Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 12 novembre 2010 à 9h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 13, amendement 212

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre :

Monsieur le président, je vous prie par avance de m’excuser d’apporter une réponse assez argumentée, mais le sujet le mérite.

Madame Debré, vous avez utilement rappelé l’importance de l’intéressement et de la participation, qui étaient l’un des fondements de la politique sociale du général de Gaulle, dont nous célébrons actuellement la mémoire.

Vous voulez favoriser le développement des plans d’épargne d’entreprise, les PEE, et des plans d’épargne pour la retraite collectifs, les PERCO. Il faut préciser que ces dispositifs bénéficient d’incitations et de dispositions sociales et fiscales importantes. Les versements des employeurs sur ces plans ne sont soumis à aucune cotisation sociale et ne sont pas imposables. Ils ne sont soumis qu’à la CSG et à la CRDS pour le salarié et au forfait social pour l’employeur. Le même régime, d’ailleurs, s’applique aux sommes issues de l’intéressement ou de la participation qui sont affectées à ces plans. Au total, 12 milliards d’euros – j’insiste sur cette somme –profitent de ces dispositions, qui, en termes d’exonérations fiscales et sociales, sont sans équivalent. Toutes les incitations ne fonctionnent pas, contrairement à celle-ci.

S’agissant du PERCO, outil plus récent, les derniers chiffres connus font état d’une augmentation de plus de 50 % des montants épargnés.

Vous souhaitez aller plus loin en matière d’incitation. Le Gouvernement n’est pas opposé à engager un débat sur ce sujet, mais je ne pense pas que le forfait social soit le bon outil. Il faut veiller à la cohérence du système de prélèvement. Le Gouvernement a entrepris de renforcer cette dernière en réexaminant toutes les dépenses fiscales et les niches sociales. C’est précisément la raison pour laquelle il a créé voilà deux ans le forfait social. Il serait malvenu d’instaurer, en quelque sorte, des niches dans les niches.

Néanmoins, il faut regarder les choses de plus près : l’affectation de l’intéressement ou de la participation sur un PEE ou un PERCO relève totalement du choix des salariés. La loi de 2008 en faveur des revenus du travail a renforcé cette liberté à travers une mesure très importante de la législature d’alors qui a permis d’étendre le libre choix des salariés de bloquer ou non leur participation. Chacun s’en souvient dans cet hémicycle. Si nous encourageons les salariés à conserver les sommes qui leur reviennent, ils sont libres de demander d’en bénéficier tout de suite pour des raisons tout à fait légitimes.

En quoi le fait de créer un taux minoré pour le forfait social acquitté intégralement par l’entreprise pourrait-il influencer le choix du salarié ? Je n’imagine pas que l’entreprise puisse faire pression sur celui-ci afin de payer moins de charges. D’un point de vue économique, je ne suis pas sûre que la dépense fiscale que nous créerions ait un effet réel.

De plus, je m’interroge sur la validité juridique d’un tel dispositif. Par exemple, une entreprise dont les salariés décident – nous n’avons pas à juger leurs raisons – de bénéficier tout de suite de leur intéressement ou de leur participation devrait payer, si l’amendement n° 212 rectifié bis était adopté, deux fois et demie plus qu’une entreprise qui aurait la « chance » que ses salariés fassent le choix inverse. À ce stade, qu’est-ce qui pourrait justifier une différence de traitement aussi considérable ?

L’évolution des règles applicables à l’intéressement et à la participation, donc au PEE et au PERCO, relève d’un débat plus général et ne me semble pouvoir être traitée ni par le forfait social, ni même à l’occasion du PLFSS.

Le Gouvernement a prévu de mener une réflexion globale sur les prélèvements au cours du premier semestre de 2011. Dans ce cadre, des adaptations pourraient être examinées pour poursuivre les objectifs que vous recherchez, mesdames, messieurs les sénateurs.

Madame Debré, je m’engage bien entendu à transmettre à M. le Premier ministre votre demande de réunion du Conseil d’orientation de la participation, de l’intéressement, de l’épargne salariale et de l’actionnariat salarié, le COPIESAS.

Sous le bénéfice des explications que je viens de vous donner, je vous demande donc de bien vouloir retirer l’amendement n° 212 rectifié bis.

L’amendement n° 24 a pour objet de porter le taux du forfait social appliqué à l’intéressement et à la participation à 23 %. Cette hausse déstabiliserait totalement l’équilibre actuel du dispositif, ce qui ne me paraît pas raisonnable, et conduirait un certain nombre d’entreprises à cesser de financer ces mesures. Les ressources de la sécurité sociale, et encore moins les salariés que vous aimez défendre, monsieur Le Menn, n’en retireraient aucun avantage. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 204 rectifié bis. Le forfait social, je l’ai rappelé, a été institué en vue de toucher les éléments de rémunération qui, échappant aux cotisations, n’en étaient pas moins assujettis à la CSG et à la CRDS. La définition de l’assiette de ce forfait répond à un souci d’unicité souhaitable, qu’il ne faut pas « détricoter » en excluant de cette assiette pour partie les retraites supplémentaires des entreprises. Je rappelle de nouveau que celles-ci bénéficient de mesures d’assujettissement favorables. Ainsi, 3, 9 milliards d’euros par an de contributions des employeurs bénéficient d’une exemption de cotisations sociales. La création de distorsions n’est ni utile ni souhaitable. Par conséquent, le Gouvernement vous demande, madame Hermange, de bien vouloir retirer cet amendement.

Pour ce qui concerne l’amendement 291 rectifié bis, je rappelle que récemment ont été adoptées des dispositions en faveur des PERCO. Être favorable à la promotion des dispositifs d’épargne salariale, tels que le PEE et le PERCO, tout en renforçant leur contributivité au financement de la protection sociale par le biais d’une contribution minimale n’est pas contradictoire. L’effet incitatif ne disparaîtra pas avec la hausse de deux points d’une taxe très limitée. C’est pourquoi, monsieur Dominati, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

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