Intervention de Roselyne Bachelot-Narquin

Réunion du 1er juin 2010 à 9h30
Questions orales — Désertification médicale

Roselyne Bachelot-Narquin, ministre :

Je suis, comme vous, attachée à garantir à l’ensemble de nos concitoyens le meilleur accès possible aux soins.

Cela dit, c’est un problème qui touche le monde entier : à l’échelle de la planète, le déficit en professionnels de santé et en médecins atteint plusieurs millions.

De plus, nous sommes confrontés à des évolutions sociologiques, au demeurant très légitimes : en se féminisant, la profession exprime un désir croissant de concilier vie familiale et exercice médical. C’est en partie pour cette raison que le temps consacré à l’exercice de sa profession par chaque médecin a baissé.

Nous payons aussi durement, il faut le dire – mais c’est une responsabilité largement partagée –, le numerus clausus des années 1980 et du début des années 1990. Nous avons rétabli les choses puisque le numerus clausus a été porté à 7 500, alors que, voilà un peu plus de dix ans, il n’était que de 3 000 ! J’ai donc considérablement augmenté le numerus clausus, mais je suis consciente que ces jeunes étudiants en médecine n’entreront véritablement en activité que dans une dizaine d’années, ce qui signifie que la chute de la démographie médicale ne sera totalement enrayée qu’aux environs de 2025.

Autrement dit, ce mouvement n’est pas inéluctable, mais il n’empêche que nous devrons gérer une démographie médicale insuffisante au cours de la décennie à venir, voire un peu au-delà.

De nombreuses mesures ont d’ores et déjà été prises pour lutter contre la faible attractivité de la médecine générale dans certains de nos territoires. L’avenant n° 20 à la convention médicale, qui prévoit de relever de 20 % le prix des honoraires pour les médecins exerçant sur ces territoires, a été reconduit dans le règlement arbitral du 3 mai dernier, et l’on doit s’en féliciter.

Mais ce n’est pas seulement une question d’argent. En effet, si certains médecins sont sensibles à cette incitation, ils ne sont guère plus de 600, ce qui, à l’évidence, ne permet pas de résoudre le problème dans son ensemble.

Des dispositions plus structurelles ont donc également été arrêtées.

Pour encourager l’adhésion des étudiants en médecine à la discipline de médecine générale, j’ai renforcé, en coordination avec Mme la ministre de l’enseignement supérieur et de la recherche, la filière universitaire de médecine générale. C’est un vrai succès puisque, dès 2009, des postes supplémentaires d’enseignants dans cette discipline ont été créés, et ce mouvement va se poursuivre au cours des prochaines années. Nous avons donc enrayé le défaut d’attractivité de la médecine générale – on pouvait même parler de désamour pour celle-ci ! – et nous commençons de recueillir les fruits de cette politique : la proportion d’internes choisissant la médecine générale, qui était de 37 % en 2006, est ainsi passée à 49 % en 2009.

Par ailleurs, la loi du 21 juillet 2009 portant réforme de l’hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, la loi HPST, va compléter les mesures déjà en place en mettant à la disposition des médecins de nouveaux outils. Vous avez évoqué, monsieur Courteau, les maisons de santé pluriprofessionnelles. Je pense aussi à la souscription de contrats collectifs sur la base du volontariat, aux coopérations professionnelles qui permettront aux médecins de s’organiser avec les autres professionnels pour la répartition des tâches. Il s’agit de libérer du temps médical.

Depuis 2008, une aide financière d’un montant de 50 000 euros est accordée pour la création de maisons de santé pluriprofessionnelles. Ce chiffre est doublé pour les projets concernant les quartiers qui relèvent de la dynamique « Espoir Banlieues ». Nous avons ainsi, soutenus par une aide remarquable des collectivités territoriales, accompagné 85 maisons de santé pluridisciplinaires en 2009. Je lance toutefois une mise en garde pour que les projets soient bien portés par des professionnels de santé : ceux qui relèvent d’un simple choix politique sont en général voués à l’échec.

Le Premier ministre a réuni le 11 mai dernier un comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire. Un plan d’action y a été annoncé en faveur de la démographie médicale : 250 maisons de santé pluridisciplinaires seront financées d’ici à 2013 et 400 contrats d’engagement de service public sont prévus d’ici à 2012 en milieu rural. Vous connaissez le système : on attribue une bourse de 1 200 euros par mois à des étudiants en médecine qui s’engagent à exercer dans une zone fragile pendant une durée équivalente à celle durant laquelle ils ont perçu la bourse. Les schémas régionaux d’organisation des soins ambulatoires permettront, sous le pilotage des Agences régionales de santé, les ARS, de qualifier ces zones fragiles et de faire converger les aides et les politiques incitatives.

J’attire votre attention sur le rôle très important que vont jouer les ARS : pivots de l’organisation des soins, elles vont permettre aux professionnels de santé de communiquer les uns avec les autres. C’est dans le cadre des conférences de territoire, auxquelles vous participerez certainement, monsieur Courteau, que les acteurs concernés sont sollicités pour construire une offre de soins cohérente sur l’ensemble du territoire. Jusqu’à présent, l’administration décidait seule. Moi, je veux associer les professionnels de santé, les élus de proximité et les associations de malades à cette définition de la politique de santé, autour des ARS.

J’ai proposé au Président de la République de confier à Élisabeth Hubert la mission de dialoguer avec les professionnels de santé et d’envisager des réponses structurelles aux besoins d’accès aux soins dans le contexte de démographie médicale que nous connaissons.

Certes, monsieur le sénateur, ce sont des politiques à long terme, mais nous tenons à utiliser l’ensemble des leviers qui sont à notre disposition, sans jamais négliger le dialogue avec les professionnels de santé et avec les élus.

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