Avec l'article 5 bis B, nous sommes en présence de ce qu'il faut bien appeler une véritable opération de démantèlement de la notion de logement social.
Comme chacun le sait, depuis un peu plus de cinq ans, les collectivités locales sont dans l'obligation de faire des efforts pour réaliser des logements sociaux sur leur territoire.
Cette obligation doit permettre aux habitants de toutes les communes concernées d'accéder à un logement avec un effort en fonction de leurs ressources. Cela assurerait une plus grande diversité sociale dans ces collectivités et éviterait des regroupements de populations fragiles dans les seuls sites comptant déjà un nombre très important de logements sociaux. Cela permettrait également de satisfaire la demande de logements telle qu'elle s'exprime aujourd'hui.
La discussion de cet article nous renvoie à l'article 55 de la loi SRU, qui a sans cesse été remis en cause dans cette enceinte, en particulier par M. Dominique Braye, rapporteur du texte que nous examinons aujourd'hui.
Actuellement, un certain nombre de villes - de 730 à 740 selon les indications disponibles - répondant aux critères définis par l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation ne se conforment toujours pas aux règles fixées par la loi.
Bien que le rythme de construction de logements sociaux ait augmenté dans un grand nombre de ces communes, ces dernières ne disposent toujours pas d'un parc locatif social à la hauteur des besoins de leur population.
Ce n'est pas parce que des villes présentent les caractéristiques sociologiques d'une population aisée que certains de leurs habitants ne sont pas directement concernés par les problèmes de logement. Je pense en particulier aux jeunes ménages, aux jeunes occupant un emploi précaire - et tel serait également le cas avec le CPE - dont les difficultés pourraient être amoindries du fait de la construction de logements sociaux. Mais peut-être considère-t-on que, comme pour le reste, les communes n'ayant pas de logements sociaux ne sont pas confrontées à ce type de problèmes ?
Comme nous aurons sans doute l'occasion de le rappeler, lorsque la moitié, ou peu s'en faut, des habitants d'une ville n'acquitte pas l'impôt sur le revenu, il est plus que probable que la demande de logements ne s'oriente pas vers le résidentiel de luxe... Les logements locatifs sociaux sont donc bien une nécessité.
Pourtant, cinq ans après la promulgation de la loi SRU, et surtout trois ans et demi après l'alternance politique, plus de deux ans après le vote de la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine et des lois dites de décentralisation, certains tentent encore de détourner le texte de la loi SRU et de remettre en cause la définition du logement social telle qu'elle a été établie par cette dernière.
Dans notre pays, certaines communes continuent de se libérer de leurs obligations en matière de construction de logements sociaux et préfèrent laisser à d'autres le souci de gérer la crise du logement.
Ces décisions égoïstes, prises en dépit des obligations prévues par la loi, ne peuvent plus être acceptées ! Or, avec l'article 5 bis B, n'ayons pas peur de le dire, c'est cet égoïsme qui est validé.
En fait, cet article peut être considéré comme une sorte d'article 55 « au petit pied » dans lequel, grâce à l'intégration des logements en accession sociale et à l'intégration temporaire des logements HLM vendus, on pourra aisément dédouaner certains de leurs obligations.
En effet, le dispositif prévu dans cet article consiste essentiellement à mélanger de manière abusive deux choses bien différentes.
Il s'agit d'abord de la nécessité de disposer d'un outil d'accession sociale à la propriété, ce qui pourrait au demeurant tout à fait se comprendre, mais qui n'est pas l'objet du texte qui nous est soumis.
Nous avons aujourd'hui bien du mal à savoir à quoi ressemble effectivement l'outil d'accession sociale à la propriété puisque l'aide directe aux ménages accédants a été transformée en crédit d'impôt pour les établissements de crédit gérant l'encours des emprunts des particuliers.
Il s'agit ensuite de modifications qui vont vider de toute signification l'article L. 302-5 du code de la construction et de l'habitation en intégrant dans le périmètre des logements « sociaux » les logements en accession à la propriété et les logements HLM vendus. Même si cette prise en compte n'était que temporaire, elle viendrait contrecarrer les orientations que la loi avait arrêtées.
Cet article 5 bis B résulte d'un amendement du président de la commission des affaires économiques, de l'environnement et du territoire de l'Assemblée nationale, M. Patrick Ollier. Cette démarche, qui laisse perplexe, paraît cependant plus compréhensible quand on examine de près la situation : M. Ollier est élu de Rueil-Malmaison, ville qui compte un parc de logements de 20 029 résidences principales, dont 5 829, c'est-à-dire 18, 18 %, seraient assimilables à des logements sociaux. Bien sûr, d'autres communes des Hauts-de-Seine sont encore plus éloignées du seuil de 20 %.
La ficelle est donc un peu grosse et indique même clairement les intentions réelles de l'auteur de l'amendement, quelles que soient ses qualités par ailleurs. Cet article de pure opportunité et à effet immédiat doit permettre, à brève échéance, de libérer cette commune de l'« insupportable » amende qu'elle devrait payer, faute d'atteindre le seuil d'un cinquième de logements sociaux au titre des résidences principales de ses administrés.
Or le montant de cette amende a été bien trop souvent allégé pour un certain nombre de communes, sans que la motivation de ces dégrèvements soit véritablement compréhensible.
Comment prétendre bien légiférer si l'on commence par ne prendre en compte que des préoccupations de caractère local ? Je crois que l'intérêt national mérite mieux dans ce domaine.