Intervention de Bariza Khiari

Réunion du 10 juin 2010 à 14h30
Réseaux consulaires — Article 13

Photo de Bariza KhiariBariza Khiari :

La République s’enorgueillit d’être méritocratique, en fondant la réussite professionnelle non sur la naissance, mais sur les efforts fournis pour obtenir un diplôme et sur le travail réalisé pour suivre un cursus difficile. Faire des études est un gage de progression sociale et de « mieux vivre ». Pourtant, ce présupposé, sur lequel repose notre système, n’est que partiellement exact.

Il subsiste en effet un certain nombre de professions pour lesquelles le diplôme ne constitue qu’une condition d’exercice parmi d’autres. Pour exercer certains emplois, en effet, il faut non seulement avoir obtenu un diplôme après avoir effectué ses études en France, mais aussi être français : ce sont les emplois fermés.

Certes, la législation européenne a prévu quelques aménagements pour que soient reconnus aux ressortissants communautaires des droits comparables et que les conditions de nationalité ne leur soient pas applicables. Cependant, cela ne résout nullement le problème, mais le complexifie tout au plus. Il s’agit à proprement parler non pas de discriminations, mais de restrictions légales sous condition de nationalité. Toutefois, il faut noter que ces dispositions encouragent, par effet de système, les pratiques discriminatoires et semblent leur donner un caractère légal et normal.

Ces restrictions sont historiquement datées et correspondent à une législation élaborée aux heures les plus noires de notre histoire. Il convient d’y mettre un terme. D’une part, cela redonnera au diplôme sa véritable valeur de sanction d’un cursus conférant le droit à l’exercice d’une profession. D’autre part, cela assurera une plus grande validité au message républicain d’égalité de tous.

Nous ne pouvons ignorer que les populations issues de l’immigration sont sensibles à ce modèle. De surcroît, le fait qu’une personne étrangère ayant effectué ses études en France ne puisse pas ensuite exercer le métier auquel son diplôme lui permet de prétendre fait figure de repoussoir aux yeux de nombreuses personnes.

Monsieur le secrétaire d’État, j’avais présenté, au mois de février 2009, une proposition de loi, adoptée à l’unanimité au Sénat, toutes tendances politiques confondues, visant à supprimer ces conditions de nationalité et à mettre un terme à certains emplois fermés. Cette proposition, vous l’avez amplement soutenue, monsieur le secrétaire d’État. Encore sous l’effet de ce soutien inattendu, j’avais résumé notre collaboration républicaine par cette phrase : « Quand le libéralisme rencontre l’antiracisme, on peut faire de belles choses, finalement ! ».

Si la directive Services ne nous impose pas de mener aussi loin la lutte contre les pratiques discriminatoires, elle ne nous interdit pas non plus de faire preuve d’initiative et d’aller au-delà. Il me semble opportun, à l’occasion d’une modification du statut des experts-comptables, qui constituent une profession fermée, d’adopter une mesure reprenant les dispositions de cette proposition de loi.

Connaissant le sort réservé à ce texte par la commission des lois de l’Assemblée nationale, il me semble essentiel d’envoyer à nos collègues députés un message ferme de respect du pacte républicain, notamment pour ce qui concerne ses aspects méritocratiques.

C’est la raison pour laquelle je vous demande, mes chers collègues, d’adopter cet amendement.

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