Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 2 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

Dans un article fort intéressant paru dans la revue Droit social de septembre 2002 et consacré à la prise en compte de la vie familiale du salarié dans les normes légales et conventionnelles du travail, Alexia Gardin développe l'idée de « temps choisi », pour le présent et pour l'avenir, afin de relativiser certaines mesures contenues dans notre législation sociale et censées accorder au salarié « un véritable pouvoir de détermination de la durée de son travail ».

Si l'idée de choix individuel sous-tend le droit individuel au temps partiel, la pratique des horaires individualisés ou la prise de jours de repos consécutifs à la RTT en vertu du choix du salarié, concrètement, chaque salarié est très loin de maîtriser son temps de travail.

S'agissant plus particulièrement du compte épargne-temps instauré par la loi de 1994 relative à l'amélioration de la participation des salariés dans l'entreprise et conçu initialement comme un « nouvel outil de gestion pluriannuelle et individualisée du temps », l'auteur remarque que, « si l'acquisition d'un droit de créance se trouve bien organisée, surtout depuis les lois de 2000 et 2001, qui ont notamment élargi les sources d'alimentation de la créance, le régime de cette dernière peut, sur certains aspects, faire douter de son inscription au rang des manifestations du temps choisi ».

Mes chers collègues, en allant bien au-delà de la simplification et de la rénovation du compte épargne-temps, l'article 1er détourne cet outil de son objet. Il pervertit un concept pour mieux flexibiliser le temps de travail et la relation de travail. Or cette flexibilité dépossède justement le salarié de toute sécurité sur son temps.

En fin de compte, comme l'ont déploré les représentants des syndicats devant la commission des affaires sociales, le compte épargne-temps devient une « arme contre le salarié lui-même. »

Que faites-vous de ce dispositif ?

Priorité est d'abord donnée à une utilisation du compte épargne-temps en argent. Cette monétisation sert non pas le pouvoir d'achat des salariés, mais le financement supplémentaire des retraites, retraites que vous savez plombées par la capitalisation à l'oeuvre depuis votre pseudo réforme. C'est un premier motif fort de rejet de cet article.

En outre, vous renforcez les possibilités de détournement de la durée légale du travail, ce qui joue de façon évidente contre l'emploi et contre la santé et la sécurité des salariés, déjà soumises à rude épreuve par l'intensification du travail.

Par ailleurs, cet article alibi que promeut un slogan mensonger, « travailler plus pour gagner plus », torpille insidieusement toute possibilité pour l'ensemble des salariés de bénéficier d'une vraie politique salariale.

La démarche est la même que celle qui pousse à la multiplication des primes et autres accessoires de salaire.

Tout donne à craindre que, demain, les employeurs ne prennent prétexte du fait qu'ils abondent les comptes épargne-temps pour se dispenser d'augmenter les salaires.

Nous reviendrons ultérieurement, au fil des amendements, sur d'autres aspects plus pratiques qui nous inquiètent également, notamment la transférabilité des droits et la garantie des créances par l'association pour la gestion du régime d'assurance des créances des salaires, l'AGS.

Pour l'heure, je vous invite, mes chers collègues, à voter notre amendement tendant à la suppression de l'article 1er.

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