Il s’agit ici de faire payer des charges sociales sur les gratifications, particulièrement sur celles des forces de vente dans de nombreux secteurs. Cette mesure, potentiellement profondément injuste, est en grande partie absurde. À tel point que, dans les amendements qui vont suivre, nous commençons à en mesurer les effets néfastes, car elle est mal comprise. Il va falloir rassurer les pilotes de ligne et d’autres personnels des compagnies aériennes. Un amendement a d’ailleurs été déposé en ce sens. Il va falloir également rassurer l’industrie automobile et les concessionnaires automobiles. Et nous n’avons pas encore entendu, chers collègues, les récriminations de l’ensemble des professionnels concernés, notamment des forces de vente, des commerciaux qui seront atteints par cette mesure !
L’article prévoit d’assimiler à des rémunérations les gratifications exceptionnelles, mais dans une faible mesure puisque cette contribution ne sera due que sur les sommes excédant un montant égal à 15 % de la valeur du SMIC mensuel. Évidemment, monsieur le ministre, dans le cas des activités saisonnières ou lorsqu’une force de vente a pu particulièrement déployer son énergie, par exemple à l’occasion des fêtes de Noël, le seuil sera immédiatement dépassé. Cela revient pratiquement à taxer les relations commerciales qu’une entreprise tierce peut avoir avec un réseau. Ainsi, on taxera telle grande société de parfums qui accordera des rémunérations sociales à un réseau de distribution de parfums, c’est-à-dire à des vendeuses. On le fera dans la grande distribution, dans l’électroménager, chez Darty et autres.
Mais on ne taxera que les sommes et avantages alloués à un salarié par une personne extérieure. Si cela provient d’une personne appartenant à la même entreprise, une sorte d’exonération est prévue. Autrement dit, les directions commerciales des entreprises diront à leurs employés qu’ils ne peuvent pas faire directement de cadeaux à leurs clients pour renforcer les forces de vente ; en revanche, si elles leur consentent un avantage, ces derniers pourront le céder à leurs clients…
En outre, le problème tient au fait que beaucoup de ces avantages sont offerts par des entreprises internationales. Nous savons très bien que, dans de grandes entreprises, les services informatiques se trouvent malheureusement bien souvent en Irlande. Autre exemple, la Belgique accueille des sièges de sociétés japonaises. Comment l’État pourra-t-il exercer son contrôle, lorsqu’un fabricant de matériel informatique, dont le siège se trouve en Belgique, offrira des gratifications aux forces de vente de la grande distribution française pour les motiver ? Dans de telles conditions, seules les entreprises françaises seraient pénalisées par cette mesure.
En résumé, je vois trois objections majeures à cet article 16 : premièrement, il risque de susciter un afflux de réclamations catégorielles, qui seront malheureusement justifiées ; deuxièmement, comme vient de le dire M. Fischer, il aura une incidence directe sur le pouvoir d’achat ; troisièmement, il créera un déséquilibre entre les sociétés nationales et internationales.
Pour l’ensemble de ces raisons, monsieur le ministre, je propose la suppression pure et simple de cet article : elle nous fera gagner du temps, aujourd’hui, en accélérant l’examen des amendements, et à l’avenir, car vous ouvrez une véritable boîte de Pandore !