Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 1er porte sur la nécessaire expression de la reconnaissance de la nation à l'endroit des harkis et des rapatriés. Cela correspond, comme l'a dit M. le rapporteur, d'une part à un objectif moral impératif, d'autre part à une tentative de corriger des situations inéquitables nées de la succession de différents textes, tentative qui, même menée à bien, a ses limites.
Ni ce texte ni les prochains ne pourront intervenir pour « solde de tout compte ». Nous ne ferons jamais assez face aux douleurs, aux souffrances, aux traumatismes, qui se transmettent de génération en génération ; cela a été remarquablement dit ce matin dans la discussion générale par l'ensemble des intervenants.
De ce point de vue, la dette de la nation, notamment au regard des conditions de vie sur le sol français des harkis et de leurs familles, est inextinguible. Notre responsabilité collective est engagée.
Le second alinéa de cet article soulève un problème, qui n'est pas uniquement rédactionnel.
En effet, pour permettre et faciliter le travail de deuil nécessaire - toujours d'actualité quarante-deux ans après la signature des accords d'Evian -, nous souhaitons voir figurer dès l'article 1er les termes « guerres et combats ». Cette référence serait cohérente avec la loi de 1999, qui a été votée à l'unanimité, par laquelle la représentation nationale reconnaissait la nature du conflit algérien en le qualifiant de « guerre ».
Les premières lignes d'un texte d'une telle nature opèrent un marquage. II nous faut d'emblée nommer les choses et faire coïncider, comme cela a été dit à l'occasion du débat de 1999, le « langage officiel » et le « langage courant ».
Le terme « événements » est trop connoté et il renvoie à une période où l'on voulait dissimuler la vérité historique. La reconnaissance dans tous les textes y afférant de cette guerre est de nature à contrecarrer un imaginaire colonial, certes privé de ses colonies mais encore trop présent dans les comportements et dans certains discours.
Cet imaginaire colonial, entretenu inconsciemment, j'en conviens, a pour conséquence de stigmatiser toujours et encore les enfants de ceux qui viennent d'ailleurs, notamment des anciennes colonies. Ceux-ci subissent encore trop souvent des pratiques discriminatoires pour l'accès au logement, au travail et aux loisirs.
C'est la raison pour laquelle nous attachons du prix à ce que notre Haute Assemblée améliore le texte en permettant, par une juste désignation, de se rapprocher de la réalité et de mieux saisir ainsi l'intelligibilité du monde. Camus, le franco-algérien, ne disait-il pas : « Mal nommer les choses, c'est ajouter au malheur du monde » ?
En conclusion, monsieur le président, je vous indique que mon intervention sur l'article vaudra également défense de l'amendement n° 34.