Intervention de Thierry Foucaud

Réunion du 14 décembre 2004 à 15h00
Loi de finances pour 2005 — Vote sur l'ensemble

Photo de Thierry FoucaudThierry Foucaud :

En fait, monsieur le ministre, tout se passe comme si, devant la situation que vivent des millions de nos compatriotes - nous comptons aujourd'hui 3 millions de chômeurs officiels, autant de mal logés et 4 millions de personnes en situation précaire -, ce qui importait le plus à vos yeux était, comme toujours, d'assurer coûte que coûte la rentabilité du capital !

Tout se passe d'ailleurs comme si le MEDEF, à lui tout seul, constituait le vingt-sixième Etat de l'Union européenne...

Pour s'en convaincre, il n'est qu'à voir les solutions que vous avez choisies.

Face au problème du logement, vous donnez la priorité à la rentabilité de l'investissement immobilier !

Face au problème de l'emploi, vous donnez la priorité à l'allégement des cotisations des entreprises, à l'allégement du coût du travail, au développement de la flexibilité et de la précarité, ainsi qu'à l'explosion des heures supplémentaires !

Face au problème de la fiscalité, vous donnez la priorité à la baisse de l'impôt sur la fortune, à la baisse des droits de succession sur les plus gros patrimoines, à la baisse de l'impôt sur les sociétés ou sur le revenu des ménages aisés !

Et tant pis, effectivement, si le plus grand nombre - les salariés, les retraités et les ménages modestes - continue de subir la hausse continue des prélèvements sociaux et fiscaux !

Chers collègues de la majorité, posez-vous ces questions : depuis le printemps 2002, quelle politique avez-vous donc soutenue ? Pour quels résultats ? Qu'a-t-elle changé dans la vie de la nation ?

En 2003, 80 000 emplois ont été détruits et l'industrie nationale continue de décliner sans que les emplois de service viennent compenser cette « saignée » dans les emplois industriels. C'est même tout le contraire !

L'argent public a donc contribué à financer à la fois les plans sociaux et les délocalisations. Et force est de constater que cela risque bien de continuer.

Vous le savez très bien, la réduction du barème de l'impôt sur le revenu a « gonflé » le taux d'épargne, car les mesures les plus significatives ont concerné les plus hauts revenus qui, bien sûr, n'en avaient nul besoin.

Faut-il encore vous rappeler que l'impôt sur le revenu, en France, ne représente que 3, 5 % du PIB ? Et que sa réduction n'a pas donné de coup de pouce à la croissance, mais a favorisé, une fois de plus, l'épargne des plus aisés ?

En outre, monsieur le ministre, vous affichez une constante motivation à faire baisser le rendement de l'impôt sur la fortune, alors que rien ne justifie une telle démarche. En effet, le taux marginal de l'ISF n'est que de 1, 8 %, et vous vous refusez à en faire un impôt redistributif, économiquement efficace et socialement juste.

Dans un rapport récent, le Conseil national des impôts a pourtant établi que l'ISF n'avait que peu d'effet incitatif sur la délocalisation des patrimoines et aucun sur l'exode des cadres, ce que vous appelez la « fuite des cerveaux ». En d'autres termes, vous ne pouvez pas vous prévaloir de ces arguments pour justifier vos amendements et votre politique.

Enfin, mes chers collègues, les vraies victimes des problèmes de logement dans ce pays ne sont pas les quelques dizaines de milliers de propriétaires dont le patrimoine gagne de la valeur : ce sont bien les trois millions de mal-logés et de demandeurs de logement, dans ce « marché immobilier » que vous avez voulu « libre ». Or le Sénat, en l'espèce, a encore une fois retenu d'autres priorités, alors que le niveau des loyers, comme celui des prix de vente, s'est très sensiblement relevé.

Nous avons eu l'occasion de pointer, au fil de la discussion des articles, tant en première qu'en deuxième partie, les éléments et les mesures qui nous paraissaient si contraires à l'intérêt général.

Nul doute que nous pourrions faire autre chose de l'argent public que l'usage qui nous en est proposé aujourd'hui par la majorité sénatoriale.

Nous avons, tout au long du débat, soutenu des propositions alternatives, rendues nécessaires par la situation économique et sociale du pays et porteuses d'avenir pour l'ensemble de la population.

Au lieu de cela, nous voici face à un budget destiné à la rente et au capital, à la préservation des privilèges de la fortune, à la démolition, pan par pan, morceau par morceau, du service public.

Vous l'aurez compris, parce que ce budget tourne le dos aux principes de justice sociale, à la nécessaire intervention publique pour répondre aux besoins de la population et, en même temps, pour favoriser de fait la croissance, nous ne pouvons donc que voter, sans la moindre hésitation, contre ce projet de loi de finances pour 2005.

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