Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 2 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Monsieur le vice-président de la commission des affaires sociales, je vous remercie infiniment de la courtoisie que vous avez manifestée en nous informant cette nuit de votre décision de modifier l'organisation de nos débats. Il se trouve toutefois que nous nous étions préparés à défendre dès maintenant, d'entrée de jeu, nos amendements tendant à insérer des articles additionnels avant l'article 1er. Mais croyez bien que la modification de l'ordre d'appel des amendements ne nous empêchera sûrement pas de nous exprimer comme nous l'entendons.

L'article 1er de la proposition de loi qui nous est soumise transforme profondément la nature même du compte épargne-temps. On peut dire qu'après le vote de la loi Fillon de janvier 2003 et celui du présent texte, il ne restera rien des motifs qui avaient présidé à la création du compte épargne-temps.

Je rappelle que c'est la loi du 25 juillet 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise qui a créé le compte épargne-temps, afin de favoriser la gestion du temps du salarié sur plusieurs années.

Les lois Aubry ont permis de diversifier les sources d'alimentation du compte épargne-temps, notamment d'y affecter une partie des jours de repos issus d'un accord de réduction du temps de travail.

Les modalités d'utilisation ont aussi été diversifiées, notamment pour la rémunération du temps de la formation qui est réalisée hors temps de travail effectif, point qui a été rétabli par un amendement de nos collègues députés socialistes. Etaient également prévues, pour tenir compte de la réalité des difficultés vécues par les salariés, les possibilités de financer par le compte épargne-temps un congé pour accompagner un enfant handicapé ou un temps partiel lors d'un congé parental. La cessation progressive d'activité en faisait aussi partie.

C'est la loi de 2003 qui a introduit le changement de nature du compte épargne-temps, en mettant en place la monétisation de ce dernier. II s'agissait évidemment d'une première étape, préparant ce qui nous est présenté aujourd'hui.

Depuis cette loi, le compte épargne-temps peut être alimenté en argent sans qu'il soit besoin de le convertir en temps. Le texte affirme d'ailleurs clairement que les droits affectés au compte épargne-temps sont utilisés en premier lieu pour compléter la rémunération du salarié. Les possibilités d'utilisation en temps demeurent. Il n'est évidemment pas possible de les faire disparaître d'un coup. Mais l'orientation est totalement modifiée.

Le compte épargne-temps est donc devenu un simple instrument de placement, un compte d'épargne, à ceci près qu'il n'est pas géré par un organisme financier, tout au moins pour le moment.

Nous sommes en présence d'une transformation radicale puisque l'on passe d'une monétisation possible à une épargne monétaire encouragée. Pour que l'opération soit intéressante à la fois pour l'employeur et pour les organismes extérieurs qui prendront en charge la gestion du compte épargne-temps, toutes les barrières sautent, que ce soit en quantité ou en durée.

Outre que les placements sur le compte épargne-temps se feront désormais sur l'initiative de l'employeur, il ne faut pas nourrir d'illusions sur les incitations patronales à déposer les augmentations de salaires sur le compte épargne-temps pour en faire de la rémunération virtuelle. Même la limite d'utilisation dans les cinq ans, qui avait été maintenue par la loi Fillon, disparaît aujourd'hui. Il est vrai qu'elle constituait un obstacle à la transformation du compte épargne-temps en épargne retraite.

Ce qui était conçu au départ dans une perspective humaniste, pour permettre au salarié d'organiser dans la durée la gestion et la maîtrise de son temps, devient un élément de maîtrise, par l'employeur, à la fois du temps et de la rémunération du salarié. Voilà une inversion des valeurs à laquelle nous ne pouvons souscrire.

Le salarié est dépossédé de la maîtrise de son temps et même de la maîtrise d'une partie de sa rémunération. Il ne dispose plus d'aucune garantie sur le devenir de ce qui lui aura été ainsi soustrait.

Nous demandons donc la suppression de l'article 1er.

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