Intervention de Odette Terrade

Réunion du 2 novembre 2009 à 16h00
Organisation et régulation des transports ferroviaires et guidés — Article 2 bis A

Photo de Odette TerradeOdette Terrade :

Le problème des transports et des déplacements en Île-de-France fait partie des toutes premières priorités des habitants. Nombre d’entre eux, toutes catégories sociales et âges confondus, expriment une réelle souffrance face à une offre de transports en commun souvent trop chère et inadaptée au regard des évolutions des modes de vie et de travail, et ce malaise serait encore aggravé par des dispositions que le Sénat a votées hier concernant d’éventuels péages.

Le texte qui nous est proposé comporte trois défauts majeurs, d’où trois reproches que je lui adresse.

Tout d’abord, sur le plan de la démocratie, il ne prévoit rien pour associer plus étroitement les usagers des transports et les citoyens à l’amélioration de l’offre de transport. Celle-ci, pourtant, ne peut plus être examinée de façon technocratique et doit, au contraire, partir des besoins qu’ils expriment et des propositions qu’ils formulent. Il est donc urgent d’imaginer des procédures de concertation permanentes, par exemple en organisant l’élection, par grandes zones géographiques, de représentants des usagers au conseil d’administration du STIF.

Par ailleurs – c’est mon deuxième reproche –, ce texte consacre le désengagement total de l’État.

S’il est indispensable que les élus départementaux et régionaux acquièrent la maîtrise, l’État ne peut pas, ne doit pas se désintéresser du réseau de transports collectifs de la région capitale, celui-ci structurant pour une grande part la vie économique de notre pays. C’est ainsi que le préfet de région pourra s’inviter, quand il le jugera nécessaire, au conseil d’administration du STIF. L’État se met donc uniquement en situation d’exprimer son « bon vouloir ». Il eût été plus sage de prévoir sa présence, avec voie consultative, sur une période donnée, le temps que les transferts de compétences et les transferts financiers soient totalement assurés.

Enfin – c’est le troisième reproche que je formule –, cette situation illustre le désengagement financier de l’État.

Il confirme que la décentralisation n’est qu’une simple opération de délestage, sur les collectivités territoriales, des budgets que l’État ne veut plus assumer.

Ce désengagement est consacré dès la modification de l’article 1er de l’ordonnance du 7 décembre 1959, portant création du STIF. La participation financière de l’État est purement et simplement supprimée. Divers mécanismes sont supposés la suppléer, dont un versement du Fonds de compensation pour la TVA, directement dépendant de la situation économique du pays, donc aléatoire. Par ce biais, les usagers, notamment les plus modestes, sont mis doublement à contribution, alors que la part des grandes firmes mondialisées, premières bénéficiaires du réseau de transports en commun, ne cesse quant à elle de baisser.

Les modalités de compensation sont également très floues et particulièrement inquiétantes. En se fondant sur l’année 2003, qui a vu le Gouvernement supprimer 20 % de ses crédits, l’État serait exonéré d’une grande partie de ses responsabilités. Voilà qui aggraverait une situation déjà préoccupante, le STIF ayant un budget en déséquilibre de 100 millions d’euros et le réseau étant dans une situation pitoyable.

En préalable au transfert de cette compétence à la région, nous proposons donc trois mesures compensatoires.

Premièrement, le Gouvernement doit décider d’un rattrapage budgétaire, ainsi que le précédent gouvernement l’avait fait lors du transfert des trains express régionaux, les TER, aux autres régions. Une telle décision ne serait que justice, puisque le réseau francilien supporte un trafic équivalent à l’ensemble des trafics de voyageurs des autres régions.

Deuxièmement, le Gouvernement doit réaliser un audit auquel sera étroitement associée la région, afin de procéder à un inventaire précis de l’infrastructure.

Je rappelle que Bercy a imposé des critères d’endettement tellement sévères à la RATP et à la SNCF qu’elles ne peuvent pratiquement plus rien financer. Les collectivités territoriales sont donc déjà contraintes de mettre la main à la poche pour offrir des conditions de transport correctes aux Franciliens.

Troisièmement, le Gouvernement doit donner des assurances concernant la pérennité et la progression de ses engagements dans les contrats de plan État-région, dont M. Delevoye a déclaré, après M. de Robien, qu’ils pourraient être supprimés. En effet, il serait inacceptable que l’État se désengage massivement, et par tous les moyens, des infrastructures de transport dans la première région économique européenne.

C’est en ces termes que, lors du débat sur la décentralisation version Raffarin, mon ancienne collègue Hélène Luc était intervenue dans le débat portant sur l’organisation des transports d’Île-de-France.

Ce rappel historique, pas si ancien, me semble utile pour que nous soyons en situation de voter comme il convient, dans le cadre de cette commission mixte paritaire.

Oui ou non, sommes-nous au clair sur la question des charges actuelles et à venir du syndicat des transports d’Île-de-France ? Oui ou non, sommes-nous au clair s’agissant du rôle que doit jouer l’État sur la question essentielle du financement de l’infrastructure comme des matériels roulants ? Oui ou non, voulons-nous continuer de confier à des entreprises publiques performantes – ici la RATP et la SNCF – la responsabilité d’assumer l’essentiel du service public du transport de voyageurs ?

Cet article, qui ne prend en compte que des préoccupations financières et, pour une part, électorales, n’y répond aucunement, et c’est pourquoi nous ne le voterons pas.

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