Intervention de Alain Lambert

Réunion du 16 décembre 2004 à 22h00
Modification de la loi organique relative aux lois de finances — Adoption d'un projet de loi organique

Photo de Alain LambertAlain Lambert :

... dans la mesure où les ajustements dont je viens de parler n'ont pas encore pu être tous identifiés, de sorte qu'une nouvelle modification sera nécessaire d'ici à environ un an.

Cela étant, et c est ce qui nous réconforte, quel est l'objectif visé ?

A l'évidence, il s'agit d'établir des principes de bonne gestion. Dans la situation d'urgence budgétaire dans laquelle se trouve notre pays, on ne peut qu'approuver cet objectif. Non seulement nous l'approuvons, mais nous le partageons, et nous sommes d'ailleurs impatients de l'atteindre.

L'article 1er atteint-il, à lui seul, l'objectif ? On peut probablement en douter. S'il s'agit d'une étape, prenons-la comme telle. Cependant, il ne sera pas inutile de poursuivre notre réflexion pour continuer à examiner les voies et moyens les plus appropriés pour cheminer plus vite vers le retour à l'équilibre budgétaire.

A propos de l'article 1er, je souhaiterais notamment que le Gouvernement nous éclaire sur les modalités de son application.

S'il s'agit d'affecter à la réduction du déficit les plus-values fiscales, c'est-à-dire la différence entre les estimations figurant en loi de finances initiale et les recettes constatées en loi de règlement, sous quelle forme cette opération sera-t-elle concrètement réalisée ? Quelle valeur ajoutée son caractère organique lui confère-t-elle ? Devient-elle obligatoire ? Comment le vote du Parlement s'exprimera-t-il ? Comment et à quel moment ce dernier sera-t-il consulté sur le mode de calcul initial des recettes fiscales et sur l'encaissement réel ? M Arthuis a déjà indiqué un certain nombre de pistes.

Enfin, il serait utile que le Gouvernement nous dise s'il continue de réfléchir à des dispositions plus opérationnelles encore pour progresser en matière de bonne pratique budgétaire, ou s'il considère avoir atteint, avec ce texte, le niveau ultime de perfection. Monsieur le ministre, j'ai pris acte avec plaisir de votre proposition relative aux réserves de précaution.

Deuxième question : quelle méthode pourrait-elle être la plus appropriée pour atteindre l'objectif visé ?

Au fond, il n'est pas sûr que ce soit la méthode législative. Chacun le sait, la loi ne tient pas lieu de vertu. Si elle connaît déjà ses limites pour contraindre les citoyens, elle est souvent sans effet pour contraindre les gouvernants.

Dès lors, ce texte peut-il désormais nous garantir de bons comportements ?

De nombreux pays ont choisi une autre voie, notamment la voie d'une charte ou d'un guide volontaire de bonnes pratiques budgétaires.

Dans la première hypothèse, celle de la loi, de deux choses l'une : ou bien la volonté politique est au rendez-vous et la norme devient inutile, voire gênante, puisqu'elle constitue un cadre rigide, alors qu'une volonté politique forte a besoin de souplesse pour connaître la meilleure efficacité ; ou bien la volonté politique n'est pas au rendez-vous et on peut craindre que l'exécutif ne mette toute son énergie à contourner la norme, parfois aux dépens de la sincérité budgétaire.

Dans la seconde hypothèse, la charte de bonnes pratiques n'a certes aucun caractère contraignant, mais s'y soustraire revient cependant pour l'exécutif à renier ses engagements et à perdre, à due concurrence, sa crédibilité, voire la confiance de ses partenaires.

Le réseau de gestion publique du MINEFI a conduit en 2002 une étude sur un échantillon de quinze pays, sélectionnés en fonction d'une taille économique comparable à celle de la France. Cet échantillon permet d'avoir une vision des pratiques budgétaires des principales économies de l'Union européenne et des réformes entreprises au sein des pays de l'OCDE en matière de budgétisation.

Sur cette question de méthode, il me serait agréable de connaître la préférence du Gouvernement.

Troisième question : la solution à nos problèmes réside-t-elle dans la gestion des recettes ou dans celle des dépenses ?

Je regrette beaucoup que les débats sur le redressement de nos finances publiques s'attardent souvent sur les recettes, alors qu'ils devraient être abordés en priorité par les dépenses.

Or, si on observe les redressements les plus réussis dans les pays de l'échantillon du réseau de gestion publique du MINEFI, il apparaît de manière éclatante que ce sont les ajustements par les dépenses qui ont produit les meilleurs fruits. A cet égard, des exemples emblématiques méritent d'être rappelés.

Aux Etats-Unis, il a été fixé, en 1993, un plafond de dépenses pour une période de cinq ans, au terme de laquelle les comptes sont revenus à l'équilibre.

Au Canada, c'est encore par les dépenses que le redressement spectaculaire a été réalisé. Il en est résulté non pas un effet récessif, mais, au contraire, une poussée de croissance, qui démontre que la dépense publique excessive n'a jamais engendré la croissance.

Un seul Etat, les Pays-Bas, a introduit une règle de comportement pour l'affectation des plus-values de recettes, dite « norme Zalm », décrite par M. Arthuis dans son rapport. Il s'agissait d'un principe mis en place sur la durée de la législature. Pour sa mise en oeuvre, des règles spécifiques de transparence ont été introduites, qui, pour l'instant, me semblent nous manquer dans le dispositif de l'article 1er.

Au demeurant, même aux Pays-Bas, ce sont les dispositions relatives aux dépenses qui ont produit les meilleurs fruits.

Quatrième question : la solution à nos problèmes réside-t-elle exclusivement dans les comptes de l'Etat ?

L'objectif de redressement impératif de nos comptes publics ne sera jamais atteint si nous limitons nos intentions vertueuses aux comptes de l'Etat.

Disons-le clairement, même si notre Etat atteint un jour le degré ultime de la performance, nos comptes publics ne reviendront jamais à l'équilibre sans maîtrise des comptes sociaux.

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