Sur la forme, lorsque ce texte a été présenté à la commission de l’économie, j’ai demandé au président de cette dernière, M. Jean-Paul Emorine, s’il concernait l’Île-de-France. Il m’a répondu que tel n’était pas le cas, que la problématique des transports en Île-de-France serait étudiée lors de l’examen du projet de loi relatif au Grand Paris. Par conséquent, vouloir régler la question par un amendement de plusieurs pages déposé quelques jours avant l’examen du texte à l’Assemblée nationale, dans les conditions qui ont été évoquées par d’autres orateurs dans cet hémicycle, est tout à fait inacceptable pour les élus franciliens, des élus qui sont attachés au fait que l’État n’exerce pas d’une manière déficiente le monopole des transports en Île-de-France, monopole qu’il détient depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Le Sénat n’a donc pas été consulté.
J’avais eu l’occasion de dire, lors d’un précédent débat sur l’ouverture des commerces le dimanche, que des dispositions spécifiques à la Ville de Paris pouvaient être censurées par le Conseil constitutionnel. Vous prenez le même risque ici, et ce risque est important dans la mesure où le projet de loi qui nous a été présenté ne mentionnait, à aucun moment, cette problématique spécifique à l’Île-de-France.
Sur le fond, ce texte est critiquable pour la raison suivante. Depuis des années, de nombreux élus ont fait le diagnostic de la particularité francilienne de ce monopole d’État avec un régime unique et l’affrontement de deux sociétés nationales, la SNCF et la RATP, puis d’une troisième, RFF, pour entreprendre des projets, ne jamais les terminer, rendre un service de qualité moyenne, souvent critiqué par les usagers des transports d’Île-de-France.
C’est ce qui justifie la création, après des années de combat, du Syndicat des transports d’Île-de-France, le STIF. Mieux prendre en compte les usagers, les citoyens, dans la problématique des transports, casser les situations de monopole, notamment le monopole des syndicats : voilà pourquoi le STIF a été créé !
Avec de nombreux élus de droite, je revendique ce combat pour la création du STIF : nous jugeons cette avancée positive. Certes, une déficience conjoncturelle est constatée à la tête du syndicat, sur la politique menée en Île-de-France. Ce n’est pas une raison suffisante pour revenir à un système qui appartient au passé.
Ce n’est donc pas ainsi qu’il fallait procéder pour tenter de résoudre la problématique des transports en Île-de-France. La région a besoin de plus de concurrence : au nom de la modernisation, il faut faire en sorte qu’on n’attende pas 2039 pour permettre la création de lignes de bus par des collectivités territoriales et des élus locaux.
En réalité, monsieur le secrétaire d’État, vous faites là un compromis historique. Au nom de la paix sociale dans les entreprises publiques, vous optez pour un régime dérogatoire au régime européen, ce que vous ne dites pas, pas plus que les autres orateurs, d’ailleurs. Un régime d’exception a en effet été négocié, allongeant la durée du monopole des services publics, comme vous dites, de 50 %.
Le Gouvernement n’aurait pas dû accepter un tel régime dérogatoire et il ne devrait pas mettre quinze ans pour instaurer un système de concurrence. Telle est la réalité que vous ne mentionnez pas ! En outre, vous nous privez de pouvoir en débattre, ici, au Sénat. C’est tout à fait anormal !
Pour toutes ces raisons, monsieur le secrétaire d’État, tant sur la forme que sur le fond, je ne peux pas vous suivre dans cette affaire.
Nous reprendrons ce débat, afin de pouvoir construire un système moderne et adapté, qui ne soit pas un système de compromis avec les syndicats. Nous reprendrons ce débat, afin d’éviter que, jusqu’en 2029, les usagers de cette région, unique en France et en Europe, aient à payer 20 % de plus pour l’exploitation d’une ligne de bus ou de tramway, qui, partout ailleurs, aurait pu être mise en place avec plus de souplesse et de liberté.
C’est donc au nom des élus locaux, au nom de ce pour quoi nous avons combattu, que je ne voterai pas ce texte, et j’espère que nous pourrons reprendre très prochainement ce débat.