Cet amendement de suppression de l'article 1er du présent projet de loi organique découle de notre position fondamentale sur ce texte. C'est pourquoi mon intervention sera un peu longue sur cet amendement.
On nous présente, en effet, comme une remarquable avancée le fait de modifier l'article 34 de la loi organique sur l'affectation des éventuels surplus de recettes constatés en cours d'exécution budgétaire.
Nous serions donc invités, dans les faits, à voter par avance cette affectation, à travers un article circonstancié de la loi de finances initiale, et d'une constatation du mouvement dans le cadre du collectif de fin d'année. Une telle disposition, au-delà de son caractère apparemment technique, appelle évidemment quelques observations.
Nous allons ainsi débattre demain d'un collectif de fin d'année qui présentera, pour l'essentiel, les caractéristiques habituelles : ensemble de dispositions disparates dont certaines sont assez proches d'ailleurs de dispositions réglementaires ; encaissement de recettes non fiscales non évaluées à l'origine ; affectation des recettes complémentaires constatées dans l'exécution.
Cette année, le Gouvernement a clairement opté, dans le cadre du collectif de fin d'année, pour une affectation prioritaire des recettes fiscales nouvelles à la réduction du déficit budgétaire.
Mais, comme nous le verrons demain, ce déficit semble aussi « corrigé » par quelques reports astucieux de crédits sur l'exercice 2005 qui permettent de présenter les choses sous un jour plus favorable au regard, notamment, des marchés financiers ou de l'Union Européenne.
Il est vrai qu'en 2003 la question ne se serait pas posée ! Nous avions, en effet - rappelez-vous ! -, débattu d'un projet de loi de finances prévoyant, à l'origine, un déficit de 46 milliards d'euros qui, par la grâce d'un collectif et d'une loi de règlement, a finalement atteint 57, 5 milliards. Si mes souvenirs sont exacts, aucun des élus de la majorité sénatoriale ne s'était alors élevé contre cette procédure pour le moins déroutante.
Au contraire, dans une intervention d'une brièveté remarquable, le rapporteur général avait indiqué :
« Madame la présidente, mes chers collègues, j'ai peu à ajouter à ce qui vient d'être dit par M. le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, et je me permets de vous renvoyer au rapport écrit de la commission des finances.
« Nous avons d'ailleurs eu, en commission, une discussion assez nourrie sur ce projet de loi de règlement. Il ne me paraît pas indispensable de revenir sur l'ensemble des aspects de la politique économique et budgétaire qui a été conduite durant l'année 2003.
« Le projet de loi de règlement est arrivé en temps et en heure - il faut le souligner -, éclairé par des commentaires fort utiles de la Cour des comptes ; il nous a permis de formuler une série de remarques qui figurent dans le rapport écrit de la commission.
« Vérité des déficits et de la dette, vérité des priorités de l'Etat, vérité de la performance des services de l'Etat : ces trois vérités se trouvent reflétées en quelque sorte par le projet de loi de règlement. Il suffit d'en prendre connaissance dans le détail, ce que je vous invite à faire.
« Sous le bénéfice de ces observations, la commission des finances appelle bien entendu à voter le texte présenté par le Gouvernement. »
En clair, ce débat sur l'affectation des surplus de recettes est un peu bizarre. Si l'on suit, en effet, la logique du texte du projet de loi, il ne s'agirait que de prévoir par avance de quelle manière le Parlement se dessaisirait de son pouvoir d'initiative budgétaire en autorisant le Gouvernement, dès la loi de finances initiale, à faire ce qu'il veut de l'argent public qui lui arriverait.
Il faut situer les choses dans leur contexte.
Prenons de nouveau l'exemple de l'année 2004. On vote une norme de progression de la dépense publique en euros constants, ce qui représente 5, 2 milliards d'euros, dont 2, 1 milliards disparaissent d'ailleurs en collectif de fin d'année ; on constate 5 milliards de plus-values fiscales, c'est-à-dire autant, et l'on n'utiliserait cette somme que pour améliorer le solde global. C'est à ce type de procédure qu'aboutirait l'adoption de l'article 1er.
Quid, dès lors, de la possibilité, à travers un collectif budgétaire qui serait autre chose que la « voiture-balai » dont nous débattons chaque année avant Noël, de donner, en cours de session parlementaire ordinaire, une éventuelle impulsion complémentaire à la croissance, qui est à la source des plus-values fiscales ? Nous n'assistons pas à un renforcement des pouvoirs du Parlement, bien contraire.
Pour ces motifs, nous ne pouvons que vous inviter, mes chers collègues, à voter cet amendement.