Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 16 décembre 2004 à 22h00
Modification de la loi organique relative aux lois de finances — Adoption d'un projet de loi organique

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion du présent projet de loi modifiant la loi organique relative aux lois de finances appelle plusieurs observations liminaires.

En effet, nous nous interrogeons sur le peu d'initiative laissée aux parlementaires en matière de dépenses publiques, qui, finalement, pèse sur l'exécution budgétaire elle-même. C'est là, en effet, un débat essentiel, que le présent projet de loi organique ne va manifestement pas résoudre.

En dépit de ce que certains peuvent parfois prétendre, nous ne sommes pas des « idéologues de la dépense » qui ne se satisferaient que de l'expansion du déficit public, comme pourrait le laisser penser le récent examen du projet de loi de finances pour 2005.

En fait, nous sommes depuis toujours partisans d'une utilisation rationnelle de la dépense publique pour la croissance et l'emploi, en vue de la résolution des problèmes sociaux de notre pays.

Cela étant, posons la question suivante : les parlementaires représentant la nation ne sont-ils pas en mesure de procéder à une analyse critique et pertinente de la dépense publique, analyse pouvant conduire à un emploi plus efficace de l'argent public ? On le sait, les dépenses d'aujourd'hui sont souvent les économies que nous pourrons faire demain.

Par ailleurs, même si notre assemblée s'y est souvent résignée, l'initiative des choix budgétaires ne peut être réservée au seul pouvoir exécutif. Le Sénat gagnerait à mettre plus largement encore ce principe en application dans le cadre de ses travaux législatifs.

Or, à cet égard, la loi organique relative aux lois de finances, dans son architecture actuelle, telle que l'on nous propose de la modifier, ne renforce aucunement les pouvoirs dévolus à la représentation nationale.

Nous devons même constater, à l'examen du projet de loi et de son exposé des motifs, du rapport de M. Arthuis ou du compte rendu de la discussion du texte à l'Assemblée nationale, que l'extension des pouvoirs de contrôle du Parlement est limitée, dans les faits, à deux éléments : il est davantage informé des mouvements de gestion et il peut déterminer l'amplitude des économies devant être réalisées pour parvenir à l'équilibre budgétaire. Mais décidément, le débat sur la dépense publique mérite sans doute tout autre chose que la mise en oeuvre de cette simple logique comptable.

Le projet de loi organique que nous examinons porte essentiellement, cela vient encore d'être rappelé, sur l'affectation des surplus éventuels de recettes fiscales constatés au fil de l'exécution budgétaire. Se pose alors immédiatement une question : qu'est-ce qui doit primer ? La satisfaction des besoins collectifs, qui est au coeur de l'action publique, laquelle doit la motiver, la justifier et l'accomplir, ou celle des attentes des comptables européens, qui poursuivent sans relâche une optimisation mesurable en termes d'économies et d'équilibre budgétaire, quels que soient les moyens utilisés pour y parvenir ?

A cet égard, nous avons l'impression que la modification de la LOLF à laquelle il nous est proposé de procéder ne fera que graver un peu plus dans le marbre de la Constitution une pratique budgétaire de caractère quelque peu circonstanciel, technocratique, européen, au service bien sûr de la Banque centrale européenne.

La gestion publique n'est-elle pas aujourd'hui, comme nous venons de le voir avec l'examen du projet de loi de finances pour 2005, entravée par cette conception trop économe et trop chiche de l'utilisation de l'argent public ? Et à quelles motivations cela correspond-il ?

Le projet de loi qui nous est soumis s'inscrit pleinement dans le contexte politique et économique de l'Union économique et monétaire, de la monnaie unique et de la poursuite d'une construction européenne dont le projet de constitution libérale rédigé sous la direction de M. Giscard d'Estaing est une illustration presque caricaturale. Les propositions qui nous sont faites relèvent du même esprit, et je ne reviendrai pas, à cet instant, sur tout le débat relatif aux déficits et au budget.

On l'aura compris, nous sommes contre le « moins-disant » social et contre la remise en question des services publics qui sous-tend nombre de directives européennes. Celles-ci tendent à lier durablement les choix budgétaires de la nation aux pressions et aux décisions externes. C'est un peu comme si l'on nous demandait encore une fois de renoncer rapidement à toute extension du pouvoir de contrôle ou d'initiative du Parlement, au profit d'une recentralisation à l'échelon des institutions et de la construction européennes du pouvoir réel de définition des choix budgétaires.

C'est pour ces raisons que nous ne pourrons que rejeter, sauf adoption des amendements que nous avons déposés, le présent projet de loi organique modifiant la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion