Intervention de Jacky Le Menn

Réunion du 12 novembre 2010 à 15h00
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 25

Photo de Jacky Le MennJacky Le Menn :

Le déficit toutes branches de l’ensemble des régimes obligatoires de base est estimé, pour l’année 2011, à 21, 3 milliards d’euros. Pour apparaître moins douloureux, les efforts de maîtrise de la dépense seront saupoudrés entre les différents acteurs : professionnels, laboratoires et assurés sociaux, au risque de voir les complémentaires de nouveau augmenter leurs tarifs, et les ménages en supporter les conséquences ; elles ont déjà prévenu qu’elles ne supporteraient pas seules le coût du plan.

Ce qui est proposé cette année est en fait « presque un constat d’impuissance », comme le reconnaissait très justement le rapporteur Yves Bur à l’Assemblée nationale, que je cite : « L’objectif d’équilibre budgétaire s’est éloigné, nous n’avons pas trouvé de nouvelles recettes et le Gouvernement tient encore compte des clientélismes nombreux dans le monde de la santé ».

Au final, nous voyons à l’œuvre une approche gestionnaire mais pas un projet politique de sauvegarde de notre protection sociale. Au fil des années émerge, de façon souterraine, sans que le débat public soit posé, un nouveau système laissant une place grandissante aux complémentaires de santé : il passe peu à peu de l’assurance à l’assistance, en se spécialisant de plus en plus dans les « gros » risques. Les frais seront pris en charge à 100 % si l’on est pauvre et malade, mais à 50 % si l’on n’est ni l’un ni l’autre : c’est une machine à créer de la défiance.

Dans le domaine des politiques de santé, toutes les comparaisons menées avec un minimum de rigueur concluent à l’absence de réponse. Surtout, les échecs des mesures adoptées depuis 2004, comme la mise en concurrence des établissements hospitaliers ou encore la pénalisation des patients, sont désormais bien connus.

Le retour à l’équilibre repose ainsi largement sur un système de tuyauterie. Les nouvelles recettes fiscales et sociales, introduites dans le cadre du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2011, devraient assurer seulement 11 % des besoins de financement.

Pour le reste, nous allons encore recourir à l’emprunt. Le Gouvernement a prévu que le montant de la dette cumulée, soit 56, 7 milliards d’euros, serait repris par la CADES, dont l’échéance a été reportée à 2025, et refinancé partiellement par la liquidation progressive du Fonds de réserve pour les retraites, initialement constitué pour passer le « pic démographique » de 2020. Nous l’avons longuement évoqué lors de la discussion de la loi portant réforme des retraites.

Tel qu’il est rédigé, ce PLFSS ne répond pas aux enjeux d’un retour à l’équilibre important de l’assurance maladie. L’exercice reste limité à l’obtention de 2, 5 milliards d’euros d’économies et à une évolution de l’ONDAM à 2, 9 %.

Certes, certaines mesures sont logiques et vont dans le sens des propositions. Il est par ailleurs difficile d’être contre le relèvement des plafonds de l’aide à la complémentaire santé, même si nous souhaitons que d’autres ressources soient prévues : il n’est pas de la vocation des complémentaires de se substituer à la sécurité sociale.

Concernant les conséquences de la réforme des retraites sur le régime vieillesse, les mesures ne couvrent que 82 % des besoins de financement estimés jusqu’en 2018. Il en reste 18 % à trouver. Et nul doute que le chiffre sera annuellement de plusieurs milliards d’euros. Selon la commission des finances du Sénat, qui ne cache pas son scepticisme, l’équilibre du régime « ne pourra être au mieux que ponctuel ».

Cela signifie que, à partir de 2020, dans les hypothèses les plus optimistes, la question du financement du système de retraite par répartition sera de nouveau posée. Le Gouvernement a prétendu faire une réforme « courageuse » à propos des retraites. En réalité, en recourant à des expédients et en faisant payer le prix fort aux assurés, il n’a fait que retarder les échéances.

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