Intervention de Michel Guerry

Réunion du 16 décembre 2004 à 9h45
Reconnaissance de la nation en faveur des français rapatriés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michel GuerryMichel Guerry :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le drame des populations civiles françaises, des soldats et des supplétifs disparus lors de la guerre d'Algérie a été longtemps occulté. Les gouvernements successifs se sont mal comportés avec les harkis, avec les rapatriés, avec la mémoire des disparus, et cela dès le début de l'application des accords d'Evian.

Le drame de ces populations est revenu sur le devant de la scène à l'occasion du quarantième anniversaire de l'indépendance, grâce à l'action de différents chercheurs et de quelques associations. Je tiens, à ce sujet, à saluer le travail d'historien du général Maurice Faivre et de M. Jean Monneret.

Les familles de disparus pieds-noirs se sont efforcées, le plus souvent vainement, d'obtenir de la part des consulats des informations sur le sort de leurs proches et sur d'éventuels lieux de sépulture. La Croix-Rouge, souvent sollicitée à ce sujet, a établi un rapport, mais celui-ci est demeuré secret pendant plus de quarante ans.

Une association de défense des droits des Français d'Algérie se constitua le 29 juin 1962, et reçut le soutien du cardinal Feltin et de monseigneur Rodhain. Leurs émissaires, envoyés en Algérie, en revinrent avec la conviction qu'il n'y avait pas de survivants. Une autre association se créa alors en 1967, regroupant des personnes persuadées du contraire. Néanmoins, aucune preuve sérieuse de survie ne fut jamais apportée.

Cette question est devenue très actuelle avec l'examen, devant la Haute Assemblée, du projet de loi portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.

Je souhaiterais revenir un instant sur le contexte historique de ces enlèvements et de ces disparitions.

L'attaque par le FLN d'une vingtaine de villages du Constantinois, le 20 août 1955, a changé la nature du conflit, qui a pris l'ampleur et la brutalité d'une véritable guerre.

Dans le Nouvel Observateur du 10 mai 2001, Jacques Julliard commente ainsi ce tournant : « Incapable de provoquer un soulèvement généralisé, le FLN a eu recours à la terreur et aux atrocités ».

Selon les termes qu'il a employés, les mots d'ordre du FLN furent d'abord d'éliminer « les traîtres et les mécréants » de la communauté musulmane, ce qui entraîna la mort d'environ 300 personnes par mois pour la seule année 1956, puis d'abattre « n'importe quel européen de 18 à 54 ans », ce qui aboutit à la mort de 50 personnes par mois en 1957.

A cette époque, en tant qu'appelé, j'ai couru le djebel pendant 28 mois dans le sud algérien, et, s'il n'est pas superflu de s'indigner de la pratique de la torture, il ne faut pas non plus passer sous silence les crimes du FLN ni son incurie depuis quarante ans qu'il est au pouvoir.

En huit années de conflit, 2 788 Français et 16 000 Français musulmans furent tués dans des attentats. Durant la même période, 375 Français et 13 000 Français musulmans furent enlevés.

Après l'accalmie qui suivit les événements de 1958, le FLN, dès 1960, relança sa campagne d'attentats et l'amplifia en 1961, en mettant à profit la trêve unilatérale du 20 mai 1961.

Après les accords d'Evian du 19 mars 1962, le FLN, qui avait poursuivi ses attentats jusqu'au « cessez-le-feu », modifia ses méthodes, en arguant de la nécessité de lutter contre l'OAS, et il engagea une campagne d'enlèvements visant les Français.

Cette campagne fut déclenchée le 17 avril 1962, selon un plan concerté. Elle se déroula à la limite des quartiers français et musulmans, dans les zones périphériques où les communautés cohabitaient.

Les victimes furent frappées sans distinction de sexe ou d'âge.

A Alger, en zone autonome, le FLN se livra à de multiples rapts tandis que, à l'intérieur du pays, la wilaya 4 ordonnait d'enlever 7 ou 8 Français dans chaque localité de la Mitidja. Des exactions semblables avaient lieu en Oranie.

L'armée française découvrit rapidement des charniers, qui ne laissaient aucun doute sur le sort des personnes enlevées.

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