Intervention de Bernard Vera

Réunion du 2 novembre 2009 à 16h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés — Article 1er

Photo de Bernard VeraBernard Vera :

Nous regrettons que, malgré nos appels répétés, vous fassiez le choix d’ouvrir à la concurrence le transport ferroviaire de voyageurs alors même qu’aucun bilan n’a été réalisé sur les précédentes directives de libéralisation.

Nous considérons que la libéralisation du transport de voyageurs n’est pas une question anodine. Elle mérite donc mieux qu’une lecture en urgence au sein de nos assemblées.

En effet, les dispositions contenues dans ce projet de loi posent directement la question du maintien d’un service public des transports, comme en témoigne votre volonté de modifier l’intitulé de la section I du chapitre Ier du titre II de la loi d’orientation des transports intérieurs, la LOTI, où la notion de service public disparaît.

Se pose également la question du maintien de l’opérateur public, la SNCF, puisque nous voyons, là encore, les prémices d’un découpage de son activité, notamment avec la séparation comptable de la gestion de l’infrastructure et de l’exploitation des services de transports, ainsi que l’isolement des gares au sein de son activité.

Pour notre part, nous considérons que le modèle d’une entreprise intégrée est un atout pour notre pays et un gage pour la sécurité.

La mission de service public confiée à la SNCF risque finalement d’être menacée par cette ouverture à la concurrence, surtout si la notion de cabotage fait l’objet d’une lecture extensive par l’ARAF.

En effet, il est à craindre que les nouveaux opérateurs ne s’emparent des lignes rentables, comme celles du TGV, et que la SNCF, n’ayant plus les ressources nécessaires pour effectuer une péréquation entre les activités rentables et celles qui le sont moins, n’abandonne progressivement – c’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer pour le fret ferroviaire – des lignes jugées moins rentables.

Une telle dérive remettrait gravement en cause la présence d’une offre de transport sur l’ensemble du territoire. C’est la notion même de service public qui serait ainsi mise à mal.

Nous sommes également perplexes quant aux bénéfices de cette ouverture à la concurrence pour les usagers. En effet, les entreprises privées sont là pour faire des bénéfices et ne sont pas dépositaires de missions de service public. Il faudra donc que l’offre qu’elles proposent soit suffisamment rentable pour leurs actionnaires. La concurrence risque ainsi de se porter notamment sur les normes sociales pour les personnels des entreprises. À ce titre, nous savons bien que les mécanismes de dumping social sont devenus monnaie courante au sein de l’Union européenne et constituent d’ailleurs le principal avantage concurrentiel de la route sur le rail.

Cette libéralisation fait également peser des risques sur la sécurité des usagers. En effet, il est à craindre que les nouveaux entrants ne rognent sur les normes minimales de sécurité qu’ils considèrent comme un coût. Au demeurant, comme nous l’avons rappelé lors de la présentation de notre motion tendant à opposer la question préalable, il est intéressant de constater la frilosité des opérateurs privés, qui craignent de devoir se plier à des normes techniques de sécurité trop contraignantes, normes qu’ils considéreraient comme des entraves à leur compétitivité. On risque donc de voir les exigences de rentabilité financière prendre le pas sur la réponse aux besoins et à la sécurité des circulations.

Sur le fond, et dans l’esprit des objectifs du Grenelle de l’environnement, ajouter une concurrence interne au rail, en plus de celle de la route, n’est pas de bon augure pour les missions confiées à la SNCF en vue du développement de l’offre de transport, et donc dans l’objectif d’un rééquilibrage modal.

Le groupe CRC-SPG propose, pour sa part, un autre modèle, pour une Europe ferroviaire fondée sur les coopérations, l’élévation des conditions sociales des travailleurs, la sécurité des circulations et des investissements publics afin de développer durablement le transport ferroviaire et de participer au rééquilibrage multimodal ainsi qu’au maillage territorial.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion