Intervention de Gisèle Printz

Réunion du 16 décembre 2004 à 9h45
Reconnaissance de la nation en faveur des français rapatriés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Gisèle PrintzGisèle Printz :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui fait suite aux débats qui ont été organisés l'année dernière, l'un le 2 décembre 2003 à l'Assemblée nationale, l'autre, auquel j'ai moi-même participé, le 17 décembre 2003 au Sénat.

Il aura donc fallu un an pour que la Haute Assemblée puisse à nouveau débattre de ces questions, cette fois sur un texte proposé par le Gouvernement et déjà largement amendé par nos collègues députés.

Comme je l'indiquais alors, « parce qu'elle a au coeur les valeurs de la République, la France doit assumer son histoire ». C'est donc un moment de vérité que nous pouvons vivre ensemble, si nous en avons le courage et la volonté.

II est avéré qu'en 1962 nos concitoyens d'Afrique du Nord, notamment d'Algérie, ont été contraints d'abandonner dans la précipitation et l'angoisse leurs racines, les tombes de leurs ancêtres, leurs biens, tout ce qui faisait à la fois leur identité et leur vie quotidienne.

Pendant la guerre d'Algérie, mais aussi après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, des actes atroces ont été commis de part et d'autre. Lors des auditions que nous avons menées, tant dans le cadre de la commission des affaires sociales qu'au sein du groupe socialiste, nous avons écouté avec beaucoup d'attention et d'émotion des personnes qui ont été malmenées, parfois brisées par cette période tragique. Nous tenons à leur dire que nous comprenons leur souffrance et que nous voulons contribuer à y porter remède, autant que cela soit possible.

Les épreuves n'étaient cependant pas terminées : en métropole, nos concitoyens n'ont pas reçu l'accueil qui leur était dû. Trop souvent, ils ont été regardés comme des intrus et ont été reçus sans fraternité, sans la ferme volonté de les intégrer à la communauté nationale. Le souvenir de cette époque est encore présent chez nombre d'entre eux, qui n'oublient pas - comment le pourraient-ils ? - la froideur, souvent l'hostilité ressenties alors.

J'en viens maintenant aux anciens membres des formations supplétives et à leurs familles.

Les harkis qui ont pu rejoindre la France ont été traités d'une manière indigne de la République. Ils ont été littéralement relégués dans des camps et dans des hameaux de forestage, dans un pays où, plus encore que pour nos compatriotes européens rapatriés, tout était nouveau et étranger pour eux. Leur intégration a été délibérément négligée.

Leurs enfants n'ont pas reçu l'éducation et la formation à laquelle, comme tous les enfants de France, ils avaient droit. Aujourd'hui encore, pour beaucoup, les traces de ce qui fut un terrible traumatisme n'ont pas disparu.

Mais le pire n'est pas encore là. Certaines paroles doivent être prononcées pour nos compatriotes harkis et enfants de harkis, pour tous ceux qui sont présents sur notre territoire, pour ceux aussi qui ont survécu outre-Méditerranée et qui sont attentifs à nos propos. C'est pourquoi il est important d'exprimer très solennellement le regret et le remords de la France.

Lorsque le gouvernement de l'époque a décidé, puis a donné l'ordre d'abandonner les harkis et leurs familles, alors qu'il ne pouvait ignorer à quelle mort probable, et dans quelles épouvantables conditions, il les condamnait, il s'est montré indigne des valeurs de la République.

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