allégée. Ne sont plus visés que les producteurs d’œuvres audiovisuelles ou cinématographiques, alors que toute une série d’activités culturelles liées à la production et à la diffusion étaient précédemment considérées comme inconciliables avec la profession susvisée.
Certes, certaines de ces incompatibilités étaient excessives : je pense à celles qui étaient relatives aux fabricants d’instruments de musique, aux marchands de musique, aux loueurs de matériel et espaces de spectacles. D’autres, au contraire, prémunissaient contre tout conflit d’intérêts : elles concernaient les exploitants de salles de spectacles, les programmeurs de radiodiffusion ou de télévision, les administrateurs, les directeurs ou régisseurs d’entreprises de production, les directeurs d’une maison de disques. Autoriser les services de télévision et de radio à diffuser sur leurs ondes les œuvres d’artistes dont ils sont en même temps les agents relève du conflit d’intérêts le plus flagrant.
La directive Services est également un prétexte pour faire disparaître totalement la liste des incompatibilités de formes juridiques pour exercer l’activité d’agent artistique. Désormais, un agent artistique pourra prendre la forme d’une société anonyme ou d’une société en commandite par actions, ce qui était auparavant interdit, tout en exerçant son activité dans des locaux destinés à d’autres usages commerciaux, ce qui était également proscrit.
En faisant sauter plusieurs verrous protecteurs, vous autorisez, de fait, des sociétés exerçant des activités dans plusieurs secteurs à abriter un bureau ou une filiale d’agents artistiques, au risque, encore une fois, de voir naître des conflits d’intérêts.
Le texte procède enfin à un changement du mode de rémunération des agents artistiques. Préalablement, ceux-ci étaient rémunérés sur la base de tarifs fixés ou approuvés par l’autorité administrative. Désormais, la rémunération sera calculée en pourcentage de celle de l’artiste. En d’autres termes, le rôle de régulation que jouait l’autorité administrative dans l’élaboration des tarifs de rémunération des agents artistiques est contourné.
Plus grave encore pour les artistes, vous prenez le risque de diminuer leurs revenus en prévoyant que le montant de la rémunération de leur agent sera calculé en pourcentage de l’ensemble des rémunérations qu’ils auront perçues, ce qui inclut notamment les droits d’auteur et les droits voisins. Or le droit d’auteur est un droit inaliénable et imprescriptible, qui doit protéger l’artiste et sa création et non servir de base au calcul de l’assiette de la rémunération d’un agent artistique !
Bien sûr, nous ne sommes pas surpris de vous voir remettre en cause toute forme de service public de la culture. L’affaiblissement des moyens des collectivités territoriales avec la suppression de la taxe professionnelle a été une mesure catastrophique pour le financement de la création artistique. La chute continue des moyens budgétaires consacrés à la culture en est une autre. Avec ce texte, vous prenez le risque de fragiliser encore davantage les artistes, ce qui est inacceptable.