Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce débat préalable à la discussion des amendements est une bonne chose : il permet aux uns et aux autres de mettre en exergue leurs arguments et de prendre position.
À M. le rapporteur comme à M. Marini, je dirai que, comme eux, je crois à la mixité sociale ; mais, pour ma part, je considère qu'elle doit valoir à Clichy-sous-Bois comme à Neuilly-sur-Seine !
Dans le premier cas - et cette commune ne représente évidemment ici qu'un symbole -, une aide considérable de l'État serait nécessaire afin que les classes moyennes et les familles aisées s'installent à Clichy-sous-Bois.
Dans le second cas - mais cela vaut pour tous les Neuilly-sur-Seine -, il serait nécessaire que le logement social locatif atteigne progressivement un niveau comparable à la moyenne française, selon les termes de la loi SRU.
Comme l'a fait tout à l'heure l'un de nos collègues, j'aimerais attirer l'attention sur la terrible responsabilité que prennent un certain nombre d'élus qui, en vue de remporter des suffrages lors de campagnes électorales municipales, s'engagent à mener une politique de ségrégation sociale.
Il s'agit là d'une politique de gribouille, d'une politique antirépublicaine. Cette politique mène tout droit à des événements que nous devons bien appeler des émeutes et qui doivent ensuite, hélas, être réprimés par les forces de sécurité.
De ce point de vue, l'amendement adopté par l'Assemblée nationale correspond manifestement à un désir sans détour de vider la loi SRU de toute sa substance, quant au quota de 20 % de logements locatifs sociaux.
Vendre des logements sociaux aux locataires, pourquoi pas ? Le simple bon sens voudrait cependant que l'on reverse alors aussitôt le produit de ces ventes et que l'organisme HLM puisse ainsi créer de nouveaux logements sociaux, susceptibles de compenser les ventes.
En revanche, le fait qu'il soit possible d'inclure dans le quota de logements sociaux ces acquisitions financées par et pour des familles à revenus élevés me semble absolument détestable et condamnable.
Sur ce point, nous nous trouvons manifestement face à la complète dénaturation d'un texte de loi qui nous semblait, depuis cinq ans, avoir progressivement conquis les faveurs de la majorité des élus locaux, de droite comme de gauche.
Je voudrais également attirer l'attention sur un argument souvent avancé : sous le gouvernement précédent, il n'y aurait pas eu création de logements sociaux. Cette thèse est infirmée par les chiffres.
On voudrait aujourd'hui que, grâce à la loi de programmation pour la cohésion sociale, il y ait au contraire création d'un nombre considérable de logements locatifs sociaux ! Monsieur le rapporteur, vous usez fort souvent de cet argument.
Mais si les logements locatifs sociaux sont concentrés dans les mêmes communes, et puisque les communes que tend à favoriser l'amendement de M. Ollier pourraient se dispenser de construire, alors nous aggraverons à nouveau le phénomène de concentration au lieu d'améliorer les choses. Nous créerons de nouvelles difficultés.
L'idée de calculer désormais à l'échelle de l'agglomération le quota de logements sociaux - disons la répartition, je préfère ce terme -, afin de parvenir à la mixité sociale, me paraît opportune et intéressante.
Il faut cependant y faire attention : cela pourrait aboutir à ce que les ghettos de riches continuent de se renforcer tandis que, mécaniquement, les familles les plus pauvres se concentreraient dans les quartiers les plus pauvres, dans les communes les plus défavorisées, parfois d'ailleurs par le biais d'un vote majoritaire des élus - cela peut arriver.
J'en viens à un dernier élément, déjà abordé lors de la discussion générale. M. Marini et un certain nombre de nos collègues pensent régler la question en disant qu'il faut à tout prix renforcer l'accession à la propriété. Nous sommes d'accord.
Toutefois, en tant que maire d'une commune de l'Hérault, essayant de conduire une politique courageuse en matière d'urbanisme, aidé en cela d'ailleurs par le département, je me demande si, en raison de la spéculation foncière, nous pourrons loger les habitants les moins fortunés de la commune.
Telle est la situation que nous affrontons, telle est la réalité. Quand on parle d'accession à la propriété, il faut prendre conscience de ce qu'elle est rendue aujourd'hui très difficile, voire impossible, dans un certain nombre de nos territoires.
Sans vouloir introduire un ton d'affrontement entre tel ou tel groupe de la Haute assemblée, sans intenter de procès à qui que ce soit, je voudrais vous dire solennellement, mes chers collègues, que nous ne pouvons pas ne pas revenir sur le dispositif adopté par l'Assemblée nationale.
Les dommages seraient considérables, quant à la légitimité du Sénat. En termes de politique à moyen terme, de plus, nous en verrions, hélas, les conséquences. Nous serions alors contraints d'adopter des textes, de dégager des budgets, pour tenter, mais trop tard, de réparer les dommages causés.