Intervention de Catherine Morin-Desailly

Réunion du 12 novembre 2010 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 13

Photo de Catherine Morin-DesaillyCatherine Morin-Desailly :

Cet amendement tend à supprimer les alinéas 2 et 3 de l’article 13, qui inclut, dans sa rédaction actuelle, les redevances d’artistes dans le forfait social. Ce dispositif est en effet injustifié à plusieurs égards.

Sur le plan juridique, l’article 13 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2009 a instauré une contribution dénommée « forfait social » à la charge de l’employeur, applicable, sauf exceptions limitativement énumérées par l’article, à certaines rémunérations. Or les rémunérations doivent réunir deux conditions cumulatives.

D’une part, elles doivent être assujetties à la CSG. D’autre part, elles doivent répondre au double critère suivant : être versées aux travailleurs en contrepartie ou à l’occasion du travail et être exclues de l’assiette des cotisations sociales.

Les redevances versées aux artistes ne répondent pas à ce double critère, car leur nature même implique qu’elles ne sont jamais versées en contrepartie ou à l’occasion d’un travail. Les redevances sont fonction du produit de la vente ou de l’exploitation de l’enregistrement de la prestation. Elles sont la contrepartie d’un droit de nature patrimoniale reconnu à l’artiste interprète. Ainsi, les redevances s’analysent toujours comme la contrepartie de l’exercice d’un droit de propriété intellectuelle.

Par ailleurs, mes chers collègues, je tiens à souligner que cette définition est issue de la jurisprudence. En effet, la chambre sociale de la Cour de cassation a jugé, dans un arrêt en date du 1er juillet 2009, que les redevances phonographiques versées à un artiste interprète ne sont pas considérées comme des salaires. Dès lors, elles ne sont pas assujetties à des cotisations sociales comme ces derniers.

Certes, j’ai bien conscience de l’effort financier de la part de tous que nécessitent le déficit de l’État et, de surcroît, celui de la sécurité sociale. Néanmoins, j’attire votre attention sur le fait que ce dispositif serait désastreux pour l’industrie culturelle, particulièrement pour la filière de la production musicale.

Pour ce secteur, qui traverse depuis plusieurs années une crise économique importante, l’application de cette nouvelle taxe impliquerait que les producteurs de musique s’acquittent d’une somme annuelle de plus de 2, 5 millions d’euros. Cela annihilerait les avantages consentis par le crédit d’impôt phonographique, sans pour autant accorder aux artistes des prestations sociales complémentaires.

Cette mesure va à l’encontre de l’engagement que nous avons pris ces dernières années et des conclusions de la mission Zelnik, mise en place par le ministre de la culture et de la communication, qui a préconisé des mesures fiscales pour soutenir la création artistique et l’industrie culturelle.

Enfin, ce dispositif serait un réel handicap pour nos artistes français. En effet, puisque le forfait social ne s’appliquerait qu’aux artistes résidant en France, il aurait alors pour effet direct d’handicaper lourdement la production locale au profit d’artistes internationaux ou d’expatriés pour lesquels une telle taxe n’est pas applicable.

Je souhaite éclairer certains de mes collègues, en l’occurrence M. Cazeau qui pense, si j’en crois ce que rapporte le quotidien Les Échos, que ce dispositif ne vise que les artistes aux revenus élevés. Compte tenu de son adossement à la CSG/CRDS, le forfait social ne concernerait pas les redevances versées aux artistes étrangers, aux artistes français expatriés fiscaux, aux héritiers des artistes disparus, aux artistes notoires pour conclure des contrats de licence avec les maisons de disques.

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