J’adhère totalement à la demande de notre collègue socialiste.
Je souhaite revenir sur la création des opérateurs de proximité, question abordée tout à l’heure par ma collègue Mireille Schurch. Cette création ne correspond nullement à une obligation communautaire : elle résulte bien d’une volonté délibérée, portée par le Gouvernement.
Cette disposition ne date d’ailleurs pas d’aujourd’hui. Elle est « rampante » depuis quelque temps. Ainsi, le rapport Chauvineau, dont les premiers travaux remontent à octobre 2005, avait proposé de confier à des « PME ferroviaires » locales le soin d’organiser les flux régionaux.
Ce rapport s’appuyait sur le constat suivant : « Pour surmonter le recul de l’offre ferroviaire résultant du plan fret SNCF, les chargeurs veulent susciter la création en France d’opérateurs ferroviaires de proximité, inspirés des short lines créées dans d’autres pays, en les adaptant aux conditions françaises. Ils veulent également associer la relance du trafic fret à une remise en état des infrastructures. »
La création de ces opérateurs de proximité est donc d’abord « justifiée » par l’échec du plan fret, qui a jeté sur les routes plus d’un million de camions, comme l’a rappelé ma collègue Mireille Schurch, et qui a abouti à une contraction du réseau et de l’offre de transport de marchandises. Mais on la « justifie » aussi par les attentes des régions et des entreprises pour le renforcement du dynamisme économique des territoires.
Sans préjuger l’intérêt que ce dispositif pourrait peut-être avoir pour certaines lignes présentant un très fort particularisme local, le principal reproche que nous faisons à la mise en place de ces opérateurs est qu’elle concrétise clairement le désengagement de l’État au regard des missions d’aménagement du territoire qu’il est censé remplir par le biais des entreprises publiques que sont la SNCF et RFF.
De plus, les expériences conduites ne sont pas particulièrement concluantes, à l’image de celle de Proxirail en région Centre. La rentabilité n’est pas au rendez-vous et on peut même parler de véritable fiasco, puisque l’opérateur s’est très vite montré intéressé par les trains entiers, en particulier de céréales, mais non par les wagons isolés.
On en revient ainsi aux problèmes de fond : certaines lignes ne sont pas rentables, mais participent à l’aménagement du territoire et au maintien du tissu économique. Leur exploitation relève donc de l’intérêt général et, partant, d’une mission de service public.
Or les réponses aux interrogations portant sur les moyens à mettre en œuvre pour assurer la gestion de ces lignes ne sont pas satisfaisantes.
Monsieur le secrétaire d’État, non content de confier l’exploitation de service à ces nouveaux opérateurs, vous indiquez que RFF pourra, par voie de convention, leur confier également la gestion des infrastructures.
Cet article 2 induit donc la menace d’un désengagement supplémentaire à l’égard de l’infrastructure ferroviaire, avec le risque d’un transfert, voire d’un abandon, de tout ou partie des charges d’infrastructures des lignes déficitaires, nommées UIC 7 à 9, soit près de la moitié de la consistance du réseau.
Le plus probable, c’est que RFF, pour se dédouaner de la responsabilité de fermer des lignes jugées trop dégradées ou insuffisamment fréquentées, pourra proposer aux régions de se constituer opérateurs de proximité, afin de maintenir une offre de service dans des lieux très enclavés. Il s’agit donc de transférer à la collectivité une nouvelle compétence, sans débat préalable, et de lui faire prendre – de manière particulièrement habile, reconnaissons-le – la responsabilité de la fermeture d’une ligne sur son territoire.
Pourtant, les collectivités ont déjà été lourdement sollicitées dans le cadre de la décentralisation des transports de voyageurs, pour la reprise des TER. Elles ont énormément investi pour garantir aux usagers un service performant et de qualité.
Je signale d’ailleurs que les régions réclament depuis longtemps la possibilité de bénéficier de nouveaux financements pour leur politique de transport. Je pense, par exemple, à la généralisation du versement transport, que nous avons régulièrement proposée par voie d’amendement, mais qui n’a, pour le moment, jamais reçu un écho favorable de la part du Gouvernement.
Nous craignons donc que cette nouvelle disposition ne conduise une fois de plus, après le plan fret et le plan fret d’avenir, à une contraction importante du réseau.
Nous continuons de penser que la politique d’abandon du service de wagons isolés de la SNCF est une erreur. C’est justement ce service d’intérêt général qui pouvait répondre aux ambitions affichées.
Il s’agit donc aujourd’hui de prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la réponse ferroviaire apportée à la problématique du transport de marchandises corresponde bien à une mission de service public et réponde aux exigences du Grenelle de l’environnement.