Cet article, inséré dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale par l’Assemblée nationale, vise à limiter les exonérations de cotisations sociales dont bénéficient les indemnités de rupture en fixant un seuil au-delà duquel celles-ci seront assujetties. Selon les données de l’Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l’ACOSS, les indemnités de rupture conventionnelle représentaient 212 millions d’euros en 2008.
Nous voterons cette disposition, même si l’on peut regretter le faible nombre de personnes concernées par l’imposition en question. En effet, se rend-on bien compte de ce que représente le seuil retenu fixé à 140 000 euros ? Cette somme est déjà considérable et pourtant la mesure ne vise que 3 000 personnes. Parmi celles-ci, 1 600 ont touché plus de 200 000 euros d’indemnités. Établir le seuil à 100 000 euros aurait augmenté de 2 000 le nombre de personnes assujetties.
En fait, nous aurions dû approfondir la réflexion sur ce sujet, car les montants des indemnisations paraissent extrêmement incertains selon la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, les caractéristiques du poste ou du salarié. L’indemnité peut se limiter au minimum légal ou au minimum conventionnel. Elle peut être très supérieure en fonction du pouvoir de négociation du salarié et cependant bénéficier d’un régime de cotisation très favorable.
Par ailleurs, la nature indemnitaire des versements est remise en cause par les montants des compensations supra-légales, qui constituent de facto des compléments de revenus. Ainsi, la somme attribuée à un cadre ayant pu négocier un dédommagement supérieur à l’indemnité conventionnelle – 30 000 euros au lieu de 21 900 euros – en cas de rupture de son contrat de travail est exonérée à hauteur de 9 930 euros. Parallèlement, l’avantage social lié à la rupture du contrat de travail d’un salarié devant se contenter de l’indemnité légale de 4 000 euros n’est que de 1 840 euros. Or rien ne permet d’établir que le préjudice moral serait inférieur pour les salariés modestes. Rappelons que plus d’un dixième d’entre eux souffrent de dépression après leur licenciement.
À cet égard, aujourd’hui, les indemnités versées à l’occasion de la rupture d’un contrat de travail sont exemptées en fonction de plafonds divers, sans que ces différences puissent être expliquées de manière cohérente. En 2008, l’ACOSS avait proposé une imposition des montants d’indemnisation à partir de 33 276 euros.
Par ailleurs, lors de l’examen de la présente disposition par l'Assemblée nationale, Yves Bur avait déploré, en commission des affaires sociales, que « les exemptions concernant les indemnités de rupture conduisent à une optimisation visant à contourner le durcissement des règles en matière de préretraite et d’emploi des seniors. »
Enfin, il serait temps de fiscaliser les licenciements massifs pour éviter que les entreprises n’utilisent ce moyen en vue d’augmenter leurs profits et de faire grimper la valeur de leurs actions en bourse. Ce phénomène est répandu à tel point qu’il a été baptisé « licenciement boursier ».
Ainsi, au mois d’octobre dernier, le groupe industriel Alstom avait annoncé qu’il allait supprimer 4 000 postes à travers le monde d’ici au mois de mars 2012, dont une centaine en France. Cette entreprise avait pourtant réalisé un chiffre d’affaires considérable sur l’exercice 2010 : elle a dégagé un bénéfice en hausse de 10 %, à hauteur de 1, 22 milliard d’euros.
Pour assurer encore plus de profits à ses actionnaires, la direction a donc décidé de considérer ces salariés, qui ont pourtant passé une partie de leur vie dans ses usines à travailler dignement et avec ferté, comme de simples variables d’ajustement, ce qui est inadmissible. Il faudrait sanctionner ces comportements désinvoltes, inacceptables et, en tout cas, peu civiques, pour ne pas dire peu dignes !