Intervention de Serge Lagauche

Réunion du 10 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Article 12

Photo de Serge LagaucheSerge Lagauche :

Sous couvert de transposer en droit interne la directive 2006/123/CE du 12 décembre 2006 relative aux services dans le marché intérieur européen, l’article 12 procède en réalité à une libéralisation exagérée de l’activité d’agent artistique.

Je rappelle que la directive précitée impose seulement une proportionnalité des régimes juridiques protégeant les professions, au nom de la libre prestation de services. Or le texte dont nous débattons va beaucoup plus loin : il modifie substantiellement les articles du code du travail régissant cette activité et allège nombre d’obligations l’encadrant, dispositions qui garantissent pourtant la transparence et préviennent les conflits d’intérêts.

Ainsi, en vertu du dispositif qu’il nous est proposé d’adopter à cet article, la licence d’agent artistique, qui était jusqu’à présent renouvelée annuellement par une autorité administrative – la commission d’attribution des licences d’agents artistiques, convoquée par le ministre chargé de l’emploi –, figurera désormais sur un registre à disposition des artistes et du public, où les agents artistiques seront tenus de s’inscrire, sans restriction d’accès.

Les précisions concernant les conditions d’inscription et de tenue de ce registre sont renvoyées à un décret en Conseil d’État. Il est donc impossible de savoir si les conditions de transparence inhérentes à cette activité et si les contrôles périodiques nécessaires à son exercice seront toujours garantis et effectifs.

La liste des incompatibilités professionnelles est allégée de façon plus qu’importante. Ne subsistent que celles de producteur d’œuvres audiovisuelles ou cinématographiques alors que, précédemment, figuraient également celles d’« artiste du spectacle, exploitant de lieux de spectacles spécialement aménagés pour les représentations publiques, producteur de films, programmeur de radiodiffusion ou de télévision, administrateur, directeur artistique ou régisseur d’une entreprise de production de films, directeur artistique ou commercial d’entreprise d’édition et d’enregistrement de disques ou de tous autres supports d’enregistrement, fabricant d’instruments de musique, marchand de musique ou de sonorisation, loueur de matériels et espaces de spectacles… ».

Autant dire que cette interprétation in extenso des termes de la directive Services par le législateur français risque de nourrir des conflits d’intérêts, source de nombreux contentieux !

Est néanmoins maintenue la possibilité accordée actuellement aux agents artistiques de produire des spectacles vivants, sous réserve qu’ils soient titulaires d’une licence d’entrepreneur de spectacle. C’est plus que surprenant, puisque cette licence devrait être également prochainement supprimée en vertu de cette même directive !

Quant à la liste d’incompatibilités de formes juridiques pour exercer l’activité d’agent artistique, elle disparaît totalement. Les anciennes dispositions les fixant à l’article L. 7121-10 du code du travail sont abrogées, alors que, auparavant, il était interdit à un agent de prendre la forme d’une société anonyme et d’une société en commandite par actions, comme d’exercer l’activité dans des locaux destinés à certains autres usages. En faisant sauter plusieurs verrous protecteurs, de fait, les sociétés exerçant des activités dans plusieurs secteurs seront autorisées à abriter un bureau ou une filiale d’agents artistiques.

Le texte procède enfin à un changement du mode de rémunération des agents artistiques.

Jusqu’à présent, aux termes de l’article L. 7121-18 du code du travail, ceux-ci étaient rémunérés par « tarifs fixés ou approuvés par l’autorité administrative ». Désormais, en vertu de la nouvelle rédaction de l’article L. 7121-13 du même code, leur rémunération sera calculée en pourcentage sur celle de l’artiste. Le pouvoir réglementaire aura la charge de fixer la nature des rémunérations servant de base au calcul. Nous reviendrons sur cette question lors de la défense d’un amendement de repli. Il va de soi que ce point sera, lui aussi, inévitablement source de contentieux, car il permettra aux agents artistiques d’imposer aux artistes des rémunérations disproportionnées par rapport à la prestation apportée.

Ironie du calendrier législatif, la libéralisation de l’activité d’agent artistique est opérée à l’heure où le Parlement vient de légiférer pour encadrer l’activité d’agent sportif ; la loi récemment adoptée vient tout juste d’être promulguée. Or le Gouvernement s’est prévalu du dispositif encadrant l’activité d’agent artistique pour construire celui qui s’applique aux agents sportifs, notamment pour ce qui concerne la mise en place d’une licence renouvelable annuellement.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l’article 12.

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