Cet amendement porte sur le forfait jours.
Le moins que l'on puisse dire est que la question de la réduction du temps de travail se pose dans des termes tout à fait particuliers pour les personnels dont il est relativement difficile de déterminer l'horaire effectif de travail du fait même de la nature de leur activité et de l'organisation de leurs tâches.
Ce problème a été, de notre point de vue, mal résolu par les dispositions des lois Aubry relatives au forfait jours des salariés cadres.
Permettez-moi de rappeler les termes du paragraphe II de l'article L. 212-15-3 du code du travail : « Lorsque la convention ou l'accord prévoit la conclusion de conventions de forfait en heures sur l'année, l'accord collectif doit fixer la durée annuelle de travail sur la base de laquelle le forfait est établi, sans préjudice du respect des dispositions des articles L. 212-1-1 et L. 611-9 relatives aux documents permettant de comptabiliser les heures de travail effectuées par chaque salarié. La convention ou l'accord, sous réserve du respect des dispositions des articles L. 220-1, L. 221-2 et L. 221-4, peut déterminer des limites journalières et hebdomadaires se substituant à celles prévues au deuxième alinéa des articles L. 212-1 et L. 212-7, à condition de prévoir des modalités de contrôle de l'application de ces nouveaux maxima conventionnels et de déterminer les conditions de suivi de l'organisation du travail et de la charge de travail des salariés concernés. »
A notre avis, ces dispositions recèlent plusieurs problèmes qui méritent d'être relevés et résolus.
Tout d'abord, faculté est laissée aux employeurs de s'accorder sur des forfaits annualisés, avec tout ce que cela implique en termes d'organisation du travail pour les salariés cadres concernés. Cela signifie, par exemple, qu'un cadre de l'industrie agroalimentaire, notamment dans la confiserie ou la pâtisserie, se trouvera confronté à une surcharge d'activité pendant les périodes de l'année où la demande de la clientèle est particulièrement forte. Et nous ne parlons pas du secteur de l'hôtellerie et de la restauration où la saison d'été entraîne bien souvent, y compris à Paris, des dépassements d'horaires significatifs !
Dans les faits, l'annualisation des horaires, c'est tout sauf la réduction du temps de travail ; ce n'est que l'alternance entre des heures supplémentaires maquillées en heures « normales » pendant les périodes de forte activité et un chômage technique maquillé en heures de repos qui sont en fait quasiment imposées.
Ensuite, nous observons que les horaires des personnels d'encadrement s'adaptent aux seules contraintes nées de l'organisation même des entreprises, ce que permet notamment le principe de dépassement des horaires conventionnels.
En clair, cela signifie qu'un employeur qui se refuse à embaucher le personnel compétent peut être amené à imposer des horaires d'amplitude variable, en l'espèce à la hausse, à ses salariés forfaitisés, moyennant le vague respect de quelques limites ou normes fixées par le domaine réglementaire.
Comment ne pas voir là l'une des raisons qui font que, aujourd'hui, les trois quarts des cadres estiment vivre une intensification des tâches qui leur sont demandées, près des quatre cinquièmes ont le sentiment d'une plus grande complexité de leur mission, la moitié sont contraints de travailler le samedi, le quart de travailler le dimanche et le dixième de travailler la nuit, c'est-à-dire bien plus que la proportion de cadres tenus aux horaires « normaux » de la production, notamment dans les grandes unités industrielles ?
L'annualisation du forfait horaire des cadres, telle qu'elle est permise par le premier alinéa du II de l'article L. 212-15-3 du code du travail, doit donc être rejetée sans appel. C'est le sens de cet amendement.