Intervention de Annie Jarraud-Vergnolle

Réunion du 12 novembre 2010 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 16 bis nouveau

Photo de Annie Jarraud-VergnolleAnnie Jarraud-Vergnolle :

Cet article, inséré par l’Assemblée nationale, vise à rendre imposable l’activité de loueur de chambres d’hôtes.

Avant de défendre un amendement visant à tenir compte des petites structures, j’aimerais réagir sur la méthode employée : cette disposition a, en effet, été imposée sans concertation avec les professionnels du secteur.

Monsieur le ministre, le dialogue social est un instrument de réforme pertinent face à la diversité des situations des hôteliers de gîtes. Ces derniers demandent de la souplesse et de l’adaptation plutôt que de la centralisation : « la taille unique » imposée d’en haut confond trop souvent égalité et uniformité.

Pour de très nombreux loueurs non professionnels, la mesure prévue à l’article 16 bis signifie une forte hausse de leurs dépenses. À titre d’exemple, l’impact est évalué à 1 700 euros de cotisations sociales supplémentaires pour un chiffre d’affaires annuel de 20 000 euros.

Rappelons que l’activité de chambres d’hôtes est très souvent de type patrimonial. Elle permet à de nombreux propriétaires de faire face aux taxes locales et charges d’entretien de leur maison. Les perspectives de revenus sont faibles, compte tenu d’un nombre de chambres limité et d’une activité le plus souvent très saisonnière.

Dans la plupart des cas, les propriétaires de ces gîtes et chambres d’hôtes ont une autre activité de caractère principal qui, elle, est soumise à cotisations sociales.

Les gîtes ruraux sont l’une des grandes réussites des territoires ruraux français. En un siècle, ils ont joué un rôle considérable en offrant un complément de revenu aux agriculteurs, en animant la vie de nos campagnes et en évitant à de nombreux bâtiments de tomber en ruine. Mais leur plus grande réussite aura été de débarrasser le tourisme vert de son image un peu ringarde.

Le profil des propriétaires a ainsi changé : il y a moins d’agriculteurs et plus de néoruraux pour qui l’ouverture d’un gîte ou d’une maison d’hôtes est un véritable choix de vie. La nouvelle génération d’hôteliers est davantage adepte d’une authenticité culturelle. Le Sud-Ouest en fournit d’ailleurs la meilleure illustration : la Dordogne, par exemple, est le département français qui compte le plus de chambres d’hôtes.

Dans mon département des Pyrénées-Atlantiques, qui compte un millier de propriétaires de gîtes ou de chambres d’hôtes, cette réforme aura une incidence sur 80 % d’entre eux, pour lesquels cette activité représente entre 2 000 euros et 6 000 euros de revenus par an.

Chaque année, deux millions de clients occupent un gîte en France. Il s’agit d’une clientèle familiale, qui aspire au repos et aux loisirs. Alors que l’ensemble du secteur hôtelier a accusé une baisse de 6 % en 2009, les chambres d’hôtes ont, elles, connu une progression de 10 % à 12 %.

Les raisons de ce succès sont simples. Les touristes, français comme étrangers, privilégient de plus en plus les échanges humains et un accueil personnalisé, le tout pour un tarif modeste, le prix moyen d’une nuitée pour deux personnes tournant autour d’une cinquantaine d’euros.

Mais tout n’est pas rose, loin de là ! Selon un rapport cité par la Fédération nationale des gîtes de France, le volume des hébergements en zone rurale devrait connaître une baisse de 70 % d’ici à quinze à vingt ans, liée notamment à la différence de rentabilité et de taux de remplissage entre la ville et la campagne, respectivement autour de 60 % et 40 %.

C’est d’autant plus dommage que les départements ruraux pourraient accueillir des personnes qui ne partent plus en vacances, et qui seraient très heureuses de le faire dans des lieux vraiment authentiques, comme nous en avons beaucoup dans nos cantons et arrière-pays.

Enfin, selon un sondage, publié le 3 novembre 2010, réalisé par Toprural.fr avec l’institut Sondea, 47 % des Français séjournent régulièrement en chambres d’hôtes. À l’inverse des 63 % de Français qui ont modifié leurs habitudes de vacances en 2010 en raison de la crise, 64 % des adeptes du tourisme vert ont maintenu leur choix ; 23 % sont même partis plus souvent qu’auparavant, avec une préférence pour les chambres d’hôtes durant le week-end et les gîtes pendant les grandes vacances.

Il faudrait veiller à ne pas les pénaliser.

Votre objectif est d’accroître les ressources de la sécurité sociale, soit ! Mais une telle disposition peut, au contraire, encourager le développement d’activités non déclarées ou conduire à la cessation d’activité de nombreux loueurs de chambres d’hôtes, ce qui peut peser sur l’économie touristique de nombreux territoires.

C’est pourquoi nous vous demandons de conserver le caractère patrimonial de cette activité, au moins jusqu’à un certain niveau de revenu produit par cette activité.

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