Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 12 novembre 2010 à 21h30
Financement de la sécurité sociale pour 2011 — Article 30 bis nouveau

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

L’article 30 bis, inséré par l’Assemblée nationale, vise à simplifier les formalités imposées aux employeurs étrangers ayant des obligations sociales à remplir à l’égard de salariés relevant de la législation française de sécurité sociale, et ainsi à garantir le financement de la protection sociale de ces salariés. À cet effet, cet article crée un guichet unique dématérialisé pour ces employeurs redevables de cotisations en France.

Cette mesure de simplification mérite d’être saluée, à condition qu’elle ne soit pas instrumentalisée par les entreprises étrangères pour contourner le code du travail. Or nous regrettons la tolérance du Gouvernement dans ce domaine.

« Je ne suis pas scandalisée », a déclaré Christine Lagarde au micro d’Europe 1, le jeudi 14 octobre 2010, à la suite de l’annonce, la veille, par la compagnie low cost Ryanair de son intention de fermer ses installations marseillaises en janvier 2011. Pour justifier sa décision, l’entreprise invoquait sa récente mise en examen pour « travail dissimulé ».

La ministre de l’économie a même ajouté : « On a tout intérêt à regarder ce qu’on peut changer pour éviter que d’autres entreprises étrangères ne quittent à leur tour le territoire français ».

De même, le maire de Marseille a dénoncé le « comportement irresponsable » des syndicats à l’origine de la plainte. Pis, il a plaidé pour l’abrogation du décret du 21 novembre 2006, qui prévoit que le droit social français s’applique aux personnels des « bases d’exploitation » des compagnies étrangères implantées en France.

Initialement, cent vingt personnels navigants travaillaient pour Ryanair sur les quatre Boeing 737 basés à l’aéroport de Marseille-Provence, mais dans le cadre de contrats de travail irlandais. La compagnie leur a fait, en quelque sorte, « le coup du plombier polonais » et s’est justifiée en invoquant la « directive Bolkestein ». Malheureusement pour elle, après les vives réactions suscitées par cette directive, le décret du 21 novembre 2006 avait limité son application aux seuls personnels temporairement détachés.

Jouant des différences entre les droits du travail irlandais et français, Ryanair réalise une économie de 30 % sur les charges sociales : ainsi, 4 millions d’euros ne sont pas entrés dans les caisses de la sécurité sociale française.

Déjà, en 2009, les syndicats aériens avaient dénoncé les pratiques de la compagnie, en indiquant que le statut « irlandais » des salariés marseillais lui permettait de ne payer aucune taxe parafiscale – qu’il s’agisse des taxes professionnelle, d’apprentissage et de formation professionnelle –, ni aucune cotisation sociale en France, alors qu’elle y réalisait un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros par an. Ils avaient en outre révélé qu’elle bénéficiait, à l’échelle européenne, de 650 millions d’euros d’aides publiques, pour un résultat net affiché de 400 millions d’euros.

Interrogé à ce sujet, le PDG de Ryanair avait indiqué que sa décision était dictée « par une question de principe davantage que par un problème de coût ». Il avait en outre reconnu ignorer combien de ses salariés basés à Marseille accepteraient leur nouvelle affectation. « Je ne suis pas sûr que tous suivront, mais je respecte le choix de ceux qui refuseraient de le faire. Lorsque le business se déplace, les employés doivent suivre ; une compagnie aérienne ne peut pas fonctionner autrement », a-t-il déclaré.

Pour notre part, nous dénonçons ce chantage pur et simple. Le droit du travail français n’est ni « marchandable » ni négociable !

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