Dans un tel contexte, j'émets également des réserves sur le fait de consacrer en priorité l'argent public, c'est-à-dire les crédits de l'État, à l'accession à la propriété, fût-elle aidée, au niveau où vous l'avez portée avec le relèvement des plafonds du prêt à taux zéro jusqu'à 6 000 euros de revenus mensuels, pour un ménage avec trois enfants, dans les zones où le marché est le plus tendu.
Au regard des prix du mètre carré, des garanties exigées par les établissements bancaires en termes d'apport, de niveau et de stabilité des revenus et des durées d'endettement, l'aide à l'accession à la propriété ne peut plus être considérée comme sociale. Elle ne concerne pas les jeunes ménages en emploi précaire ni les populations défavorisées vieillissantes, et reste fermée aux familles aux revenus modestes voire moyens.
Prenons l'exemple du Bas-Rhin, pour ne pas focaliser la discussion sur la région parisienne : dans ce département, 65 % des ménages demandeurs d'un logement disposent d'un revenu inférieur au SMIC ; par ailleurs, 76 % des demandeurs de logement social ont un revenu inférieur à 60 % des plafonds de ressources HLM. Il en va de même dans toutes les régions de France. Ces personnes n'accèdent déjà pas aux prêts locatifs sociaux, les PLS. Pourquoi les abuser en leur faisant croire qu'elles accéderont à la propriété ?
Madame la ministre, pouvez-vous vous engager à ce que l'accession aidée à la propriété qui serait comptabilisée au titre des 20 % - si d'aventure l'amendement Ollier devait prospérer - soit conditionnée aux plafonds de ressources des prêts locatifs aidés d'intégration, les PLAI et des prêts locatifs à usage social, les PLUS ? Pouvez-vous nous assurer que l'accession à la propriété soit possible dans de telles conditions ?
Les sénatrices et sénateurs du groupe socialiste sont convaincus que les deniers publics, de même que la force normative de l'État, doivent être concentrés sur les logements accessibles et les personnes qui en ont le plus besoin, lesquelles, autrement, n'auraient pas accès à un logement ou n'auraient pas le choix de leur lieu d'habitation, ce qui est aujourd'hui le cas d'une grande partie des classes moyennes.
De même, ce ne sont pas les maires qui réalisent des programmes d'accession à la propriété, aussi utiles soient-ils, qui ont le plus besoin du soutien de l'État. Ils rencontrent moins d'obstacles à leurs projets et pourront les poursuivre.
Ce sont principalement les maires susceptibles de conduire des opérations à vocation d'insertion qu'il faut aider et encourager. Nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements en ce sens, qui permettent de pondérer les logements sociaux selon leurs financements - PLS, PLUS, PLAI -, et nous soutiendrons les amendements similaires issus d'autres groupes.
Refuser toute soustraction à la solidarité urbaine, apporter une réponse aux millions de Français mal logés ou prisonniers de leur logement trop petit, trop éloigné, trop dégradé, remettre de la dignité dans l'accès au logement, à un logement choisi et non un logement subi, c'est là le coeur de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, et notamment de son article 55. C'est pourquoi nous y sommes attachés, tout comme 64 % des Français qui la jugent « efficace » pour « améliorer la situation du logement » et 68 % des maires qui partagent cet avis.
Madame la ministre, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaite que, contrairement à jeudi dernier, nous abordions ce débat avec sérénité, dans le respect de nos convictions respectives et surtout en gardant toujours à l'esprit notre responsabilité collective de législateurs quant à la garantie de l'accès de tous à un logement abordable.