Monsieur le ministre, l’adoption, en juillet 2005, de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale avait été présentée comme une réforme importante du fonctionnement de notre protection sociale. Parmi l’une de ses mesures phare figurait l’ordonnance relative à l’amortissement de la dette sociale. Celle-ci avait posé l’interdiction faite au législateur d’étendre, par de nouveaux transferts, la durée de vie de la CADES.
Il aura fallu cinq ans pour faire machine arrière via l’adoption de la loi sur la gestion de la dette sociale, cet automne. Plutôt que de financer la CADES par de nouvelles taxes sur les assurances dont le rendement devrait décliner à partir de 2012, le Gouvernement a consenti, sous la pression des parlementaires, à donner son accord à un échange de recettes, certes peu orthodoxe, avec la sécurité sociale.
Ce texte a prévu ainsi de « mobiliser les actifs financiers et la recette du Fonds de réserve pour les retraites, ou FRR, en vue de la reprise exclusive de la dette vieillesse, CNAV et FSV, de 2011 à 2018 ». La part du prélèvement de 2 % sur les revenus du capital aujourd’hui affectée au FRR sera transférée à la CADES – soit 1, 5 milliard d’euros en 2011 – et 2, 1 milliards d’euros seront prélevés chaque année sur les actifs du FRR pour être versés à la CADES, jusqu’en 2024.
Certes, le Fonds ne verra pas formellement « dissoudre ses avoirs » – 33 milliards d’euros à la fin de 2009 –, ceux-ci commenceront à partir de 2011 à être transférés à la CADES, qui reprendra ainsi les 65 milliards d’euros de dette que vont accumuler les régimes de retraite entre 2011 et 2018. Les actifs et passifs seront consolidés au sein de la CADES. Le FRR continuera simplement de gérer ses actifs, siphonnés au fur et à mesure pour le compte de la caisse d’amortissement.
Afin d’éviter à ce dernier de devoir liquider trop rapidement ces actifs et dans de mauvaises conditions, la CADES émettra des obligations et les remboursera grâce à sa nouvelle recette et aux transferts progressifs du FRR, à mesure des cessions d’actifs. Par conséquent, 62 milliards d’euros seront financés par un versement annuel de 2, 1 milliards d’euros provenant du FRR.
Le conseil de surveillance du Fonds, réuni en début juillet, a vivement réagi, évoquant le caractère ubuesque de ce procédé.
En catapultant les actifs du FRR vers la CADES via l’article 28, le Gouvernement sacrifie une gestion raisonnée sur l’autel de l’urgence, dénature la mission du Fonds, qui n’est pas une cagnotte dans laquelle on pourrait puiser à la première difficulté. Siphonner les réserves du Fonds de réserve pour les retraites est, à nos yeux, une atteinte à la solidarité intergénérationnelle, une injustice. C’est, en outre, une mauvaise gestion des ressources publiques, car le rendement du FRR est supérieur au taux de financement de la dette.
Le champ des solutions possibles est ouvert. Il fallait effectivement des ressources supplémentaires pour que notre génération finance sa dette sociale.
Ce que vous nous réclamez, par conséquent, aujourd’hui, n’est qu’une dérobade. Diminuer les niches fiscales, comme vous le faites, n’est-ce pas augmenter indirectement certains impôts ? Quelle logique y a-t-il à réduire le rendement de l’assurance vie, quand on a dit vouloir encourager les assurances individuelles et l’épargne personnelle ? Taxer les complémentaires santé ? Ce seront les Français qui paieront l’addition ! Le pouvoir d’achat des ménages en sera encore une fois affecté...
Pour nous, cela n’est pas acceptable. Conscients de la gravité de la situation, les parlementaires socialistes ont déposé jeudi dernier un recours devant le Conseil constitutionnel contre l’utilisation des actifs du FRR pour prolonger de quatre ans la dette de la CADES.