Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le compte épargne-temps a été créé en 1994 par le gouvernement d'Edouard Balladur, son objet étant de « permettre au salarié qui le désire d'accumuler des droits à congé rémunéré ». Il devait être alimenté principalement par des jours de congé et de repos ainsi que par des éléments de rémunération convertis en temps.
Il a été réformé par la loi Aubry du 19 janvier 2000, puis par la loi Fillon du 17 janvier 2003, cette dernière lui apportant des modifications majeures.
Conçu initialement comme une épargne-temps permettant au salarié de se faire rémunérer un congé lié à ses besoins personnels, le dispositif est devenu, du fait des derniers assouplissements qui lui ont été apportés, un moyen pour le salarié de se constituer une épargne si cette option est retenue par les partenaires sociaux dans les conditions légales.
Aujourd'hui, il s'agit de monétiser complètement le compte épargne-temps, et l'argument avancé pour que le salarié épargne non plus du temps mais uniquement de l'argent porte sur l'augmentation du pouvoir d'achat.
Il est vrai que, depuis que l'actuel gouvernement est en place, le pouvoir d'achat a particulièrement baissé : après cinq années de croissance exceptionnelle, entre 1998 et 2002, le gain de pouvoir d'achat global a été quasi nul en 2003 et il n'aurait été - ce n'est pas nous qui le disons, mais l'INSEE - que de 1, 6 % en 2004.
Vous utilisez donc l'argument du faible pouvoir d'achat pour balayer d'un revers de main les acquis des salariés en termes de temps afin de transformer ce temps en argent. Mais qui vous dit que les salariés souhaitent renoncer à leur RTT ? Certainement pas eux ! En revanche, ils souhaitent que leur pouvoir d'achat augmente et, pour ce faire, il est nécessaire que leurs salaires augmentent.
Il ne serait d'ailleurs pas si choquant d'augmenter les salaires, en ces temps de bénéfices records réalisés par les grandes entreprises cotées au CAC 40. Je rappellerai pour mémoire que Total a réalisé en 2004 un bénéfice net de 9, 612 milliards d'euros, Arcelor de 2, 314 milliards d'euros, L'Oréal de 3, 626 milliards d'euros, BNP Paribas de 4, 668 milliards d'euros. Je m'arrête là, mais la liste est encore longue !
Dans ces conditions, il nous semble scandaleux que les richesses ne soient pas redistribuées aux salariés, qui, je vous le rappelle, participent, par leur travail, à la création de ces mêmes richesses.
Comment pouvez-vous leur proposer d'augmenter leur temps de travail et de réduire leur capacité à épargner du temps alors que des entreprises réalisent des milliards d'euros de bénéfices ? Ne serait-il pas possible pour celles-ci d'augmenter les salaires, ce qui aurait inévitablement un impact sur le pouvoir d'achat, sur la consommation et sur l'emploi ?
Au lieu de quoi vous anéantissez la réduction du temps de travail et vous transformez le compte épargne-temps en un simple compte d'épargne.
Vous tentez de faire croire aux salariés qu'en renonçant aux droits au repos cumulés sur leur compte épargne-temps ils bénéficieront d'une augmentation de leur pouvoir d'achat. Si encore c'était vrai ! Mais non ! Les salariés pourront, certes, « épargner » leurs heures supplémentaires, mais celles-ci ne seront pas rémunérées sur le compte épargne-temps au taux qui était applicable au moment où elles ont été effectuées.
Les salariés sont doublement trompés avec cette réforme du compte épargne-temps, ce qui est totalement inadmissible, et c'est pourquoi nous combattrons vigoureusement le dispositif.