« Travailler plus pour gagner plus », « donner aux salariés plus de liberté dans la détermination et l'organisation de leur temps de travail », tels sont les nouveaux credo de la majorité dans sa lutte effrénée contre les 35 heures. Monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, que ne feriez-vous pas pour les remettre en cause !
Il est vrai que modifier la durée légale du temps de travail est impossible tant les sondages démontrent que les Français sont attachés aux 35 heures. Alors vous procédez de manière insidieuse, en multipliant les textes assouplissant les dispositions des lois Aubry.
Vous avez commencé avec la loi Fillon du 17 janvier 2003, qui est une première remise en cause des 35 heures, en faisant disparaître - l'exemple est significatif - les incitations à la baisse de la durée du travail.
Mais l'anéantissement des 35 heures ne devait pas en rester là : le patronat et le Gouvernement exigeaient davantage d'assouplissements afin que les salariés puissent gagner plus en travaillant plus.
Les chômeurs doivent être ravis d'entendre que toute idée de véritable plan d'aide de retour à l'emploi en leur faveur est abandonnée puisque des centaines de milliers de salariés se retrouveront obligés - je dis bien « obligés » - de faire des heures supplémentaires. La loi de 1998 sur les 35 heures avait pour objectif de créer des emplois, et c'est ce qui s'est produit. En augmentant toujours plus le contingent d'heures supplémentaires autorisées, vous ne favorisez pas le retour à l'emploi des chômeurs.
Ensuite, votre notion de « temps choisi » est tout simplement une escroquerie. M. Souvet s'aventure à affirmer dans son rapport qu'« il n'est pas question d'obliger ces salariés à travailler plus » ; c'est bien la preuve que la majorité sénatoriale est à des années-lumière de la réalité de la vie en entreprise !
Aucun salarié ne dispose de la liberté de choisir son temps de travail, ses horaires de travail et, a fortiori, sa rémunération.
Etant donné la situation économique de la France et l'insécurité sociale permanente, due en partie à un niveau de chômage élevé, le rapport de force entre les salariés et l'employeur est et restera toujours inégal. Les salariés seront dans l'incapacité de refuser toute augmentation de leur temps de travail et ils ne prendront pas le risque de se faire licencier.
Cette proposition de loi ne revient évidemment pas sur les liens de subordination entre le salarié et l'employeur. Ses dispositions sont donc biaisées et constitueront un nouveau facteur d'accroissement de l'insécurité sociale, qui est déjà très grande : le temps choisi deviendra très vite le temps imposé !
En réalité, les assouplissements proposés, présentés comme avantageux pour les salariés, le seront uniquement pour les employeurs.
Les salariés sont en majorité favorables aux 35 heures et les RTT représentent un acquis social important. Pourtant, ce texte poursuit le travail commencé par la loi Fillon de 2003 : nous assistons en effet à un effacement quasi total de la valorisation du temps au profit de la valorisation en argent. C'est le principe de l'article 1er, article qui modifie fondamentalement la philosophie du compte épargne-temps, puisque celui-ci pourra être intégralement monétisé.
Il est donc illusoire de croire qu'avec cette réforme les salariés vont pouvoir gagner plus sans que leurs droits soient, une fois de plus, remis en cause.