Intervention de Michel Guerry

Réunion du 16 décembre 2004 à 9h45
Reconnaissance de la nation en faveur des français rapatriés — Discussion d'un projet de loi

Photo de Michel GuerryMichel Guerry :

Les wilayas, les ralliés de la dernière heure et la pègre, comme c'est malheureusement souvent la règle en de telles circonstances, rivalisèrent de cruauté dans les exactions contre la communauté française restée sur place.

A l'aube de l'indépendance, les massacres du 5 juillet dans le centre d'Oran inaugurèrent un nouveau cycle de violences. Plusieurs centaines de pieds-noirs disparurent ce jour-là. Les enlèvements se poursuivirent tout l'été.

Au total, selon le secrétariat aux affaires algériennes, 3 018 Français furent enlevés après le 19 mars 1962. Sur ce total, environ 1 245 furent retrouvés et libérés, tandis que 1 773, c'est-à-dire les deux tiers, sont, à ce jour, toujours portés disparus. Cela représente une proportion effarante par rapport à une population d'un million de personnes.

Dans le même temps, des milliers d'ex-supplétifs de l'armée française étaient systématiquement pourchassés, torturés et souvent massacrés. Ce dernier épisode est aujourd'hui mieux connu de l'opinion publique française.

La question des disparus de la guerre d'Algérie est suivie par de multiples associations, agissant le plus souvent en ordre dispersé. Nombre de familles, qui sont toujours dans une incertitude intolérable, estiment avoir le droit de connaître le sort de leurs proches. Elles demandent principalement à l'Etat la reconnaissance de leurs souffrances et réclament l'accès aux archives et le rétablissement de la vérité historique.

Les autorités de notre pays ont fait quelques pas encore timides dans ces directions. Le Premier ministre a ainsi demandé que soit facilitée l'ouverture des archives. Ainsi ont été récemment publiés le rapport de la Croix-Rouge d'octobre 1963 et des listes de disparus. Une dizaine de familles ont reçu des copies des dossiers les concernant.

Toutefois, la recherche historique demeure entravée par divers obstacles bureaucratiques, par l'indifférence de la plupart des médias et, en corollaire, par l'ignorance quasi générale de l'opinion publique.

Comme il l'a fait pour les harkis, l'Etat doit reconnaître les déchirements et les préjudices subis par la communauté des pieds-noirs, qui a grandement participé à la Libération de la France et lui a fourni une multitude de cadres et de personnalités éminentes.

Il est aujourd'hui possible d'aller plus loin. En vous disant cela, monsieur le ministre, je m'inscris dans le droit-fil des propos que le Premier ministre a tenus le 5 décembre, à l'occasion de la journée nationale d'hommage aux « morts pour la France » pendant la guerre d'Algérie et les combats du Maroc et de la Tunisie : « Après le temps de la douleur, vient celui de la réparation et de la reconnaissance ; puis, celui de l'apaisement et de la réconciliation. »

Dans l'immédiat, à l'occasion de ce débat au Sénat, je proposerai trois amendements.

Le premier vise à associer les victimes de disparitions et d'enlèvements perpétrés durant la guerre d'Algérie et après les accords d'Evian à l'hommage national qui a été instauré et qui a lieu, chaque année, le 5 décembre.

Le deuxième amendement a pour objet de proposer que la reconnaissance, prévue à l'article 1er, des personnes assassinées ou disparues pendant la guerre d'Algérie et après le 19 mars 1962 s'accompagne pour leurs enfants, orphelins ou pupilles de la nation, du bénéfice d'une indemnisation en capital.

A cet égard, la somme proposée de 25 000 euros prendra le caractère d'une indemnisation matérielle du préjudice subi.

Cette somme, qui pourrait sembler très élevée à certains, doit se replacer dans le cadre plus global de l'indemnisation prévue dans ce projet de loi et du faible nombre de personnes concernées par cette mesure.

En effet, près d'un milliard d'euros est prévu au titre de l'indemnisation, dont 311 millions d'euros pour les Européens et plus de 600 millions d'euros pour les harkis.

Le troisième amendement vise à étendre le bénéfice des aides prévues à l'article 4 du projet de loi aux anciens harkis et aux membres des formations supplétives ayant servi en Algérie qui, de nationalité française, sont établis de manière régulière et continue hors de France.

Monsieur le ministre, cet amendement prend une importance encore plus grande depuis que vous avez inauguré le 30 septembre dernier, aux côtés de Mme Alliot-Marie et de M. Muselier, la plaque commémorant le sacrifice des Français de l'étranger morts pour la France.

Si une satisfaction légitime n'était pas accordée à cette tranche de la population dans le présent projet de loi, alors que le Gouvernement a affirmé qu'il s'agit du dernier texte en la matière, nous savons bien que d'autres revendications, peut-être plus radicales encore, apparaîtraient.

Par ailleurs, monsieur le ministre, je souhaiterais recueillir votre avis concernant les deux propositions suivantes : d'une part, la création, par le Gouvernement, d'une commission d'enquête chargée de la question des disparus ; d'autre part, la création, en parallèle, dans le cadre du projet de traité d'amitié et de coopération avec l'Algérie, dont j'approuve le principe, d'une commission mixte franco-algérienne qui procéderait aux enquêtes appropriées et aux recherches indispensables.

Enfin, monsieur le ministre, il faut que tout soit mis en oeuvre par les pouvoirs publics pour que la guerre d'Algérie ne soit plus un sujet de déchirement pour encore de trop nombreuses familles, et qu'elle appartienne définitivement au passé et à l'Histoire.

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