Monsieur le ministre, je m’interroge sur la sincérité des prévisions figurant dans les tableaux de cet article.
Naturellement, vous croyez en la politique que vous menez et vous estimez raisonnable votre prévision d’une croissance de 2 %. Le FMI s’est montré en tout cas moins optimiste que vous, notamment sur les perspectives de croissance. Interrogé sur Europe 1, le jeudi 4 novembre, son chef économiste, Olivier Blanchard, a estimé que la croissance française atteindrait 0, 9 % en 2011. M. Jégou nous a parlé d’un taux de 1, 5 % lors de l’examen de la loi de programmation des finances publiques pour les années 2011-2014.
De la même manière, vous envisagez une progression de la masse salariale de 2, 9 %. Comme l’a indiqué M. Alain Vasselle, mercredi dernier, cette estimation est irréaliste. Pour notre part, nous ne sommes pas sûrs que ce chiffre soit tout à fait objectif, et l’on peut même se demander s’il n’a pas été élaboré précisément pour que les tableaux d’équilibre restent présentables. L’avenir nous le dira !
En ce qui concerne l’équilibre des comptes, cet article prévoit de nouvelles mesures d’économie au détriment des assurés sociaux. Les Français en sont clairement conscients. Les sondages sur la perception du système de santé confirment cette tendance. Le dernier en date, réalisé par le Collectif interassociatif sur la santé avec Viavoice et rendu public mardi 12 octobre, souligne leurs craintes sur l’évolution de leur prise en charge et aborde les renoncements aux soins à venir.
Il s’en dégage que 53 % des sondés estiment que la priorité d’une réforme du système de santé devrait être de maintenir un bon niveau de remboursement par la « sécu ». Pourtant, en présentant le projet de loi de financement de la sécurité sociale, vous avez rappelé à de nombreuses reprises que le « reste à charge » des Français ne s’élève qu’à 9, 4 %, « signe que nous consolidons notre très haut niveau de couverture ». Et vous jugez infondées les « plaintes régulières sur le désengagement de l’assurance maladie ». Autrement dit, circulez, il n’y a rien à voir !
Il n’est pas sûr qu’un tel discours soit à même de convaincre, monsieur le ministre. Depuis 2004, ont été mises en place des mesures d’économie, comme le forfait de 1 euro par consultation ou la franchise sur les boîtes de médicaments. En 2011, le taux de remboursement des produits à vignette bleue devrait baisser et passer de 35 % à 30 %.
De telles mesures ont eu des effets puissants sur la montée des inégalités de soins. Certains y voient le signe d’un changement de système, d’autres affirment le contraire, rappelant que la prise en charge, à plus de 75 %, par l’assurance maladie reste stable. Mais la ministre de la santé reconnaît à demi-mot une évolution, quand elle indique que le recentrage sur l’hôpital et la maladie grave est « une nécessité morale ».
Il y aura bientôt un an, l’économiste de la santé Didier Tabuteau vous avait interpellé en affirmant que, pour les soins courants, les remboursements ne s’élevaient plus qu’à 55 %. Il réclamait de la transparence et un débat public sur cette évolution rampante du système. Aucun chiffre précis n’avait alors été apporté en réponse.
Mais, même si le taux de 75, 5 % de prise en charge en 2009 est toujours mis en avant dans vos discours, beaucoup d’observateurs et de dirigeants du monde de la santé contestent ouvertement la sincérité de cet argumentaire. Ils critiquent la non-prise en considération des frais de complémentaires santé, qui représentent une forte proportion du budget de certains ménages.