Séance en hémicycle du 16 décembre 2004 à 9h45

Résumé de la séance

Les mots clés de cette séance

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La séance

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La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés (356, 2003-2004, n° 104).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà un an, quasiment jour pour jour, nous étions déjà réunis dans cet hémicycle pour débattre de la situation et des attentes de nos compatriotes rapatriés. Aujourd'hui, après vous avoir écoutés, après avoir entendu les associations, après être allé au contact des uns et des autres sur le terrain, le Gouvernement vous invite à légiférer.

C'est la concrétisation d'une volonté politique forte, conforme aux engagements du Président de la République. C'est la traduction tangible du respect de la nation pour tant de souffrances, tant de fidélité, tant de dignité. C'est l'aboutissement d'un processus de concertation intense. C'est la suite des mesures, déjà considérables, prises sans attendre depuis trente mois. C'est, nous le voulons, nous le pensons, la voie du réconfort, de l'apaisement, de l'espoir.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, depuis trente mois, le Gouvernement a renoué avec une politique ambitieuse pour tous les rapatriés.

D'emblée, nous avons mis en place les moyens de l'action et du dialogue avec la création de la mission interministérielle aux rapatriés placée auprès du Premier ministre, la mise en place d'un Haut Conseil aux rapatriés pour réfléchir à la question et formuler des propositions, le rapport du député Diefenbacher pour faire l'état des lieux, si je puis m'exprimer ainsi, et, enfin, les débats organisés au Parlement.

D'emblée, des mesures d'urgence ont été mises en oeuvre avec, notamment, la création et l'amélioration régulière de l'allocation de reconnaissance pour tous les harkis.

Sur le plan symbolique, ce fut l'institution de la journée nationale d'hommage aux harkis, le 25 septembre, et de la journée nationale d'hommage aux morts pour la France en Afrique du Nord, le 5 décembre.

Ces décisions, parmi d'autres, illustrent la manière, globale, efficace et volontariste, avec laquelle le Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a su répondre aux attentes légitimes des rapatriés.

A l'évidence, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ce dispositif d'ensemble, le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des rapatriés est une pièce que l'on peut considérer comme majeure. En termes symboliques, mais aussi matériels et financiers, il est d'une ampleur incontestable.

Je veux remercier tous ceux qui ont contribué à son élaboration : le Haut conseil, la mission interministérielle, les associations et, bien sûr, les parlementaires.

Je remercie votre rapporteur, M. Alain Gournac, pour le travail constructif que nous avons accompli ensemble. Il trouvera sa concrétisation tout au long de nos débats.

Qu'il me soit permis de saluer également le sénateur Roger Romani. La loi de 1994, dont il est le « père », demeure la référence des harkis et de tous les rapatriés, qui n'oublient pas ce qu'il a fait pour eux.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué aux anciens combattants

Mesdames, messieurs les sénateurs, je répondrai tout à l'heure à vos questions. A ce stade, je souhaite tracer les grandes perspectives, afin que notre démarche soit pleinement comprise et que chacun puisse y adhérer.

Le texte qui vous est soumis a été adopté par vos collègues députés, le 11 juin dernier. Il a été largement amendé. Comme à l'Assemblée nationale, le Gouvernement sera, bien entendu, très attentif à vos propositions.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, rien ne peut être compris, dit ou fait, si l'on ne se remémore pas ces mois tragiques qui marquèrent la séparation entre la France et ses anciens territoires. Les décennies ont passé. Elles n'effacent pas pour autant le cataclysme de cette époque.

Comment oublier la terre algérienne, par exemple, ravagée par huit années de violence extrême, souvent aveugle ? Comment oublier une métropole qui, elle aussi, s'éloignait, accaparée par la reconstruction, le projet européen, la consommation de masse ?

Au coeur de cette rupture, des hommes, des femmes, des enfants, des familles entières ont vu leur destin basculer. Endeuillées, blessées, divisées, arrachées à leurs biens, à leur terre natale, ces familles, de toutes origines, confessions et conditions, n'ont pas reçu, hélas ! l'accueil qu'elles étaient en droit d'attendre de la métropole.

Pour avoir débarqué, moi aussi - pardonnez-moi de personnaliser mes propos - un matin de juillet 1962, sur un quai de Marseille, je sais que ces moments ne peuvent s'oublier, qu'ils marquent définitivement une vie.

Pourtant, aucun n'a manqué à sa patrie, à la France. Leur fidélité est intacte et indéfectible.

Ces temps de souffrances, les conditions de cette séparation ne sauraient occulter des décennies de présence française outre-mer. Au nom de la République, une oeuvre impressionnante, impérissable, a été accomplie.

L'article 1er de ce texte rend un hommage mérité aux hommes, aux femmes, souvent modestes, qui ont travaillé sans relâche pour valoriser ces terres et apporter le progrès.

Pour reconnaître l'oeuvre accomplie, en Indochine, en Afrique, au Maghreb et ailleurs, pour rééquilibrer une vision historique trop souvent déformée, le Mémorial national de l'outre-mer, à Marseille, sera également un point d'appui essentiel. Je veux saluer l'action de l'un des vôtres, M. Jean-Claude Gaudin, maire de Marseille, qui a lancé ce projet et qui le suit avec vigilance. A la demande du Premier ministre, l'Etat s'implique fortement dans ce projet qui sera inauguré en 2006.

Toujours dans le domaine de la mémoire, et afin d'aider à la sérénité des débats, le Gouvernement a décidé de créer une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie.

Annoncée par le Premier ministre, le 5 décembre 2003, cette fondation a été inscrite dans le projet de loi, par l'Assemblée nationale. De fait, elle aura un rôle central. Elle devra devenir le lieu de l'étude et de la recherche.

Je suis en mesure de vous annoncer que le Premier ministre vient de confier au préfet honoraire Benmebarek la conduite de la mission de préfiguration de cette fondation. Il devra rendre son rapport à la fin du premier semestre 2005.

La fondation offrira donc un cadre scientifique et sérieux, reconnu par tous. C'est l'une des conditions de l'apaisement des esprits et des coeurs que nous appelons tous de nos voeux.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'en arrive aux dispositions relatives à la réparation. Elles représentent un effort budgétaire pour le moins important : près d'un milliard d'euros, dont 660 millions pour les mesures en faveur des harkis.

Je n'ai pas besoin d'expliquer, ici, ce qui justifie notre attention pour les harkis. Chacun connaît la tragédie qu'ils ont vécue ; chacun connaît leur fidélité à la France ; chacun connaît leurs besoins.

L'article 2 du projet de loi améliore très fortement l'allocation de reconnaissance qui, déjà, était un progrès considérable par rapport à la rente viagère dont ont bénéficié ceux qui étaient en dessous du seuil de pauvreté. Instituée dès le 1er janvier 2003 par le Gouvernement, l'allocation de reconnaissance est en effet versée à l'ensemble des 11 200 harkis et de leurs veuves. Elle a déjà été augmentée de 30 % au 1er janvier 2004.

Les harkis pourront choisir entre l'allocation portée à 2 800 euros dès le 1er janvier 2005, un capital de 30 000 euros, et, sur l'initiative des députés, le cumul d'un capital de 20 000 euros et de l'allocation à son niveau actuel.

Toujours pour les harkis, le projet de loi prolonge, jusqu'en 2009, les effets de la loi Romani en matière de logement. Il s'agit notamment d'une prime d'accession à la propriété pour ceux qui ne sont pas propriétaires de leur résidence principale. Sont aussi prolongées l'aide à l'amélioration de l'habitat et l'aide exceptionnelle de résorption du surendettement immobilier.

Ce dispositif s'est avéré efficace. Il répond à une aspiration, légitime, de s'enraciner en France et, le moment venu, de pouvoir transmettre un patrimoine. Il est parachevé.

Par ailleurs, le projet de loi crée un système dérogatoire pour les harkis, ou leurs veuves, qui n'ont pas acquis la nationalité française avant 1973, date limite prévue par les lois de 1987 et 1994. Pour eux, la date limite sera portée au 1er janvier 1995.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que beaucoup d'entre vous se préoccupent de la situation des enfants de harkis et des rapatriés en général. Le Gouvernement est conscient de leurs attentes. C'est pourquoi il n'est pas resté inactif.

Il y a déjà plusieurs mois, nous avons lancé une démarche volontariste d'accompagnement renforcé vers l'emploi et la formation professionnelle. Nous avons sollicité aussi bien les préfectures pour le recensement des besoins que les grands employeurs publics pour trouver des débouchés.

Cette action ne relève pas de la loi. Pour autant, elle constitue une réelle priorité. Les premiers résultats sont très positifs : près de 40 % des enfants issus de familles harkies ont trouvé ou retrouvé des perspectives professionnelles.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite dire avec force que, pour les enfants de harkis, l'avenir ne passe pas par l'assistanat et chacun d'eux le refuse avec force. Il ne passe pas non plus, je pèse mes mots, par un repli communautariste. Toute tentation identitaire ne ferait que perpétuer les souffrances et qu'obérer l'avenir. Je leur fais une grande confiance pour préférer l'intégration républicaine à toute autre aventure.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, l'article 5 du projet de loi doit permettre de mettre fin aux iniquités issues de l'application des précédentes lois d'indemnisation des rapatriés d'Algérie, du Maroc et de Tunisie.

Aux termes de la loi de 1986, par ailleurs très positive, certains ont bénéficié des mesures d'effacement des dettes de réinstallation. D'autres ont vu leur indemnisation réduite du remboursement anticipé du montant de ces mêmes prêts, par l'effet de l'article 46 de la loi de 1970 et de la loi de 1978.

Il nous semble normal de faire droit à une demande d'équité, présentée avec constance par les associations de rapatriés depuis 1995. Ainsi, 90 000 rapatriés et ayants droit bénéficieront de cette mesure. Son application sera échelonnée sur plusieurs années, en tenant compte de l'âge des bénéficiaires, pour un coût global d'environ 311 millions d'euros.

Enfin, l'article 6 règle la situation d'une centaine de personnes, de nationalité française, ayant dû cesser leur activité professionnelle à la suite de condamnations liées aux événements d'Algérie. Amnistiées, ces personnes, désormais âgées, ne disposent souvent que de faibles moyens d'existence.

Tel est l'essentiel du contenu de ce projet de loi, sur lequel votre rapporteur reviendra plus en détail.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de conclure, je tiens à évoquer brièvement la situation de nos compatriotes qui viennent de quitter brutalement la Côte d'Ivoire. Les situations historiques sont, évidemment, bien différentes. Toutefois, pour beaucoup, les difficultés à l'arrivée en métropole relèvent de la même problématique.

Le Président de la République vient de signer le décret qui étend à nos compatriotes le bénéfice de dispositifs prévus par la loi du 26 décembre 1961. Le Gouvernement a, d'ores et déjà, prévu une enveloppe de 5 millions d'euros à ce titre. Avec l'aide des élus et d'une administration efficace, à laquelle je rends hommage devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs, les Français rentrés de Côte d'Ivoire pourront s'installer le plus rapidement possible sur le territoire.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vais maintenant écouter avec la plus grande attention vos interventions. Je ne doute pas qu'elles témoigneront de la considération que porte le Sénat aux rapatriés et aux harkis en particulier.

Pour le Gouvernement, pour moi, c'est un honneur, de soumettre à votre approbation des mesures qui, sur le plan symbolique, matériel, humain, sont à la hauteur de l'image qu'ils se font, que nous nous faisons de la France.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 1962, l'indépendance de l'Algérie ramenait vers le territoire métropolitain, dans des conditions souvent précaires et toujours dramatiques, près d'un million de rapatriés, dont plusieurs dizaines de milliers de harkis. Quarante-deux ans plus tard, le souvenir de ces événements est resté très présent dans les mémoires et les plaies ouvertes à l'époque ne sont pas encore refermées.

Depuis 2002, le Président de la République et le Gouvernement ont beaucoup oeuvré en faveur d'une meilleure reconnaissance du drame vécu par nos compatriotes venus d'Afrique du Nord.

Je rappelle, notamment, la décision du Chef de l'Etat de faire du 5 décembre la journée annuelle d'hommage aux combattants morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de Tunisie. Je pense également à la décision du Gouvernement de s'associer au projet, lancé par notre collègue Jean-Claude Gaudin, de créer, à Marseille, un Mémorial national de l'outre-mer. Ce mémorial présentera de manière vivante l'oeuvre de la France dans ses anciennes possessions coloniales et favorisera la recherche et le travail de mémoire.

Le même souci a conduit le Gouvernement à présenter au Parlement un projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés. Ce texte, qui a été adopté par l'Assemblée nationale en juin dernier, a deux objectifs principaux : un objectif moral, celui de témoigner aux rapatriés la reconnaissance de la nation pour l'oeuvre qu'ils ont accomplie dans les anciennes possessions françaises d'outre-mer, et un objectif financier, celui de corriger certaines situations inéquitables résultant des différentes lois d'indemnisation qui se sont succédé.

Je rappelle, en effet, que trois lois d'indemnisation ont déjà été votées au bénéfice des rapatriés d'origine européenne, en 1970, 1978 et 1987. En outre, plusieurs textes ont eu spécifiquement pour objet l'indemnisation des harkis, notamment en 1987, 1994 et 2002.

Les articles 2 et 3 du présent projet de loi concernent précisément nos amis les harkis.

L'article 2 revalorise l'allocation de reconnaissance instituée à leur profit en 1999. Son montant est porté de 1 830 à 2 800 euros par an. Il permet surtout à ses bénéficiaires d'opter soit pour la poursuite du versement de l'allocation, soit pour le versement d'un capital de 30 000 euros, formule intéressante pour celui qui souhaite réaliser un investissement ou effectuer une grosse dépense, soit enfin pour une formule mixte associant rente et capital. Cette mesure intéresse environ 11 000 personnes et pourrait coûter jusqu'à 770 millions d'euros, dans l'hypothèse où tous les bénéficiaires choisiraient l'option la plus coûteuse, c'est-à-dire la poursuite du versement de l'allocation à son nouveau taux majoré.

L'article 3 est relatif aux aides au logement dont peuvent bénéficier les harkis en vertu d'une loi de 1994, qui a fixé au 31 décembre 2004 la date limite de dépôt des dossiers de demande d'aide au logement. Il vise à prolonger ce délai jusqu'au 31 décembre 2009. Ainsi, les harkis ayant négligé, par méconnaissance des textes, de demander ces aides disposeront de cinq années supplémentaires pour le faire.

L'Assemblée nationale a souhaité assouplir encore ce dispositif en permettant qu'ils perçoivent également les aides au logement s'ils acquièrent un logement en indivision avec leurs enfants et l'habitent ensemble ; il s'agit d'assurer l'accueil des parents.

L'article 4 prévoit d'autoriser le ministre en charge des rapatriés à accorder, de manière dérogatoire, le bénéfice de l'allocation de reconnaissance et des aides au logement à des harkis qui ne rempliraient pas les conditions normalement requises. Ces conditions tiennent à la date d'acquisition de la nationalité française et à la durée de résidence sur le territoire national.

En effet, il se trouve qu'un petit nombre d'entre eux n'ont pas accompli, à leur arrivée en France, les formalités de demande de reconnaissance de nationalité française, souvent par ignorance des règles applicables. Aujourd'hui, pour ce motif, ils ne sont pas éligibles aux aides auxquelles ils pourraient légitimement prétendre.

Le texte vise à corriger cette injustice : le ministre pourra, en examinant les dossiers au cas par cas, accorder le bénéfice des aides aux harkis résidant en France ou dans la Communauté européenne depuis le 10 janvier 1973 et ayant acquis la nationalité française avant le 1er janvier 1995.

L'article 5 du projet de loi concerne l'indemnisation des rapatriés d'origine européenne.

Lors de leur arrivée en métropole, les rapatriés qui ont souhaité exercer des activités non salariées ont bénéficié de prêts à la réinstallation accordés par l'Etat. Or, lorsque la loi de 1970, puis celle de 1978 leur ont octroyé une indemnisation pour compenser la perte de leurs biens abandonnés en Algérie, l'Etat a déduit d'autorité du montant de ces indemnités les remboursements dus au titre de ces emprunts.

En pratique, ces rapatriés ont donc perçu des indemnités réduites, voire pas d'indemnité du tout. Cette mesure, qui pouvait se justifier à l'époque, paraît aujourd'hui franchement inéquitable du fait des mesures d'effacement de dettes intervenues à partir de 1982.

A compter de cette date, en effet, l'Etat a accordé des allégements ou des effacements de dettes aux rapatriés en difficulté financière. Ainsi certains rapatriés ont-ils bénéficié d'un effacement intégral de leurs dettes, tandis que d'autres avaient entièrement remboursé leurs emprunts, par prélèvement automatique sur le montant de leurs indemnisations. Cette situation inéquitable a fait naître beaucoup d'amertume chez les rapatriés.

L'article 5 a pour objet de porter remède à cette situation : il prévoit que les sommes ainsi prélevées sur les indemnisations versées en 1970 et 1978 leur seront restituées. Cette mesure devrait concerner 90 000 personnes, pour un coût global estimé à 310 millions d'euros.

L'article 6, enfin, vise à indemniser, sur une base forfaitaire, les citoyens français qui se sont exilés dans les années soixante pour échapper à une condamnation en relation avec les événements d'Algérie et qui n'ont été amnistiés, pour certains, qu'en 1968. En effet, l'exil les a empêchés de cotiser à un régime de retraite et donc, d'acquérir des droits à pension pendant cette période. L'indemnisation prévue vient donc compenser le préjudice subi et devrait profiter à un nombre réduit de personnes, compris entre soixante et quatre-vingt, pour un coût évalué à 800 000 euros.

Au projet de loi initial, tel que je viens de le présenter, l'Assemblée nationale a ajouté plusieurs articles additionnels, lors de l'examen du texte en première lecture.

Dans le domaine de la mémoire, elle a souhaité associer les populations civiles victimes de la guerre d'Algérie à l'hommage rendu le 5 décembre 2002 aux combattants morts en Afrique du Nord et a décidé la création d'une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de Tunisie.

Dans le domaine de l'enseignement, l'Assemblée nationale a adopté un article tendant à reconnaître une place plus importante à l'histoire de la France d'outre-mer dans les programmes scolaires et les recherches universitaires, de manière à présenter cette histoire de manière plus équilibrée.

Pour mieux protéger l'honneur des harkis, elle a, en outre, souhaité interdire les allégations injurieuses portées à leur endroit et réprimer la négation des crimes commis à leur encontre, en violation des accords d'Evian, après le 19 mars 1962.

Concernant toujours les harkis, un amendement du Gouvernement adopté par l'Assemblée nationale a donné une base légale aux bourses spéciales accordées à leurs enfants, en complément des bourses de l'éducation nationale.

Un autre amendement, enfin, a prévu la réalisation d'un rapport, dans le délai d'un an, afin de faire le point sur la situation sociale des enfants de harkis et recenser leurs besoins en matière d'emploi, de formation et de logement.

Ces articles additionnels, même s'ils ont pour certains une portée juridique limitée et valent surtout par leur intérêt pédagogique, ont incontestablement enrichi le texte.

Etant donné l'ampleur du travail réalisé par l'Assemblée nationale, notre commission a adopté un nombre réduit d'amendements, dont plusieurs visent principalement à améliorer la qualité juridique du texte.

Mes chers collègues, même si j'ai conscience qu'aucune loi d'indemnisation ne compensera entièrement le préjudice subi par les rapatriés, je forme le voeu que l'adoption du présent projet de loi contribuera à les apaiser et à exprimer la juste reconnaissance de la nation à leur égard.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique social européen, 9 minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à Mme Bernadette Dupont.

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est un grand honneur qui m'est fait d'entamer ce débat général.

Sans entrer dans le détail du projet de loi qui nous est soumis, je voudrais simplement dire qu'il dépasse tout propos partisan ou impudique, tant son objectif est d'apporter, après quarante-deux ans d'une apparente indifférence et de lois inabouties, une solution et, surtout, je l'espère, un apaisement à une tragédie, à un drame qui a touché plus d'un million de nos concitoyens.

Je formule, profondément, le voeu que notre débat soit à la hauteur du respect que nous devons à ces hommes et à ces femmes, jeunes et moins jeunes, aux enfants d'alors, blessés dans leur coeur et, pour beaucoup, dans leur chair. Je voudrais ici me souvenir de ces enfants, mineurs pour certains, qui sont rentrés an France en tant que « pupilles de la nation », leur père civil étant « mort en service commandé ».

On peut d'ailleurs se demander si la mention « mort pour la France » n'aurait pu être accordée, aux termes de l'article L. 488 de la loi n° 55-358 du 3 avril 1955, à « toute personne décédée à la suite d'actes de violence constituant une suite directe de fait de guerre ».

Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui sera donc moins une réponse technique, financière ou matérielle - si nécessaire soit-elle, même si elle ne correspond jamais à la réparation des biens spoliés, et quels que soient les efforts que nous puissions faire - que la reconnaissance officielle des souffrances et préjudices subis par nos concitoyens, de toutes origines, européennes ou nord-africaines et de toutes confessions vivant sur la terre d'Algérie qui était la leur, en laquelle ils croyaient et au développement de laquelle ils oeuvraient au nom de la France !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Christian Poncelet

Qu'en termes élégants et justes, ces choses-là sont dites !

La parole est à Mme Muguette Dini.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

« La nation rend solennellement hommage aux combattants morts pour la France pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie. Après le temps de la douleur, viennent celui de la réparation et de la reconnaissance, puis celui de l'apaisement et de la réconciliation. »

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces phrases fortes témoignent d'un engagement profond et sincère dans la résolution des conséquences liées au rapatriement en France de communautés des territoires d'outre-mer. Mais elles font bien plus que la lier à la personne qui les a prononcées : elles engagent la France. Ainsi, M. le Premier ministre, Jean-Pierre Raffarin, dans sa déclaration du 5 décembre dernier - discours tenu lors de la Journée nationale d'hommage aux morts pour la France de la guerre d'Algérie et des combats du Maroc et de la Tunisie -, a-t-il tracé le chemin qui doit nous conduire vers la reconnaissance demandée, vers l'indemnisation attendue, vers la réconciliation espérée.

Le groupe de l'UC-UDF souscrit pleinement à cette prise de position, et souhaite qu'elle soit respectée.

Replaçons-nous dans le contexte historique de ces événements tragiques. Le peuple d'Algérie s'est trouvé, pendant huit ans, écartelé entre la réalité violente de ce qu'on nommait pudiquement les « événements », et la confiance qu'il accordait aux dirigeants de la France. Comment aurait-il pu, au reste, douter de la parole des responsables politiques qui affirmaient en 1954 que « l'Algérie c'est la France » et en 1958 à Alger : « La France, de Dunkerque à Tamanrasset » !

Nul n'imaginait, que, quatre ans plus tard, beaucoup de sang aurait coulé et que l'épilogue se jouerait dans la douleur et le renoncement

Des générations de femmes et d'hommes avaient choisi de construire leur avenir outre-mer, pensant ainsi contribuer au développement de ces territoires et au rayonnement de la France.

Quarante-deux ans après l'arrachement de ces communautés à leurs terres natales, les attentes, notamment dans le domaine de la mémoire et du rétablissement de la vérité historique, sont toujours d'actualité.

Les communautés rapatriées attendent, plus que jamais, un geste fort, un geste symbolique du Parlement et de l'Etat, qui ne peut trouver sa traduction que dans la réalité de la reconnaissance du drame vécu par l'ensemble des rapatriés, pieds-noirs et harkis, en particulier, de l'oeuvre que ceux-ci ont accomplie et des responsabilités qui sont à l'origine des crimes commis à leur égard.

Les accords d'Evian devaient apporter la paix ; ils apportèrent aussi la souffrance et le déchirement.

Les exactions commises au moment de l'indépendance de l'Algérie ont touché les femmes, les enfants, les vieillards, fussent-ils anciens combattants des deux grandes guerres, ainsi que les hommes qui, en Algérie, ont cru de leur devoir de porter l'uniforme et les armes de la France. Les harkis et leurs familles, plus que tout autres, ont été frappés par cette tragédie !

Le 25 septembre 2001, en parlant des massacres de 1962, le Président de la République n'a-t-il pas déclaré : « La France, en quittant le sol algérien, n'a pas su les empêcher. Elle n'a pas su sauver ses enfants. »

Ce projet de loi, dont la volonté affichée est de « parachever » les efforts de la nation envers nos compatriotes, afin d'atténuer les souffrances endurées et les sacrifices subis, n'atteindra son objectif que si les représentants du peuple vont au-delà des propositions gouvernementales.

Certes, les avancées sont importantes, mais l'on doit aller plus loin encore. Le devoir de mémoire doit être, comme l'a déclaré le Président de la République, dans le même discours du 25 septembre 2001, un « devoir de vérité et de reconnaissance » qui « est une obligation impérieuse, une dette d'honneur ».

Le Président de la République ajoute : « Notre premier devoir, c'est la vérité. Les anciens des forces supplétives, les harkis et leurs familles, ont été les victimes d'une terrible tragédie. Les massacres commis en 1962, frappant les militaires comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours l'empreinte irréparable de la barbarie. Ils doivent être reconnus ».

Cette réparation doit aussi englober les conditions d'accueil des survivants et leur relégation, avec leurs familles, dans des camps pendant plusieurs années. Toujours en 2001, le Président de la République indiquait : « Les difficultés de l'accueil initial, marqué par le confinement dans des camps ou le regroupement dans des quartiers isolés, ont conduit à des situations de précarité et parfois d'extrême détresse. Les conséquences en sont encore visibles aujourd'hui. »

Le présent projet de loi, même après l'adoption d'amendements importants par l'Assemblée nationale, n'est pas de nature à satisfaire encore tout à fait les attentes essentielles des rapatriés.

Certes, des modifications positives ont été apportées au projet de loi initial.

C'est ainsi qu'il interdit et sanctionne désormais toute atteinte à l'honneur des harkis et tout révisionnisme ou négationnisme de leur histoire.

Par ailleurs, un troisième choix est possible pour l'allocation accordée aux anciens supplétifs et les indemnités en capital deviennent insaisissables.

Une fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie est créée.

Enfin, ce projet de loi nous engage dans la voie d'une meilleure prise en compte de l'histoire de la période française en Afrique du Nord, et des harkis en Algérie, dans l'enseignement et les programmes de recherche universitaire.

Toutefois, le texte qui nous a été transmis par l'Assemblée nationale se situe toujours dans la logique initiale suivie par le Gouvernement : ce n'est pas la reconnaissance complète de la responsabilité de l'Etat dans la non-protection de ses ressortissants ; ce n'est pas la totale reconnaissance du droit à réparation pour les victimes ou leurs ayants droit, ainsi que du préjudice spécifique subi par les enfants de harkis exilés et relégués, avec leurs familles, dans des camps, pendant de longues années.

Je ferai quelques remarques.

S'il est douloureux d'être coupé de ses racines, il l'est encore plus de ne pouvoir se recueillir sur la tombe de ses parents. L'Etat devrait donc aider au retour, sur le sol de France, des corps des parents des rapatriés qui le souhaitent.

Il est également difficilement concevable d'affirmer que les difficultés budgétaires actuelles de la France ne lui permettent pas de réaliser l'effort d'indemnisation de grande ampleur qui lui incombe.

En effet, malgré le contexte budgétaire, la réparation d'un préjudice ne saurait être liée aux revenus de celui qui l'a causé, sinon certaines victimes ne seraient jamais indemnisées.

En étudiant ce nouveau projet de loi sur les rapatriés, j'ai le sentiment que l'Etat français laisse au temps le soin d'effacer ses problèmes.

Est-il, en effet, concevable d'attendre que cette génération disparaisse pour enfin résoudre les questions inhérentes aux indemnisations totales des communautés rapatriées ?

Compte tenu des grandes difficultés de fonctionnement de la Commission nationale de désendettement, qui n'aura traité qu'une cinquantaine de cas en cinq ans, il apparaît indispensable de simplifier les textes existants, notamment le décret du 4 juin 1999, régissant son fonctionnement.

Je souhaite également que nous portions un regard particulier aux pupilles de la nation dont les parents ont été tués du fait de la guerre.

Ces derniers, en effet, se trouvent exclus du bénéfice des lois de réinstallation, notamment de celle du 30 décembre 1986, qui efface aux rapatriés leurs prêts de réinstallation au motif que leurs parents, décédés lors des événements, ne font pas partie de la catégorie des rapatriés. A ma connaissance, le nombre de pupilles concernés par cette mesure n'excéderait pas une trentaine de cas.

Il me semble primordial, d'un point de vue moral, de réparer cette injustice en leur accordant aujourd'hui ces mêmes droits.

Cet avis, je le sais, est partagé. Vous-même, monsieur le président, vous avez, dès 1992, reconnu le bien-fondé d'une telle mesure lors d'une intervention auprès du secrétaire d'Etat aux anciens combattants de l'époque, le 17 novembre 1992.

Enfin, je souhaite attirer votre attention sur la longue liste des personnes disparues en Algérie depuis 1962. Plus de 3 000 noms y figurent pour cette seule année, à comparer aux 1 500 personnes disparues sous le régime du général Pinochet, au Chili.

Debut de section - PermalienPhoto de Muguette Dini

Je demande donc qu'une commission d'enquête soit créée, pour apporter des réponses aux questions que se posent les familles, toujours en deuil.

Ce nouveau projet de loi, portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, a le mérite de nous être proposé.

Vous annoncez, monsieur le ministre, que cette loi parachèvera l'édifice législatif bâti depuis quarante ans.

Le groupe de l'UC-UDF, qui a toujours été attentif aux problèmes de nos compatriotes rapatriés, est convaincu que nous serons amenés à compléter les dispositions adoptées aujourd'hui, qu'il s'agisse de la responsabilité et de son corollaire, l'indemnisation, ou de dispositifs plus larges, à l'intention de la deuxième génération, qui a tant de mal à s'insérer.

Cette loi ne remplit donc pas totalement sa fonction originelle, à savoir mettre un point final à ce douloureux problème qui dure depuis quarante ans.

Le groupe de l'UC-UDF fera des propositions pour que ces dispositions soient complétées. Nous avons toujours soutenu les rapatriés par un engagement fort en faveur de leur indemnisation et de la reconnaissance de la responsabilité de l'Etat. Ainsi, en témoignent les actions et positions de M. Santini, lorsqu'il était secrétaire d'Etat aux rapatriés chargé de cette épineuse question, en 1986.

Bien que le débat demeure inachevé, le groupe de l'UC-UDF votera ce projet de loi, qui contient des mesures essentielles, tout en regrettant que des dispositions plus complètes n'aient pas été proposées.

Mes chers collègues, l'Assemblée nationale a amélioré le texte qui nous est soumis aujourd'hui, au-delà des propositions du Gouvernement.

Pour rendre confiance à ces populations et réconcilier la France avec son histoire, il faut désormais des actes forts. Je souhaite donc que nous apportions également notre contribution à l'édification de cette loi pour qu'elle satisfasse, enfin, l'ensemble des rapatriés.

Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc réunis pour examiner le projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Au Sénat, le 17 décembre dernier, nous avions un débat sur les rapatriés. Une certaine concorde régnait alors au sein de nos assemblées. Nous étions unanimes, non sur le fait qu'il s'agissait d'une guerre coloniale, bien sûr, mais sur ce que la nation doit aux rapatriés et aux harkis et sur le fait que la France a mis beaucoup de temps à reconnaître les préjudices qu'ils ont subis.

Pour ma part, je soutenais que toutes ces victimes avaient besoin de reconnaissance, de réparation et d'une mémoire réhabilitée. J'appelais - et j'appelle toujours - de mes voeux une indemnisation matérielle et morale légitime qui soit de nature à estomper les traumatismes. C'est pourquoi nous voterons les articles améliorant les conditions d'indemnisation et d'intégration. Il faut en effet mettre fin à toutes les stigmatisations, notamment celles des harkis.

Ainsi, mon groupe et moi-même souhaitons que la France reconnaisse sa responsabilité pleine et entière dans le drame vécu par les populations algériennes, par les harkis et leur famille, entraînés dans une guerre fratricide, abandonnés, les survivants étant recueillis en France dans des conditions désolantes.

L'Assemblée nationale a été saisie, en juin dernier, de ce projet de loi dit de « reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés ». Il était permis d'en attendre un progrès significatif. En effet, les précédentes lois d'indemnisation avaient parfois créé des situations d'injustice entre rapatriés et laissé certains points dans l'oubli. Mon collègue François Liberti a fondé son intervention sur les mêmes attendus que les miens aujourd'hui.

Pour nous, en effet, ce sont les petites gens qui ont eu le plus à souffrir et qui ont été le moins bien indemnisés. Il conviendrait donc de parfaire la reconnaissance à laquelle ils ont droit, de réparer, une fois pour toutes, le préjudice moral et financier qu'ils ont subi. Oui, les pieds-noirs et les harkis ont vécu le drame du déracinement, de la terreur, du rejet de ce qu'ils étaient.

Cette dramatique époque de notre histoire ne peut s'apaiser sans que notre gouvernement et le gouvernement algérien n'acceptent de faire oeuvre de mémoire collective, retrouvée et réhabilitée.

Aujourd'hui, le texte qui nous est proposé est fort décevant par de nombreux aspects. Il n'aborde la question de l'indemnisation que par le biais de dispositions en faveur des bénéficiaires des trois précédentes lois, auxquels on a retenu les annuités d'emprunts de réinstallation. Les principales revendications des associations de rapatriés, telles que l'application d'un coefficient correcteur aux sommes antérieurement liquidées, ne sont pas abordées dans ce texte, qui ne va pas aussi loin que ces associations le souhaitaient.

Il ne constitue donc pas une ultime étape d'indemnisation et nous le regrettons profondément. Ce ne sont pas les modifications marginales proposées par notre rapporteur, M. Alain Gournac, qui modifieront cette situation : sur 1 milliard d'euros, 660 millions d'euros sont consacrés aux harkis.

Les amendements adoptés par l'Assemblée nationale ont, pour le moins, transformé ce texte dans un sens auquel je ne puis souscrire. Je respecte les idées de chacun, mais ce drame, d'un point de vue politique, a été source de division. Je vous ferai part de notre point de vue.

Je veux parler, notamment, de l'article 1er bis, qui tend à associer « les populations civiles de toutes confessions (...) à l'hommage pour les combattants morts pour la France en Afrique du nord », hommage rendu le 5 décembre.

Permettez-moi de revenir sur le choix de cette date, dénuée à mon sens de toute valeur historique, que j'ai à plusieurs reprises contestée du haut de cette tribune. Je ne comprends pas que l'on ajoute l'amalgame à la fausseté, en mêlant les combattants et les populations victimes, la reconnaissance de la nation et les exactions, accentuant de ce fait le caractère « fourre-tout » de cette commémoration et en éliminant au passage la mémoire de la guerre d'Algérie.

Par ailleurs, il nous revient un article 1er quater, qui impose d'intégrer l'histoire de la présence française en outre-mer dans les programmes scolaires, ainsi que dans les programmes de recherche universitaire. J'avoue avoir été profondément choqué par l'emploi des termes néocolonialistes et révisionnistes à l'Assemblée nationale, qui a adopté cet article inacceptable. Je fais allusion au débat, légitime, qui a eu lieu entre les parlementaires de différentes tendances, chacun faisant vivre sa vérité historique, comme je fais vivre la mienne.

Le comble, enfin, réside dans l'article 6, qui permet de procéder à l'indemnisation des personnes qui ont dû cesser leur activité professionnelle à la suite de condamnations liées aux événements d'Algérie ! Il ne s'agit rien moins que de finir de réhabiliter des activistes d'extrême droite, des tortionnaires, qui avaient fui à l'étranger avant d'être amnistiés ! Voir cela après m'être battu pour la reconnaissance de l'état de guerre en Algérie, je me crois revenu quarante ans en arrière. Je considère que c'est indigne de notre nation !

Ainsi, ce texte, qui aurait dû être une dernière loi d'indemnisation de victimes de guerre - c'était déjà l'objet de la loi défendue en son temps par M. Romani, mais qui n'a pas atteint son objectif final - est devenu un cheval de Troie banalisant les guerres coloniales, un hymne à la présence prétendument civilisatrice de la France en Afrique.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

M. Josselin de Rohan. Vous avez du culot ! Nous n'avons pas à rougir de ce que nous avons fait !

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Monsieur de Rohan, j'ai beaucoup de respect pour vous. Je l'avais dit en préliminaire à cette discussion. Aujourd'hui, si nous voulions étendre le débat à la situation de l'Afrique en général, nous le pourrions. Mais il s'agirait alors d'un tout autre débat, je le conçois, et il y aurait beaucoup à dire. Vous me connaissez, j'ai modéré mes propos.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

Tout à fait !

Pourtant, a contrario, je pense qu'il reste beaucoup de travail à faire pour procéder à une véritable réhabilitation des harkis et des rapatriés. Il est un cas exemplaire dont je souhaite vous faire part. Dans ma commune, j'ai contribué, comme tant d'autres, à améliorer la vie quotidienne des harkis. Je tiens à évoquer un cas récent. Lors d'une de mes permanences de parlementaire, j'ai reçu, ces jours-ci, un harki désespéré, un de ces vieux harkis que l'on appelle parfois « chibani ». M. Ahmed Abdellaoui vit dans un foyer et il ne peut plus payer son loyer. Engagé volontaire dans l'armée française de 1960 à 1962, il part rejoindre sa famille en Algérie à l'issue de son engagement, mais revient très vite en France, car il estime sa vie et sa famille en danger.

En 1965, il demande la nationalité française et, en 1967, il part visiter sa mère malade. Il se voit retirer tous ses papiers, même sa carte d'identité française provisoire, et restera en Algérie, car il a fondé une famille.

Décidé à faire valoir ses droits, il parvient à obtenir un titre de séjour en 2003. Depuis, il se bat, se voit fermer toutes les portes. « Je ne comprends pas, dit-il. J'ai un passé avec la France, et l'on me rejette comme on me rejette en Algérie ! » Cela signifie que le droit à réparation est refusé à une personne qui a combattu pour la France ! Il s'agit bien sûr d'un cas particulier, mais qui devrait pouvoir bénéficier d'un examen bienveillant.

Que dire encore de la libre circulation des anciens harkis en Algérie, douloureuse question que le Président de la République a d'ailleurs soulevée lors de son récent déplacement en Algérie ? Vous reconnaissez, monsieur le ministre, en réponse à l'une de mes questions écrites, que des difficultés subsistent pour l'aborder dans le dialogue politique entre les deux Etats.

Je voudrais encore souligner le double langage du Gouvernement : je rappelle que, dans le cadre des annulations de crédits concernant les anciens combattants et victimes de guerre votés pour 2004, les actions en faveur des rapatriés ont été amputées de 2, 5 millions d'euros. J'ai tenu exactement le même langage lorsque nous avons discuté du projet de budget des anciens combattants pour 2005 !

Ainsi, tout en étant favorable à l'exercice plein et entier du droit à réparation envers les personnes rapatriées et harkies, leurs veuves et leurs descendants, tout en comprenant leur désarroi et leurs souffrances, je me vois contraint de voter contre un projet de loi qui ne correspond en rien aux valeurs dans lesquelles je me reconnais lorsqu'il est question de la politique qu'a menée la France. Et croyez bien, monsieur le président, que j'ai essayé de conserver au débat la plus grande dignité possible.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Seillier

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je tiens à saluer un projet de loi qui, pour la première fois, s'adresse aussi bien aux rapatriés d'origine européenne qu'aux harkis. Il vise, par la correction des lois antérieures, à leur manifester notre reconnaissance et à amplifier l'effort de solidarité vis-à-vis des harkis.

La communauté nationale n'a pas reconnu à leur juste valeur tous les sacrifices endurés par les harkis, notamment après la signature des accords d'Evian. Les massacres, les actes de torture qui furent alors commis à l'encontre de ces hommes qui avaient servi la France et de leurs familles furent d'une ampleur et d'une cruauté inimaginables. Entre 50 000 et 100 000 personnes y perdirent la vie.

Ces abominations, dont le grand public a pris connaissance assez récemment, auraient sans doute pu être évitées si les pouvoirs publics de l'époque s'en étaient donné les moyens et si certains responsables politiques avaient fait preuve de plus de courage. C'est pourquoi, si la République est aujourd'hui redevable envers les harkis, quoi qu'elle fasse, rien, aucune somme d'argent, aucune aide, aucun mémorial ne sera en mesure de répondre à la douleur engendrée par de tels actes.

Et que dire de celles et de ceux qui, ayant eu la chance d'échapper à ces crimes, se retrouvèrent dans des camps de fortune, parfois pour plusieurs décennies ? Eux-mêmes et leur descendance connurent, une fois arrivés en métropole, discrimination, chômage, précarité, exclusion et eurent souvent le sentiment d'être abandonnés de tous, comme si leur calvaire n'avait pas été déjà suffisamment long. J'ai moi-même pris conscience de ce drame, il y a plus de quarante ans, lorsqu'ils ont été accueillis en Aveyron, sur le camp militaire du Larzac.

Les harkis sont très vite apparus comme des témoins gênants des deux côtés de la Méditerranée. En Algérie, reconnaître l'histoire des peuples supplétifs musulmans conduirait à briser le mythe fondateur du peuple uni contre la colonisation ; en France, le sort fait aux harkis provoque un profond malaise.

C'est leur situation que je souhaite surtout évoquer, et je saisis cette occasion pour dire à Abdelkrim Klesh et à ses amis, qui, depuis le début du mois d'octobre, se relaient nuit et jour devant le Sénat, que la France s'attache à faire en sorte que les blessures des harkis apparaissent enfin au grand jour comme une vérité s'imposant à tous, pour qu'ils retrouvent ainsi leur honneur et leur dignité.

Les gouvernements successifs ont engagé différents processus de réparation qui, encore une fois, ne sont pas à la hauteur des souffrances endurées par ces milliers d'hommes, de femmes et d'enfants.

Pour la première fois en 1987, le gouvernement français a mis en place un régime d'indemnisation pour les harkis. D'autres textes ont suivi en 1994 et en 2002.

Ainsi, la loi de 1994 a mis en place trois aides au logement destinées aux harkis : une aide à l'acquisition de la résidence principale, une aide à l'amélioration de la résidence principale et une aide à la résorption du surendettement résultant d'une opération d'accession à la propriété. Elle a enfin octroyé une aide spécifique aux veuves. La même année était instaurée une journée nationale d'hommage aux harkis, fixée au 25 septembre.

La loi de finances rectificative pour 1999 a créé une rente viagère versée aux harkis et à leurs veuves.

La loi de 2002 a transformé la rente en allocation de reconnaissance, a supprimé la condition de ressources et a indexé l'allocation sur le coût de la vie. Enfin, des mesures ont été prises en faveur des enfants de harkis, sous forme de bourses scolaires, d'aides à la formation professionnelle et d'aides à la création d'entreprise.

Le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui vise à renforcer ce dispositif en revalorisant l'allocation de reconnaissance instituée à leur profit. Il offre à ceux qui le souhaitent la possibilité d'opter pour le versement d'un capital ou de combiner les deux. Il proroge les mesures spécifiques en faveur du toit familial et étend le bénéfice de ces mesures aux harkis n'ayant pas acquis la nationalité française avant le 10 janvier 1973.

Le texte prévoit également que les aides au logement puissent être versées aux enfants des harkis qui hébergent leurs parents.

Enfin, le Gouvernement, qui entend aussi poursuivre l'effort en matière de formation et d'emploi, souhaite faire inscrire dans la loi l'existence des bourses complémentaires.

Mais la reconnaissance envers les harkis ne relève pas simplement de mesures financières : elle passe aussi par un travail de mémoire. Un mémorial de la France d'outre-mer est en cours de réalisation à Marseille : ce sera un haut lieu du souvenir, mais aussi un centre national de recherche, d'échange, de diffusion et de promotion, en liaison avec l'université. La proposition de créer une fondation publique dont l'objet sera de retracer les événements d'Afrique du Nord et de transmettre l'héritage dont sont porteurs les rapatriés me semble être une excellente idée.

Il faut souligner que de nombreux rapatriés souffrent des allégations de certains médias portant sur cette période. Un effort doit être fait concernant l'information relative à tout ce qu'ils ont apporté à ces anciennes colonies. Le temps est en effet venu de porter un regard apaisé sur cette page de l'histoire, de reconnaître la qualité des efforts de tous ceux qui, dans la sphère publique ou dans la sphère privée, ont oeuvré avec générosité et avec le sens authentique du bien commun sur la terre d'Afrique du Nord.

Enfin, la réconciliation entre la France et l'Algérie ne sera vraiment scellée que lorsque les harkis, leurs enfants et leurs petits-enfants pourront revenir librement sur la terre de leurs ancêtres pour y séjourner, y vivre ou y mourir.

L'enjeu est considérable, car il influencera de manière importante l'autre page de l'histoire commune qui commence à s'écrire dans le cadre du Bassin méditerranéen et dans laquelle la France et les pays du Maghreb ont un rôle irremplaçable à jouer.

L'année 2004, à laquelle le Premier ministre a voulu attacher la grande cause de la fraternité, doit comporter des gestes significatifs tels que celui qui est proposé dans ce projet de loi. Qui mieux que vous, monsieur le ministre, pouvait nous guider sur cette voie ? §

M. Adrien Gouteyron remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.

Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est présenté aujourd'hui fait suite aux débats qui ont été organisés l'année dernière, l'un le 2 décembre 2003 à l'Assemblée nationale, l'autre, auquel j'ai moi-même participé, le 17 décembre 2003 au Sénat.

Il aura donc fallu un an pour que la Haute Assemblée puisse à nouveau débattre de ces questions, cette fois sur un texte proposé par le Gouvernement et déjà largement amendé par nos collègues députés.

Comme je l'indiquais alors, « parce qu'elle a au coeur les valeurs de la République, la France doit assumer son histoire ». C'est donc un moment de vérité que nous pouvons vivre ensemble, si nous en avons le courage et la volonté.

II est avéré qu'en 1962 nos concitoyens d'Afrique du Nord, notamment d'Algérie, ont été contraints d'abandonner dans la précipitation et l'angoisse leurs racines, les tombes de leurs ancêtres, leurs biens, tout ce qui faisait à la fois leur identité et leur vie quotidienne.

Pendant la guerre d'Algérie, mais aussi après le cessez-le-feu du 19 mars 1962, des actes atroces ont été commis de part et d'autre. Lors des auditions que nous avons menées, tant dans le cadre de la commission des affaires sociales qu'au sein du groupe socialiste, nous avons écouté avec beaucoup d'attention et d'émotion des personnes qui ont été malmenées, parfois brisées par cette période tragique. Nous tenons à leur dire que nous comprenons leur souffrance et que nous voulons contribuer à y porter remède, autant que cela soit possible.

Les épreuves n'étaient cependant pas terminées : en métropole, nos concitoyens n'ont pas reçu l'accueil qui leur était dû. Trop souvent, ils ont été regardés comme des intrus et ont été reçus sans fraternité, sans la ferme volonté de les intégrer à la communauté nationale. Le souvenir de cette époque est encore présent chez nombre d'entre eux, qui n'oublient pas - comment le pourraient-ils ? - la froideur, souvent l'hostilité ressenties alors.

J'en viens maintenant aux anciens membres des formations supplétives et à leurs familles.

Les harkis qui ont pu rejoindre la France ont été traités d'une manière indigne de la République. Ils ont été littéralement relégués dans des camps et dans des hameaux de forestage, dans un pays où, plus encore que pour nos compatriotes européens rapatriés, tout était nouveau et étranger pour eux. Leur intégration a été délibérément négligée.

Leurs enfants n'ont pas reçu l'éducation et la formation à laquelle, comme tous les enfants de France, ils avaient droit. Aujourd'hui encore, pour beaucoup, les traces de ce qui fut un terrible traumatisme n'ont pas disparu.

Mais le pire n'est pas encore là. Certaines paroles doivent être prononcées pour nos compatriotes harkis et enfants de harkis, pour tous ceux qui sont présents sur notre territoire, pour ceux aussi qui ont survécu outre-Méditerranée et qui sont attentifs à nos propos. C'est pourquoi il est important d'exprimer très solennellement le regret et le remords de la France.

Lorsque le gouvernement de l'époque a décidé, puis a donné l'ordre d'abandonner les harkis et leurs familles, alors qu'il ne pouvait ignorer à quelle mort probable, et dans quelles épouvantables conditions, il les condamnait, il s'est montré indigne des valeurs de la République.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Parlez-nous donc de Gaston Defferre ! En avez-vous entendu parler ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Il s'est montré indigne du choix des harkis pour la France, de la confiance qu'ils avaient en nous et du courage dont ils avaient fait preuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Qui nous a envoyés en Algérie ? Guy Mollet, vous connaissez ?

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

C'est un acte honteux et que nous reconnaissons comme tel.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Pour cela, la République française doit se reconnaître, sans aucune équivoque ni échappatoire, clairement responsable.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Nous sommes aujourd'hui en 2004, quarante-deux ans après la fin de la guerre d'Algérie. Notre devoir est double. Il est, d'abord, celui de la mémoire à l'égard de tous ceux qui ont dû supporter cette addition de souffrances, comme le soulignait l'un de nos interlocuteurs, et de tous ceux qui sont morts.

Debut de section - PermalienPhoto de Guy Fischer

En matière de clientélisme, vous pouvez parler !

Debut de section - PermalienPhoto de Roland Courteau

Ne vous laissez pas interrompre, chère collègue !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Mais il nous faut aussi retrouver, pour nous-mêmes et pour les générations suivantes, la sérénité. Nous voulons y croire, nous l'espérons, et nous entendons contribuer à ce qu'il en soit ainsi.

Pour cela, il ne faut pas, comme les dispositions de ce projet de loi nous le font craindre, décider d'un solde de tout compte. Il convient d'abord de réaliser le travail de mémoire, qui, dans certains domaines, n'est même pas encore entrepris.

Le projet de loi contient certaines dispositions qui méritent approbation, comme celles qui portent sur les allégations injurieuses, aux articles 1er quinquies et 7, ou sur les programmes scolaires et de recherche, à l'article 1er quater.

D'autres, pour être positives, n'en demandent pas moins, à notre sens, d'être améliorées. Je pense notamment aux tout premiers articles du texte, en particulier à l'article 1er ter qui prévoit la création d'une fondation pour la mémoire.

Nous avons porté toute notre attention sur cet article, qui suscite de grands espoirs chez nos compatriotes rapatriés de toutes origines. Cette fondation ne doit pas décevoir. Elle ne doit pas devenir une sorte de mesure dilatoire qui permettrait d'attendre, dans le murmure de travaux universitaires respectables mais abstraits, l'extinction du problème par disparition progressive des derniers témoins.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Pour cela, cette fondation doit être opérationnelle. Pour être opérationnelle, elle doit travailler en concertation avec les autorités des trois pays concernés : le Maroc, la Tunisie et surtout l'Algérie.

Bien entendu, il n'appartient pas au législateur français d'intervenir auprès du gouvernement d'un Etat tiers souverain pour lui demander de participer aux travaux d'une fondation, a fortiori de proposer la création d'une commission mixte. Les obstacles juridiques et diplomatiques peuvent être aisément compris de tous. Mais il est en notre pouvoir de demander au gouvernement français de prendre contact avec les autorités algériennes pour faciliter les travaux de cette fondation.

Celle-ci doit être à même de réunir des chercheurs, des experts, des responsables des deux nations pour éclairer le passé, ce qui implique des actions concrètes pour libérer la mémoire et permettre que le deuil soit accompli. Il en va, dans ce domaine, de la crédibilité de la volonté gouvernementale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Le Gouvernement, dans le cadre de ses compétences, devra faire en sorte que cette fondation prenne toutes dispositions pour travailler de concert avec les autorités algériennes.

Il devra aussi s'efforcer d'obtenir une réponse positive en ce qui concerne l'ouverture des archives et la restauration des cimetières, sujets auxquels nos compatriotes sont particulièrement sensibles.

Pour être fructueux, le travail de mémoire doit se réaliser ensemble, sans omettre les aspects les plus douloureux, comme la recherche des disparus qui taraude encore nombre de familles.

La France comme l'Algérie doivent assumer leur histoire dans toutes ses composantes, y compris les heures les plus sombres, pour faire vivre pleinement la démocratie.

Mais assumer son histoire, c'est aussi en assumer les conséquences matérielles. On ne peut pas parler, dans le cas présent, d'une loi d'indemnisation ; le Gouvernement ne s'y risque d'ailleurs pas. Il s'agit simplement d'une loi de reconnaissance et de contribution nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Il y a loin de la coupe aux lèvres, monsieur le ministre.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Il y a loin entre les mirobolantes promesses du candidat Chirac lors de la campagne présidentielle et le contenu du projet de loi que son gouvernement nous présente aujourd'hui.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Car c'est bien au Gouvernement et à la majorité parlementaire de justifier ce décalage, notamment devant les associations de rapatriés et d'anciens harkis.

Ce projet de loi veut clore un chapitre, peut-être même une histoire, mais il ne s'en donne pas les moyens.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Vous n'avez rien fait, alors ne nous donnez pas de leçons !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

En effet, dans son article 5, il se contente, avec l'espoir d'écrire un « solde de tout compte », de réparer une partie des lacunes les plus voyantes de l'article 46 de la loi de 1970.

En revanche, et ce sera l'objet de nos principaux amendements, il ne prévoit pas d'amélioration significative, notamment en direction des harkis.

Debut de section - PermalienPhoto de Roger Romani

La gauche n'a pas présenté une loi en matière d'indemnisation des rapatriés ! Pas une seule !

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

La proposition contenue dans l'article 2, avec cet étrange système d'option, ne satisfait personne. Elle a d'ailleurs été réécrite « en direct », si l'on peut dire, lors d'une interruption de séance à l'Assemblée nationale. Ce n'est pas de bonne procédure et cette méthode témoigne d'une absence de mise au point.

Mais, surtout, le dispositif proposé n'améliore pas vraiment la situation des anciens supplétifs et de leurs familles. L'augmentation de l'allocation de reconnaissance est minime et le système d'option semble destiné à prendre en compte, il faut bien le dire, l'âge des anciens harkis et la situation de leurs familles.

Tout cela n'est pas net, monsieur le ministre. Il n'y a aucune raison pour que des anciens supplétifs soient conduits à renoncer à la rente qui leur est servie régulièrement et à opter pour le versement d'un capital. A moins que le Gouvernement, par un savant calcul qui n'est pas seulement financier, espère, grâce à ce système, se débarrasser de la revendication formulée par la deuxième génération de se voir attribuer une indemnisation. Il est, en effet, permis de s'interroger sur ce que feront de ce capital de 30 000 euros des hommes âgés, de condition le plus souvent très modeste.

Nous préférons, pour notre part, une attribution claire des indemnités dues, ce qui signifie qu'une allocation, augmentée, continue à être versée et qu'une indemnité forfaitaire en capital soit donnée en complément, dans le respect des promesses orales qui ont été formulées.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Ce dernier point est important.

Nous souhaitons aussi intégrer dans ce dispositif d'indemnisation les épouses divorcées, qui sont souvent dans un grand dénuement. Le choc du changement de pays, les conditions de vie nouvelles dans un milieu inconnu et une société aux structures différentes a en effet provoqué un grand nombre de difficultés et de conflits, notamment familiaux.

Par ailleurs, nous estimons nécessaire de prendre en compte de manière particulière la deuxième génération, non pas dans une optique de solidarité, que ces personnes ne demandent surtout pas, mais pour leur rendre justice.

Nous proposons, pour compenser partiellement les difficultés d'insertion sociale et professionnelle que les enfants de harkis ont rencontrées, d'allouer une indemnité à tous ceux qui ont séjourné durant trois ans dans un camp, un hameau de forestage ou un établissement d'éducation ou de formation annexé.

Nous ne devons pas perdre de vue, en effet, les conséquences humaines de ce déplacement de population, qui ont été particulièrement lourdes pour la deuxième génération. Certes, nous connaissons tous des enfants de harkis qui ont « réussi », comme l'on dit. On cite toujours, pour ne pas voir tous les autres, l'exemple de ceux qui ont créé leur entreprise et l'ont pérennisée. Mais nombre d'enfants de harkis survivent avec le RMI ou d'autres minima sociaux. Les difficultés familiales et les pratiques addictives ne sont que trop répandues.

Par ailleurs, 40 % de cette population est au chômage, malgré les dispositifs de formation qui ont été mis en oeuvre mais qui se sont révélés insuffisants ou inadaptés. C'est pourquoi nous proposons que les enfants de harkis, compte tenu de leur âge actuel, soient prioritairement éligibles aux dispositifs d'insertion et de formation professionnelle et d'aide à la création d'entreprise.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

Les contrats de plan Etat-région nous semblent parfaitement adaptés à la mise en oeuvre des mesures indispensables, essentiellement en matière d'emploi et de logement.

La situation présente est le signe d'un grand désespoir, d'un malaise identitaire profond, que notre mauvaise conscience et notre indifférence volontaire n'ont pas voulu voir et auxquels viennent s'ajouter les difficultés matérielles.

Debut de section - PermalienPhoto de Gisèle Printz

D'autres amendements seront présentés sur des points moins fondamentaux sans doute, mais très importants pour ceux qui sont aujourd'hui victimes. Je pense à la levée de forclusion, qui crée d'incompréhensibles imbroglios administratifs et qui engendre un fort sentiment d'injustice.

Au total, nous nous sommes efforcés d'écouter, de comprendre et de compenser ce qui peut l'être.

Ce texte reviendra sans doute devant notre Haute Assemblée en deuxième lecture. Nous aurons donc l'occasion d'en réétudier les dispositions, d'éclaircir certains points restés imprécis, de prêter attention à plusieurs demandes demeurées insatisfaites.

Mais il nous faudra aussi nous tourner vers l'avenir. Les rapatriés, dans leur très grande majorité, ont eu le grand mérite de réussir pleinement leur intégration et celle de leurs enfants. Les enfants et les petits- enfants de harkis sont enfin sur le même chemin. Le respect d'un passé assumé par les uns et les autres pourra être le socle d'un meilleur avenir.

Les rapatriés, les harkis et leurs familles respectives sont, par leur connaissance intime du Maghreb et de ses populations, une chance pour la compréhension entre les peuples de part et d'autre de la Méditerranée.

Il leur appartient de se saisir de cette double connaissance culturelle qui est leur apanage. Il leur revient de contribuer au progrès de relations fructueuses entre la France, l'Union européenne et les autres pays du bassin méditerranéen. C'est un enjeu considérable. Tel est l'espoir le plus important que nous exprimons pour les années à venir.

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, de novembre 1954 à juillet 1962, d'Alger à Oran, en passant par les Aurès, Blida, Orléansville, Bougy, Philippeville, au pays de la lumière triomphante et de la perfection d'un ciel bleu semblant lavé de toute équivoque, les contrastes d'ombre et de clarté ont pourtant constitué pour tout un chacun, quel que soit le lieu où les Français vivaient, des zones de clair-obscur douloureuses et blessantes.

Les plus émouvantes, sans aucun doute, sont symbolisées par les dates hautement symboliques de la fusillade du 26 mars 1962 à Alger et de celle du 3 juillet 1962 à Oran.

Oui, mes chers collègues, l'histoire des rapatriés est indissolublement liée au jour de leur départ, tant il est vrai qu'ils auront beau oublier la guerre, les peurs, leurs biens envolés, jamais ils n'oublieront ce jour où, munis de leurs papiers d'identité et de quelques bagages, parfois des bébés dans les bras, ils prirent la route du port pour quitter leur terre natale en direction de Port-Vendres ou de Marseille.

La Méditerranée était devant eux. C'est elle qui allait les emmener loin de leur terre natale. Des hommes et des femmes pleuraient, des enfants ne comprenaient pas pourquoi leurs parents sanglotaient ; ils croyaient qu'ils partaient en vacances, comme chaque année, vers la métropole. Du bateau, l'Algérie commençait à disparaître, à s'en aller comme dans les rêves. Elle se séparait d'eux. Elle n'était plus qu'un point, mais un point fixe, un point obsessionnellement fixe.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, vous proposez à notre Haute Assemblée un texte qui porte reconnaissance de la nation. Ce texte vise deux objectifs.

En premier lieu, il tend à offrir définitivement une compensation matérielle pour corriger les situations inéquitables nées de la succession des différentes lois d'indemnisation en faveur des rapatriés et pour prolonger l'effort de solidarité envers les soldats de la France que sont les harkis.

S'agissant d'abord des harkis, le texte prévoit la revalorisation de l'allocation de reconnaissance, une politique du logement plus solidaire, enfin l'interdiction, comme l'a suggéré l'Assemblée nationale, de porter des allégations injurieuses à leur encontre.

Concernant ensuite les rapatriés, le projet de loi prévoit la restitution des sommes prélevées sur les indemnisations versées dans les années soixante-dix au titre des remboursements des prêts de réinstallation. Mes chers collègues, l'effort financier est important, il faut le dire, puisqu'il mobilise, comme l'a rappelé M. le rapporteur, 1 milliard d'euros.

En second lieu, vous visez, monsieur le ministre, un objectif moral, puisque l'article 1er institue pour la première fois la reconnaissance de la nation envers les hommes et les femmes qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France outre-mer, la reconnaissance aussi des souffrances éprouvées. Et comme pour retenir mais aussi réconcilier les parois des mémoires et des coeurs encore à vif, vous nous proposez une fondation.

Monsieur le ministre, avec cette fondation, la question de la représentation de la guerre se fait essentielle. Vous le savez, la désignation même du conflit entre Paris et Alger souligne les asymétries de la mémoire, ce que chacun porte par ses représentations mêmes. Ainsi l'événement que la France tente de classer dans son histoire comme la « guerre d'Algérie » est célébrée comme la « guerre d'indépendance » de l'autre côté de la Méditerranée.

Stephan Zweig dans un merveilleux livre Conscience contre violence nous prévient : « L'Histoire n'a pas toujours le temps d'être juste. Pour elle, seuls comptent les succès. Elle ne s'intéresse qu'aux vainqueurs et laisse les vaincus dans l'ombre. Mais en réalité, même vaincus, les pionniers ont rempli leur mission. »

Pionniers, ils ont été nombreux à construire des routes, des ponts, des stations de pompage ou encore à électrifier le pays, tous équipements aujourd'hui indispensables à l'Algérie.

Pionniers, ils le furent aussi - comme le rappelait tout à l'heure Josselin de Rohan -, ces soldats français venus combattre sur le sol d'Algérie, tel André Segura, par exemple. Né pour la gloire, il mourut en soldat inconnu. Sur le champ de bataille, recevant une photo de famille, il eut ce mot aussi beau qu'un sanglot proustien : « Je me demande si je manque à ce groupe si bien fait ». La réponse est contenue dans la publication de cette correspondance établie par ce groupe, qui ne se résout pas à son absence ; c'est bouleversant !

Aussi, monsieur le ministre, il convient que cette fondation cherche un entre-deux dépassionné et exigeant, où le travail de l'histoire -celui de l'historien comme celui du simple citoyen qui apportera, je l'espère, sa contribution - s'inscrive dans une logique non de repentance, mais de connaissance.

Jacques Chirac le rappelait avec émotion en septembre 2001, à l'occasion de la première journée d'hommage national aux harkis : « Notre premier devoir, c'est la vérité. (...) La France, en quittant le sol algérien, (...) n'a pas su sauver ses enfants. » Il précisait : « Le temps a commencé son oeuvre (...) il nous permet aujourd'hui de porter un regard de vérité sur les déchirements et les horreurs qui ont accompagné ce conflit (...) Le travail de deuil, indispensable, ne doit en aucun cas être synonyme d'oubli. »

Le 5 décembre 2002, dans le même esprit, le Président de la République inaugurait un monument dédié aux soldats français morts en Algérie alors que, le 5 décembre 2003, a été instituée la première journée nationale d'hommage aux morts pour la France.

Reste à reconnaître, monsieur le ministre, le trou noir des événements d'Oran de 1962 ; c'est très important pour les Européens. Sans aucun doute, nous n'avons pas assez prêté attention, en temps voulu, à la souffrance liée à l'arrachement et à la perte de l'Algérie. Cette reconnaissance effectuée, peut-être pouvons-nous espérer, demain, décloisonner les mémoires. Ce texte y contribue, et nous devons en remercier grandement le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.

A cet égard, et même si aujourd'hui, vous l'avez compris, la politique de confrontation n'est pas d'actualité tant l'apaisement des coeurs est une nécessité, permettez-moi de rendre hommage à tous ces gouvernements de droite - aucun d'entre eux ne s'est exprimé comme Gaston Defferre qui parlait de remettre les rapatriés à la mer

Applaudissements sur les travées de l'UMP.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le ministre, vous le savez, ces lois ont été considérées, à juste titre, comme trop lentes et ne permettant pas de clore les blessures du passé, à tel point que, aujourd'hui encore, nous délibérons. Pour autant, les dispositions prises ont permis de franchir une étape, et je voudrais rendre hommage à celui qui, sous l'impulsion et la volonté de Jacques Chirac, a permis de faire prendre un cap décisif au dossier des rapatriés ; je veux parler, bien évidemment, de mon ami Roger Romani.

Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

Aujourd'hui, monsieur le ministre, en soumettant ce texte au vote de notre assemblée, par delà les deux objectifs assignés, vous voulez nous dire que le gouvernement auquel vous appartenez a bien compris la nécessité d'ouvrir une autre page pour que ce point fixe, ancré dans les mémoires de tous, se transforme en un nouveau regard vers l'avenir.

Tel est le devoir de nos responsables politiques des deux côtés des rives de la Méditerranée : créer les conditions d'un nouveau départ. La visite de Jacques Chirac en Algérie est on ne peut plus éloquente à cet égard.

C'est aussi la mission de chacun d'entre nous, ce que j'ai compris, pour ma part, très récemment. Partie seule, pour faire retour, j'ai compris définitivement que mon passage à Alger n'était que provisoire, puisque mon visa était accordé pour huit jours seulement. Mais j'ai compris aussi, en faisant retour, que si hier avait été douloureux, il convenait que demain soit source d'espérance et d'avenir, car, blessés les uns par les autres, nos deux pays ne cesseront jamais de se désirer et de se rencontrer mutuellement.

N'est-ce pas dans cet esprit qu'il conviendrait que, à côté de l'Union européenne, soit créée une autre communauté euro-méditerranéenne ayant pour vocation de donner une vision politique à la coopération euro-méditerranéenne, de préparer un avenir commun sur les deux rives de la Méditerranée et de permettre des partenariats spécifiques ? Nos deux pays ont aussi besoin de ce genre d'initiative pour sortir de la confrontation.

Je vous remercie, mes chers collègues, d'avoir été attentifs à une intervention qui, n'étant pas technique, n'est pas de même ordre que celles qui sont habituellement prononcées dans cette assemblée à laquelle j'ai l'honneur d'appartenir et aux travaux de laquelle j'ai la joie de participer. Après l'avoir écrite, j'ai longtemps hésité ; finalement, je vous l'ai livrée, persuadée que ma génération, partie à l'âge des bonheurs insouciants, est aussi celle qui doit exprimer sa reconnaissance aux siens, à son pays, et construire les ponts d'un nouvel avenir.

Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme le projet de loi lui-même, mon propos sur la reconnaissance sera surtout axé sur les suites de la guerre d'Algérie, mais il concernera aussi les rapatriés de Tunisie, du Maroc et des territoires placés antérieurement sous la souveraineté française.

Je ne vais pas revenir sur les causes et le déroulement du drame algérien. Ces points ont été développés par les nombreux orateurs qui m'ont précédé, particulièrement par vous, monsieur le ministre.

A cet instant, j'ai une pensée pour toutes les victimes, civiles et militaires. Nous sommes nombreux ici à avoir vécu intensément, de près ou de loin, ce que l'on appelait à l'époque « les événements d'Algérie » ou les « opérations de maintien de l'ordre », reconnus comme guerre par la loi du 18 octobre 1999.

A ce sujet, il est pour le moins surprenant, monsieur le ministre, que vous ayez émis un avis favorable sur un amendement voté par l'Assemblée nationale et contenant le mot « événements » plutôt que celui de « guerre », plus conforme à la loi du 18 octobre 1999 que je viens de citer.

Pendant les années soixante, plus particulièrement en 1962, la « métropole », comme l'on disait, a vu arriver tous ces Français d'Algérie, les rapatriés. Avec quelques valises et la tête pleine de souvenirs, ils ont débarqué sur un sol qu'ils ne connaissaient pas, un peu perdus, tristes, très tristes, choqués, amers d'avoir tout laissé derrière eux. Même porteurs de leurs traditions, leur joie de vivre profondément méditerranéenne ne se lisait plus sur leur visage.

L'accueil des métropolitains fut mitigé, la réadaptation parfois longue, la vie quotidienne souvent difficile dans des appartements trop petits pour les familles les plus nombreuses. Avec un recul de plus de quarante ans, on mesure encore plus la dose de courage qu'il a fallu à ces familles pour retrouver leur dignité sur les plans social et professionnel.

En même temps, arrivaient des milliers de harkis. Mais c'était moins visible, car ces rescapés étaient parqués dans des camps. Pour avoir exercé quelque temps dans les classes destinées à leurs enfants, je ne peux pas oublier la forte volonté de la cinquantaine d'adolescents dont j'avais la charge², leur soif de savoir, en un mot leur aspiration à s'en sortir et à s'intégrer dans un environnement hostile.

Aussi nous paraît-il judicieux d'inscrire dans la loi que les enfants des anciens supplétifs ou assimilés bénéficient d'un traitement prioritaire pour leur insertion sociale ou la validation des acquis de l'expérience, et que ceux qui ont séjourné pendant trois ans au moins dans des camps ou des hameaux de forestage perçoivent une indemnité forfaitaire en capital.

Permettez-moi de saluer les bénévoles et leurs associations qui, dès 1962 et encore aujourd'hui, ont apporté et apportent une aide matérielle et psychologique à ces compatriotes profondément meurtris. Je n'oublie pas non plus les militaires qui, en dépit des ordres donnés par leur hiérarchie, ont sauvé des milliers de supplétifs.

Pour tous ces Français, le devoir de réparation s'impose, tant moral que matériel.

Ce texte doit être l'occasion de reconnaître avec plus de force la responsabilité de la nation qui, après le 19 mars 1962, a abandonné les harkis. Alors qu'ils avaient choisi de servir la France, 150 000 d'entre eux furent abandonnés à un sort souvent terrible... De 70 000 à 80 0000 - on ne connaît pas très bien leur nombre - ont été torturés et tués dans des conditions horribles.

Sur tous ces épisodes indignes, qui ont engendré des massacres et des disparitions de pieds-noirs ou de harkis, il est indispensable que la lumière soit faite. Dans ce but, nous proposons un amendement visant à préciser le rôle de la fondation créée par l'article 1er ter, notamment pour que, de concert avec les autorités algériennes, des recherches soient entreprises sur la période qui a succédé au cessez-le-feu.

Le texte que nous examinons aujourd'hui est-il une quatrième et dernière loi d'indemnisation ? Pas réellement, car il se contente de corriger les défauts les plus criants des lois précédentes et complète les mesures en faveur des harkis. Il faut cependant reconnaître à ce texte la volonté d'apporter des éléments de reconnaissance morale, dont les rapatriés et les harkis sont particulièrement demandeurs, car les victimes de cette période difficile ne sont plus très jeunes ; certaines même ne sont plus là.

Lors de nos rencontres, je note que, par delà les questions matérielles et financières, tous ont envie, non pas de tourner la page, car ces moments douloureux demeurent vivaces, mais d'apporter de la clarté et de la lumière au sombre tableau de cette période qu'ils ont vécue. En un mot, après plus de quarante ans, ils aspirent à en finir avec ce lourd passé.

Je donnerai un seul exemple s'agissant de la restitution aux rapatriés des sommes prélevées sur des indemnisations pour des biens dont ils ont été dépossédés, prévue à l'article 5. J'ai reçu la visite d'un agriculteur rapatrié d'Algérie qui a eu la force et le courage de se réinstaller en métropole. Il m'a dit, avec beaucoup d'émotion : « On ne demande que justice et équité en réclamant une revalorisation. Cela fait quarante ans, j'ai pris de l'âge : il ne faudrait pas que les décrets soient encore un motif pour reculer l'échéance de plusieurs mois ou plusieurs années. »

Les rapatriés et les harkis qui attendent que soient soldés leurs droits à réparation sont sensibles à toutes les manifestations de mémoire qui les relient à leur département algérien d'origine, à leurs traditions et à leurs croyances. II faut donc saluer l'action menée par le président du conseil régional Provence - Alpes - Côte d'Azur, M. Michel Vauzelle, et consistant à intervenir dans des cimetières chrétiens ou juifs situés en Algérie. Quant aux harkis, ils apprécient l'écoute des municipalités qui aménagent les cimetières pour respecter les rites de leur religion.

Cette douleur, même estompée, a été transmise aux générations suivantes ; je suis frappé de le constater. C'est dire combien cette soif de reconnaissance et de réparation reste profondément ancrée dans les familles.

Pour illustrer mon propos, je citerai une phrase d'une lettre que m'a adressée l'un de ces enfants, une jeune fille qui vit dans mon village : « Concernant l'allocation de reconnaissance, ce n'est pas du tout clair et risque de ne pas être bien compris par les vieux harkis. De plus, choisir entre une augmentation de la rente ou le versement d'un capital de 30 000 € apparaît à beaucoup de personnes comme étant un peu le miroir aux alouettes, car beaucoup craignent qu'il ne s'agisse là que de verser ce capital et de ne plus engager véritablement de discussion quant à l'indemnisation des harkis... ».

C'est dans cet état d'esprit que j'aborde l'examen de ce projet de loi qui avait pour ambition, à l'origine, de solder le contentieux. Mais force est de constater que cet objectif n'est atteint que très partiellement dans le texte adopté par l'Assemblée nationale. De nos rencontres et des nombreux courriers que nous avons reçus, il ressort un grand sentiment de déception.

Sans aucune intention d'engager une quelconque polémique, qui serait déplacée lors de l'examen d'un tel texte, je regrette qu'un amendement déposé par MM. les députés Spagnou et Chassain solennise finalement la date du 5 décembre comme journée commémorative de la guerre d'Algérie.

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

II ne faut pas mélanger les sujets : il s'agit là du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, et pas d'autre chose.

En outre, le groupe socialiste a, en maintes occasions, fait connaître son opposition à ce choix du 5 décembre, date qui n'a aucun lien avec l'histoire puisqu'elle a été choisie en fonction de l'agenda du Président de la République !

Debut de section - PermalienPhoto de Claude Domeizel

Le 19 mars 1962 fut la date d'entrée en vigueur du cessez-le-feu en Algérie. Cette date a pris encore plus de valeur commémorative depuis le 19 octobre 1999, jour de la publication dans le Journal officiel de la reconnaissance de la guerre d'Algérie, votée à l'unanimité des membres de l'Assemblée nationale et du Sénat.

Pour terminer, laissez-moi vous faire part de mon plus ardent souhait : que l'adoption de ce projet de loi contribue à apaiser définitivement les esprits pour notre cohésion nationale, et qu'elle participe à un rapprochement durable entre nos deux pays, la France et l'Algérie.

Au nom de notre très ancien passé commun, émaillé certes des moments douloureux que nous évoquons aujourd'hui, il est capital de donner vie à ce rapprochement, dans l'intérêt à la fois du Maghreb et de l'ensemble de l'Union européenne.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Alduy

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quarante-deux ans déjà, plus d'un million de nos compatriotes furent condamnés à abandonner la terre qui les avait vus naître et, à tout jamais, leurs racines.

Mais ce fut aussi, après le 19 mars 1962, l'accélération des drames pour toute une population abandonnée par la France. Comment oublier le massacre et le calvaire survenus dans les mois qui suivirent la signature des accords d'Evian, dans des conditions indescriptibles, de plus de 70 000 harkis, abandonnés par le pays auquel ils étaient tant attachés ?

Comment oublier aussi le drame de la fusillade du 26 mars 1962, rue d'Isly, à Alger, qui vit l'armée française tirer sur une population civile désarmée, ou encore celui du 5 juillet 1962, à Oran, où plusieurs centaines d'Européens furent victimes du FLN sans que l'armée intervienne ?

Comment laisser enfin dans l'ombre l'indicible douleur de ces milliers de familles pieds-noirs dont la vie fut brisée à la suite de l'enlèvement d'un être cher et qui, quarante-deux ans après l'exode, poursuivent leur incessante quête de vérité sur le sort des disparus et manifestent leur volonté de lutter contre l'oubli et la négation du drame ? Ils furent, en effet, des milliers, happés par la spirale du déchaînement de l'homme, abandonnés par la mère patrie en laquelle ils croyaient tant, notamment après la signature des accords d'Evian.

Ces vérités historiques incontournables, ces drames trop longtemps cachés, ignorés ou occultés doivent désormais être admis et assumés par notre pays.

Consacrer, monsieur Fischer, comme vous et d'autres le font depuis quarante-deux ans, le 19 mars comme date anniversaire de la fin de la guerre d'Algérie, alors qu'il ne s'agit que de la date anniversaire des accords d'Evian dès le lendemain, , ...

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Alduy

M. Jean-Paul Alduy. ... constitue une attitude négationniste intolérable

Applaudissements sur les travées de l'UMP

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Paul Alduy

Ce projet de loi, monsieur le ministre, en exprimant la reconnaissance de la nation à ceux qui ont participé à l'oeuvre accomplie par la France en Algérie et en reconnaissant les souffrances éprouvées et les sacrifices endurés par les rapatriés, a su marquer la volonté de notre pays de regarder l'histoire en face et de contribuer à la si nécessaire réconciliation nationale.

Mais ce chemin de la réconciliation ne pourra être pleinement emprunté sans que ne soient aussi reconnues les responsabilités à l'origine des drames survenus après le 19 mars 1962. C'est à ce prix que la France pourra se réconcilier avec elle-même, que le travail de deuil pourra être fait par les familles des victimes et que les coeurs et les esprits pourront être enfin apaisés. C'est aussi à ce prix que les chemins de la réconciliation avec l'Etat algérien seront ouverts pour tous - je dis bien « pour tous » - nos compatriotes.

Au moment où la France demande à l'Etat turc de reconnaître sa responsabilité dans le génocide arménien, notre responsabilité collective dans les massacres de 1962 peut-elle être encore différée ? Pour moi, la réponse se trouve dans les paroles mêmes du Président de la République, Jacques Chirac, prononcées, à Paris, le 25 septembre 2001, et déjà rapportées par Mme Muguette Dini : « Notre premier devoir, c'est la vérité. Les anciens des forces supplétives, les harkis et leurs familles ont été les victimes d'une terrible tragédie. Les massacres commis en 1962, frappant les militaires comme les civils, les femmes comme les enfants, laisseront pour toujours l'empreinte irréparable de la barbarie. Ils doivent être reconnus. »

En conséquence, monsieur le ministre, j'ai déposé un amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 1er dont le texte est le suivant : « La nation reconnaît la responsabilité de l'Etat français dans les massacres, enlèvements, et disparitions postérieures à la date du 19 mars 1962 des civils européens, des militaires et des civils harkis, et de leurs familles engagées à leurs côtés. »

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, certes, notre pays n'a pas à être fier des conditions dans lesquelles l'Algérie est devenue indépendante.

Sous la ive République, il y eut tout d'abord les tergiversations de tous les gouvernements, quelle que soit leur couleur politique, monsieur de Rohan, le temps perdu après 1945, l'engagement d'une guerre fratricide, sans oublier l'énorme responsabilité que des parlementaires algériens d'origine métropolitaine - on ne le dira jamais assez - portent dans la suite tragique des événements.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ensuite, il y eut une guerre civile longue, terrible, puis une séparation dramatique, car trop longtemps différée et trop tardive.

Certes, il était temps que la France reconnaisse ses responsabilités, les préjudices irrémédiables subis par les uns et par les autres, et rende les hommages nécessaires à celles et à ceux qui ont souffert.

Mais, pour ce faire, fallait-il pour autant revisiter l'histoire comme le fait ce texte ? Je ne le pense pas.

En effet, l'article 1er fait référence à des « événements liés au processus d'indépendance ». Le terme « événements » est faux non seulement historiquement, mais aussi légalement, le Parlement ayant voté voilà peu une loi qui introduit la notion de guerre d'Algérie, entraînant d'ailleurs des conséquences tant pour les réparations que dans un certain nombre d'autres domaines.

L'emploi du terme « événements » - on ne sait pas si ces événements sont heureux ou malheureux - constitue donc une erreur dramatique et ne peut être approuvé.

Ensuite, l'article 1er bis vise, comme l'ont dit avant moi mes collègues socialistes, à légaliser un peu subrepticement le 5 décembre comme journée de reconnaissance des combats durant la guerre d'Algérie. Or, cette date ne saurait être acceptée, car elle ne correspond à aucune date historique, contrairement aux autres commémorations dans notre pays. Loin de moi l'idée de vouloir comparer le 19 mars 1962 au 11 novembre 1918 ou au 8 mai 1945. Mais pourquoi choisir le 5 décembre ? Parce qu'il est compatible avec l'agenda du Président de la République ! Cela aurait aussi bien pu être trois jours avant, trois jours après, le mois d'avant, le mois d'après !

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Dreyfus-Schmidt

Ce qui est ridicule, c'est cette date du 5 décembre !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Or, le 19 mars, monsieur de Rohan, marque bien la fin des combats entre la France et l'armée de libération nationale.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

D'ailleurs, les militaires du contingent qui étaient à l'époque en Algérie ne s'y sont pas mépris, et c'est à cette date-là qu'il leur a été permis de retourner en métropole et de ne plus effectuer leur service national en Algérie : il convient à cet égard de lire l'ordre du jour du général Ailleret.

C'est la seule date qui doit être reconnue, car c'est une date historique due, monsieur de Rohan, à la volonté du général de Gaulle, lequel me semble aujourd'hui très oublié dans cet hémicycle.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Certes, des combats fratricides se sont encore déroulés après le 19 mars, mais ils étaient dus notamment à certains Français d'Algérie qui, avec l'aide et la complicité d'officiers supérieurs dévoyés, ...

Debut de section - PermalienPhoto de Bernadette Dupont

Ne vous attaquez pas à l'armée française ! C'est épouvantable !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. ...ont formé l'organisation de l'armée secrète, l'OAS, ma chère collègue, et ont introduit le chaos au coeur de l'Algérie, la manifestation de la rue d'Isly en ayant été le premier événement.

Protestations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

Ils sont largement responsables des conditions dramatiques dans lesquelles s'est déroulée la séparation entre la France et l'Algérie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

La mémoire républicaine, que nous devons à nos compatriotes rapatriés, et aussi bien aux harquis qu'aux pieds-noirs, ne peut se fonder que sur la vérité, douloureuse certes, mais sur la vérité qui bouscule certainement votre bonne conscience, mes chers collègues.

Debut de section - PermalienPhoto de Josselin de Rohan

Certainement pas ! Vous êtes des insulteurs !

Debut de section - PermalienPhoto de Jean-Pierre Michel

M. Jean-Pierre Michel. C'est le moins qu'on leur doit ! Cette reconnaissance et cette mémoire républicaine ne peuvent se fonder sur la falsification de l'histoire à laquelle vous nous conviez, monsieur le ministre, à des fins véritablement politiciennes et électoralistes !

Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame des populations civiles françaises, des soldats et des supplétifs disparus lors de la guerre d'Algérie a été longtemps occulté. Les gouvernements successifs se sont mal comportés avec les harkis, avec les rapatriés, avec la mémoire des disparus, et cela dès le début de l'application des accords d'Evian.

Le drame de ces populations est revenu sur le devant de la scène à l'occasion du quarantième anniversaire de l'indépendance, grâce à l'action de différents chercheurs et de quelques associations. Je tiens, à ce sujet, à saluer le travail d'historien du général Maurice Faivre et de M. Jean Monneret.

Les familles de disparus pieds-noirs se sont efforcées, le plus souvent vainement, d'obtenir de la part des consulats des informations sur le sort de leurs proches et sur d'éventuels lieux de sépulture. La Croix-Rouge, souvent sollicitée à ce sujet, a établi un rapport, mais celui-ci est demeuré secret pendant plus de quarante ans.

Une association de défense des droits des Français d'Algérie se constitua le 29 juin 1962, et reçut le soutien du cardinal Feltin et de monseigneur Rodhain. Leurs émissaires, envoyés en Algérie, en revinrent avec la conviction qu'il n'y avait pas de survivants. Une autre association se créa alors en 1967, regroupant des personnes persuadées du contraire. Néanmoins, aucune preuve sérieuse de survie ne fut jamais apportée.

Cette question est devenue très actuelle avec l'examen, devant la Haute Assemblée, du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Je souhaiterais revenir un instant sur le contexte historique de ces enlèvements et de ces disparitions.

L'attaque par le FLN d'une vingtaine de villages du Constantinois, le 20 août 1955, a changé la nature du conflit, qui a pris l'ampleur et la brutalité d'une véritable guerre.

Dans le Nouvel Observateur du 10 mai 2001, Jacques Julliard commente ainsi ce tournant : « Incapable de provoquer un soulèvement généralisé, le FLN a eu recours à la terreur et aux atrocités ».

Selon les termes qu'il a employés, les mots d'ordre du FLN furent d'abord d'éliminer « les traîtres et les mécréants » de la communauté musulmane, ce qui entraîna la mort d'environ 300 personnes par mois pour la seule année 1956, puis d'abattre « n'importe quel européen de 18 à 54 ans », ce qui aboutit à la mort de 50 personnes par mois en 1957.

A cette époque, en tant qu'appelé, j'ai couru le djebel pendant 28 mois dans le sud algérien, et, s'il n'est pas superflu de s'indigner de la pratique de la torture, il ne faut pas non plus passer sous silence les crimes du FLN ni son incurie depuis quarante ans qu'il est au pouvoir.

En huit années de conflit, 2 788 Français et 16 000 Français musulmans furent tués dans des attentats. Durant la même période, 375 Français et 13 000 Français musulmans furent enlevés.

Après l'accalmie qui suivit les événements de 1958, le FLN, dès 1960, relança sa campagne d'attentats et l'amplifia en 1961, en mettant à profit la trêve unilatérale du 20 mai 1961.

Après les accords d'Evian du 19 mars 1962, le FLN, qui avait poursuivi ses attentats jusqu'au « cessez-le-feu », modifia ses méthodes, en arguant de la nécessité de lutter contre l'OAS, et il engagea une campagne d'enlèvements visant les Français.

Cette campagne fut déclenchée le 17 avril 1962, selon un plan concerté. Elle se déroula à la limite des quartiers français et musulmans, dans les zones périphériques où les communautés cohabitaient.

Les victimes furent frappées sans distinction de sexe ou d'âge.

A Alger, en zone autonome, le FLN se livra à de multiples rapts tandis que, à l'intérieur du pays, la wilaya 4 ordonnait d'enlever 7 ou 8 Français dans chaque localité de la Mitidja. Des exactions semblables avaient lieu en Oranie.

L'armée française découvrit rapidement des charniers, qui ne laissaient aucun doute sur le sort des personnes enlevées.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

Ces événements gravissimes vidaient les accords d'Evian de leur contenu et ils contribuèrent grandement à l'exode des Français au printemps de 1962.

Les rivalités internes du FLN et les consignes très restrictives données à notre armée entraînèrent une situation anarchique dans toute l'Algérie.

Debut de section - PermalienPhoto de Michel Guerry

Les wilayas, les ralliés de la dernière heure et la pègre, comme c'est malheureusement souvent la règle en de telles circonstances, rivalisèrent de cruauté dans les exactions contre la communauté française restée sur place.

A l'aube de l'indépendance, les massacres du 5 juillet dans le centre d'Oran inaugurèrent un nouveau cycle de violences. Plusieurs centaines de pieds-noirs disparurent ce jour-là. Les enlèvements se poursuivirent tout l'été.

Au total, selon le secrétariat aux affaires algériennes, 3 018 Français furent enlevés après le 19 mars 1962. Sur ce total, environ 1 245 furent retrouvés et libérés, tandis que 1 773, c'est-à-dire les deux tiers, sont, à ce jour, toujours portés disparus. Cela représente une proportion effarante par rapport à une population d'un million de personnes.

Dans le même temps, des milliers d'ex-supplétifs de l'armée française étaient systématiquement pourchassés, torturés et souvent massacrés. Ce dernier épisode est aujourd'hui mieux connu de l'opinion publique française.

La question des disparus de la guerre d'Algérie est suivie par de multiples associations, agissant le plus souvent en ordre dispersé. Nombre de familles, qui sont toujours dans une incertitude intolérable, estiment avoir le droit de connaître le sort de leurs proches. Elles demandent principalement à l'Etat la reconnaissance de leurs souffrances et réclament l'accès aux archives et le rétablissement de la vérité historique.

Les autorités de notre pays ont fait quelques pas encore timides dans ces directions. Le Premier ministre a ainsi demandé que soit facilitée l'ouverture des archives. Ainsi ont été récemment publiés le rapport de la Croix-Rouge d'octobre 1963 et des listes de disparus. Une dizaine de familles ont reçu des copies des dossiers les concernant.

Toutefois, la recherche historique demeure entravée par divers obstacles bureaucratiques, par l'indifférence de la plupart des médias et, en corollaire, par l'ignorance quasi générale de l'opinion publique.

Comme il l'a fait pour les harkis, l'Etat doit reconnaître les déchirements et les préjudices subis par la communauté des pieds-noirs, qui a grandement participé à la Libération de la France et lui a fourni une multitude de cadres et de personnalités éminentes.

Il est aujourd'hui possible d'aller plus loin. En vous disant cela, monsieur le ministre, je m'inscris dans le droit-fil des propos que le Premier ministre a tenus le 5 décembre, à l'occasion de la journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie : « Après le temps de la douleur, vient celui de la réparation et de la reconnaissance ; puis, celui de l'apaisement et de la réconciliation. »

Dans l'immédiat, à l'occasion de ce débat au Sénat, je proposerai trois amendements.

Le premier vise à associer les victimes de disparitions et d'enlèvements perpétrés durant la guerre d'Algérie et après les accords d'Evian à l'hommage national qui a été instauré et qui a lieu, chaque année, le 5 décembre.

Le deuxième amendement a pour objet de proposer que la reconnaissance, prévue à l'article 1er, des personnes assassinées ou disparues pendant la guerre d'Algérie et après le 19 mars 1962 s'accompagne pour leurs enfants, orphelins ou pupilles de la nation, du bénéfice d'une indemnisation en capital.

A cet égard, la somme proposée de 25 000 euros prendra le caractère d'une indemnisation matérielle du préjudice subi.

Cette somme, qui pourrait sembler très élevée à certains, doit se replacer dans le cadre plus global de l'indemnisation prévue dans ce projet de loi et du faible nombre de personnes concernées par cette mesure.

En effet, près d'un milliard d'euros est prévu au titre de l'indemnisation, dont 311 millions d'euros pour les Européens et plus de 600 millions d'euros pour les harkis.

Le troisième amendement vise à étendre le bénéfice des aides prévues à l'article 4 du projet de loi aux anciens harkis et aux membres des formations supplétives ayant servi en Algérie qui, de nationalité française, sont établis de manière régulière et continue hors de France.

Monsieur le ministre, cet amendement prend une importance encore plus grande depuis que vous avez inauguré le 30 septembre dernier, aux côtés de Mme Alliot-Marie et de M. Muselier, la plaque commémorant le sacrifice des Français de l'étranger morts pour la France.

Si une satisfaction légitime n'était pas accordée à cette tranche de la population dans le présent projet de loi, alors que le Gouvernement a affirmé qu'il s'agit du dernier texte en la matière, nous savons bien que d'autres revendications, peut-être plus radicales encore, apparaîtraient.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaiterais recueillir votre avis concernant les deux propositions suivantes : d'une part, la création, par le Gouvernement, d'une commission d'enquête chargée de la question des disparus ; d'autre part, la création, en parallèle, dans le cadre du projet de traité d'amitié et de coopération avec l'Algérie, dont j'approuve le principe, d'une commission mixte franco-algérienne qui procéderait aux enquêtes appropriées et aux recherches indispensables.

Enfin, monsieur le ministre, il faut que tout soit mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour que la guerre d'Algérie ne soit plus un sujet de déchirement pour encore de trop nombreuses familles, et qu'elle appartienne définitivement au passé et à l'Histoire.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, à cet instant, compléter mon intervention liminaire en indiquant que la commission des affaires sociales a adopté ce matin un amendement important, y compris sur le plan financier.

Monsieur le ministre, je souhaitais attirer votre attention sur ce point avant que vous preniez la parole pour nous répondre.

En 1987 comme en 1994, le législateur a prévu que, en cas de décès des harkis ou de leurs veuves, les allocations forfaitaires instituées au bénéfice des harkis seraient versées à leurs enfants. Or rien de tel n'est prévu dans le présent projet de loi, ce qui suscite une forte incompréhension au sein de cette communauté.

La commission a donc adopté l'amendement n° 58, lequel vise à instituer le versement d'une allocation de 20 000 euros aux enfants de harkis dont les parents sont décédés.

Monsieur le ministre, je suis persuadé que le Gouvernement réservera un bon accueil à cette proposition, qui devrait intéresser 2 500 familles, pour un coût estimé à 52 millions d'euros.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vos propos me l'ont confirmé, la Haute Assemblée est particulièrement sensible aux attentes de nos compatriotes rapatriés et harkis.

En termes souvent forts et émouvants, qui leur iront sûrement droit au coeur, vous leur avez rendu un juste hommage. Ils le méritent vraiment.

Monsieur le rapporteur, je vous renouvelle mes remerciements les plus sincères. Homme de coeur, vous avez été sensible au malheur de ces femmes et de ces hommes qui ont quitté leur terre natale dans des circonstances dramatiques, comme cela a été indiqué tout au long de la matinée.

Homme de raison, vous partagez notre refus de l'assistanat, qui stigmatise et enferme les populations.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

Vous préférez offrir des perspectives d'avenir.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

Patriote, vous partagez la haute idée que tous, ici, dans cet hémicycle et dans ces tribunes, nous nous faisons de la France.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

Mes remerciements vont également à la commission des affaires sociales et à son président, Nicolas About, pour la qualité du travail accompli.

J'exprime ma gratitude aux groupes de la majorité sénatoriale - l'UMP, l'Union centriste et la majorité du RDSE - pour leur soutien.

Je veux dire à l'opposition que, par-delà les divergences normales dans une démocratie, nul ne peut contester le fait que ce projet de loi contient des avancées très fortes. Nul ne peut sous-estimer l'effort consenti par la nation en faveur des rapatriés et des harkis.

Monsieur le rapporteur, vous avez évoqué la situation des harkis et de leurs enfants. Vous l'avez fait, je le dis sincèrement, avec des mots forts et convaincants. Le Gouvernement a entendu la préoccupation que vous avez exprimée en faveur des enfants de harkis ayanr perdu leurs parents.

J'ai été particulièrement attentif à l'amendement que vous venez d'exposer, sur lequel le Gouvernement émet un avis favorable.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

Mesdames, messieurs les sénateurs, je veux saisir ce moment pour dire publiquement combien l'engagement personnel du Premier ministre en faveur des rapatriés aura permis de proposer un texte législatif et de l'enrichir lors de la discussion parlementaire.

Vous avez évoqué de nombreux sujets sur lesquels nous reviendrons, bien entendu, à l'occasion de l'examen des articles.

A ce stade, je répondrai brièvement à vos observations, auxquelles j'ai été très attentif.

Monsieur Seillier, j'ai été sensible à vos propos. Je vous remercie de votre hauteur de vue et d'avoir bien voulu souligner les apports du texte que j'ai l'honneur de vous présenter ce matin.

J'ai également été très sensible à l'hommage rendu aux harkis, que le Gouvernement partage pleinement.

Madame Hermange, je vous ai écoutée avec beaucoup d'émotion. L'évocation de ces mois d'horreur et de douleur est toujours particulièrement bouleversante. Vos paroles sortaient du coeur, et elles ont touché le nôtre, croyez-le bien, madame la sénatrice. Je vous remercie de votre soutien au texte du Gouvernement.

Avec justesse, M. Guerry a souligné le sort particulièrement douloureux des familles de disparus, qui constitue l'une de nos préoccupations. Nous sommes tous conscients du drame que représente l'incertitude qui entoure les circonstances de la disparition d'un proche. Pour la première fois, la loi mentionnera explicitement ce drame.

En outre, nous avons obtenu, voilà quelques mois, que les familles aient accès aux 3 000 dossiers individuels recensés dans les archives du ministère des affaires étrangères.

Le rapport du Comité international de la Croix-Rouge, élaboré en 1963, a pu être transmis au Haut conseil aux rapatriés.

Les dossiers individuels sont désormais ouverts aux familles concernées, dans le cadre d'une dérogation à la réglementation sur la consultation des archives publiques.

Ces archives vont nous aider à avancer dans la recherche plus ou moins difficile de la vérité. Ces travaux, je l'espère, en susciteront d'autres, et il faudra, le moment venu, les prolonger par des recherches similaires en Algérie, au Maroc, en Tunisie et en Egypte.

Comme vous vous en doutez, monsieur Guerry, je ne crois pas qu'une commission d'enquête permette de faire progresser ce dossier.

Quoi qu'il en soit, l'une des nombreuses missions de la Fondation sera de travailler avec sérénité et professionnalisme. Cette dernière constituera l'espace naturel des chercheurs et des scientifiques.

La sérénité est l'une des conditions indispensables à l'établissement de la vérité, que nous souhaitons tous, et à l'apaisement des coeurs.

Madame Dupont, je vous remercie sincèrement de vos paroles empreintes de sagesse. J'ai été notamment très sensible à vos propos sur les pupilles de la nation ; je peux vous assurer que nous sommes très attentifs à leur situation.

Monsieur Michel, je vous avoue que j'ai regretté de vous voir employer un ton polémique.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

M. Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué. Je crois en effet sincèrement que cette page de notre histoire mérite mieux qu'une telle approche partisane. Nous devons en effet le respect à ceux qui ont souffert.

Vifs applaudissementssur les travées de l'UMP.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

La sagesse doit prévaloir sur la question de l'éventuelle responsabilité de la France. Nous y reviendrons lors de l'examen des amendements, mais je souhaite d'ores et déjà répondre sur ce point à MM. Alduy et Domeizel, ainsi qu'à Mmes Dini et Printz.

Ce sujet est d'autant plus complexe et difficile à traiter qu'il soulève toujours les passions des deux côtés de la Méditerranée. Il faut donc l'évoquer avec précaution.

Le silence qui entoure toute cette période devient trop lourd, même si le devoir de mémoire et de reconnaissance a largement été engagé depuis 1994 par la loi Romani.

La vérité, même si sa recherche exige du temps, doit être notre seul objectif, pour renforcer la République et la démocratie.

La guerre d'Algérie fut, comme toute guerre qui engage les populations civiles, le théâtre de haines et d'atrocités. Il faut dire les choses comme elles doivent être dites !

De nombreuses familles de rapatriés et de harkis de toutes origines n'ont jamais pu faire le deuil de leurs proches, en raison des circonstances et de l'absence d'explications.

Le Gouvernement souhaite donner à notre pays les outils de mémoire qui lui permettront d'encourager le travail des historiens, seul capable d'établir avec l'objectivité et la sérénité nécessaires la vérité sur les événements qui ont, hélas ! marqué cette période.

Notre action repose sur un triptyque : actions de mémoire, mémorial de Marseille et création de la Fondation. Tels sont les trois objectifs que nous chercherons simultanément à atteindre.

Bénéficiant de l'ouverture raisonnée et raisonnable des archives et du temps indispensable à une telle entreprise, cette Fondation, qui rassemblera historiens et chercheurs, témoins et acteurs, permettra à notre pays d'accomplir une tâche exigeante et difficile.

Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut encourager les historiens et les chercheurs à travailler pour que la prise de conscience collective puisse s'accomplir en toute transparence et en toute objectivité. Nous serons alors en mesure de mieux appréhender la réalité ô combien complexe de cette époque douloureuse et d'en tirer tous les enseignements et, bien sûr, toutes les conséquences.

Enfin, je le dis en conscience, avec gravité, je ne crois pas que les harkis, qui ont tout sacrifié pour la France, souhaitent que l'on mette en cause leur patrie. Comme nous tous, ils aiment la France. Il faut donc considérer la situation avec réalisme, sincérité, loyauté et fraternité.

Madame Dini, je vous répondrai plus précisément lors de l'examen des nombreux amendements que vous avez déposés. D'ores et déjà, je souhaite vous remercier pour l'hommage que vous avez rendu à l'action de Jean-Pierre Raffarin et, en particulier, à sa déclaration du 5 décembre dernier.

Monsieur Fischer, comme vous le savez, il est question, dans ce texte non pas de faire l'apologie de tel ou tel système, mais de créer, au sein d'un espace serein, les conditions de la vérité historique.

Nous avons souvent parlé de l'hommage aux « morts pour la France ». Le moins que l'on puisse dire, c'est que le débat a eu lieu.

L'article 6 du projet de loi traite des personnes amnistiées par le Parlement en 1982 et qui se trouvent en difficultés. Il ne s'agit de rien de plus ! L'amnistie a été générale ; par conséquent, un groupe de personnes ne peut pas bénéficier d'un traitement particulier.

S'agissant des engagements budgétaires, je souligne que le Gouvernement a prévu 121 millions d'euros, dès 2005, pour la mise en oeuvre de ce projet de loi, soit, sur un seul exercice, plus du double de la totalité des crédits engagés entre 1997 et 2002.

Cette précision est également adressée à Mme Printz, dont les critiques sur les moyens affectés pour mettre en oeuvre ce projet de loi m'ont très sincèrement stupéfié.

D'une manière générale, monsieur Fischer, compte tenu des dispositions de ce texte, vous ne pouvez pas nier que nous apportons des réponses réelles et très positives aux attentes des harkis et des rapatriés.

Debut de section - Permalien
Hamlaoui Mékachéra, ministre délégué

Nous avons une certaine fierté à vous présentez un tel projet de loi, car nous avons effectivement traversé des périodes de « sécheresse » en la matière. Ce domaine est même resté en jachère pendant longtemps.

Mesdames, messieurs les sénateurs, nous allons maintenant examiner les amendements. Je sais que, grâce au Sénat, ce projet de loi sera de nouveau amélioré à l'issue de notre discussion, à laquelle je serai très attentif.

Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.

Debut de section - PermalienPhoto de Adrien Gouteyron

Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

La séance, suspendue à douze heures dix, est reprise à quinze heures.