Monsieur le ministre, vous avez rappelé tout à l'heure comment les choses s'étaient engagées entre l'Assemblée nationale et le Sénat. Ce soir, il y a ici au moins deux témoins de ce qui s'était passé au Palais-Bourbon, Mme Nicole Bricq et moi-même, pour confirmer que la volonté était alors unanime. Je peux, puisqu'il y a maintenant prescription, vous livrer un secret : nous nous sommes bien gardés de parler de nos travaux aux responsables des groupes politiques. Nous étions convaincus qu'à en faire une affaire politique - et nous étions à l'époque dans l'opposition à l'Assemblée nationale -nous courions au trente-cinquième échec de réforme de l'ordonnance de 1959. Nous avons été surpris de constater que les choses se débloquaient et nous avons eu la joie de mener à terme cette réforme. Aujourd'hui, nous sommes donc à quelques jours de l'entrée en vigueur de la LOLF, prévue au 1er janvier 2005.
Le projet de loi organique que nous examinons aujourd'hui n'a pas pour objet de remettre en cause un texte non encore entré en application. S'il modifie la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances, c'est pour instaurer l'obligation d'inscription en loi de finances d'une règle d'utilisation des éventuels excédents de recettes fiscales de l'année.
Ce projet de loi appelle néanmoins trois réflexions.
La première : comme bien des membres de la commission des finances, je m'interroge sur l'opportunité de commencer à réformer une loi qui n'est même pas encore entrée en vigueur.
Ma deuxième réflexion est d'ordre plus fondamental. Le dispositif qui nous est aujourd'hui proposé complète, dans son article 1er, le paragraphe I de l'article 34 de la LOLF. Il prévoit ainsi que celle-ci « arrête les modalités selon lesquelles sont utilisés les éventuels surplus, par rapport aux évaluations de la loi de finances de l'année, du produit des impositions de toute nature établies au profit de l'Etat ».
Ce dispositif est certes nécessaire, afin que les recettes non prévues en loi de finances n'apparaissent plus, aux yeux des défenseurs d'intérêts catégoriels, comme une manne non soumise aux mêmes contraintes que le budget de l'Etat.
Il permettra assurément une plus grande crédibilité de la stratégie de maîtrise des finances publiques afin d'«éviter le report excessif des charges sur les générations futures pour financer les dépenses d'aujourd'hui ». Le remboursement de la dette doit être une priorité compte tenu du niveau actuel d'endettement de notre pays.
Cette précaution témoigne encore, si besoin était, de notre état d'esprit : la nécessité de recourir à une loi organique pour tenter de régler une évidence, à savoir qu'aussi longtemps que subsistera un déficit de fonctionnement l'intégralité des surplus devra être affectée à la réduction de ce déficit. Ensuite, lorsque le déficit de fonctionnement aura disparu, la plus grande partie des surplus de recettes devra être affectée à la réduction de la dette.
Les critères de Maastricht, que l'on qualifie souvent de contraignants puisqu'ils nous obligent à limiter à 3 % du PIB le déficit public, ne nous imposent finalement pas d'avoir des lois de finances proches de l'équilibre, voire en excédent.
Pourrais-je, monsieur le ministre, retourner encore le couteau dans la plaie en vous indiquant qu'avec un déficit représentant 3 % du PIB on creuse encore le niveau de la dette abyssale que nous connaissons ?
Au risque d'être politiquement incorrect, je suis de ceux qui pensent que nous devrions inscrire dans notre Constitution l'interdiction de présenter un budget en déficit.