Intervention de Yves Coquelle

Réunion du 2 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Yves CoquelleYves Coquelle :

La question du travail de nuit est l'une des questions récurrentes, c'est le moins que l'on puisse dire, en matière d'organisation du temps de travail. On peut même se demander en vertu de quoi aucune disposition du présent texte ne porte sur ce problème très spécifique, qui constitue, à n'en pas douter, l'un des enjeux déterminants d'une véritable réforme de l'organisation du temps de travail.

Il est important, selon nous, de réparer cet oubli en insérant, au coeur de l'article 1er de la présente proposition de loi, des dispositions portant sur cette question majeure.

Nous prendrons pour base de notre réflexion une étude fort intéressante de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, laquelle est rattachée au ministère de l'emploi, du travail et de la cohésion sociale.

Publiée au mois de décembre dernier, cette étude intitulée L'Exposition aux risques et aux pénibilités du travail de 1994 à 2003 nous offre une mise en perspective toujours utile sur ces questions.

Les chiffres en matière de travail de nuit sont particulièrement édifiants.

En effet, si l'on s'en tient à la plage horaire minuit-cinq heures du matin, on constate que le recours au travail de nuit s'accentue : 12, 7 %des salariés, contre 11, 7 % précédemment, travaillent de nuit, fût-ce de manière occasionnelle. Au demeurant, compte tenu de l'étroitesse de la plage horaire retenue, il faut supposer que les chiffres globaux sont bien plus importants.

Ce mouvement affecte tous les secteurs d'activité.

Dans l'industrie, la proportion des salariés travaillant de nuit est passée de 15, 7 % à 18, 8 % de 1994 à 2002.

Dans le secteur de la construction - on peut toujours se demander comment on peut travailler la nuit dans ce secteur ! -, elle est passée de 5, 3 % à 5, 4 %.

Dans le tertiaire, le mouvement est similaire puisqu'on est passé de 10, 8 % à 11, 2 %.

Ce n'est pas une surprise : c'est dans le secteur industriel que le recours au travail de nuit est le plus développé et qu'il progresse le plus, touchant désormais près d'un salarié sur cinq. Cadres, employés, ouvriers, tous les salariés sont concernés par cette augmentation de la fréquence du travail de nuit. Ainsi, un cadre sur dix travaille la nuit, comme un sur deux travaille le samedi et un sur quatre le dimanche.

Mais la progression la plus sensible concerne les ouvriers qualifiés, qui sont plus de 21 % à travailler la nuit.

L'étude précise en outre que le travail de nuit « continue de se développer dans l'industrie, pour les ouvriers hommes -plus 2 points - et surtout les ouvrières qualifiées - plus 6 points - et non qualifiées - plus 4 points ».

Ces chiffres ne sont-ils pas la meilleure illustration de l'inanité de certains des attendus de la présente proposition de loi ?

Ainsi, les Français travailleraient moins, ce qui nuirait à la croissance et leur donnerait la mauvaise idée de vouloir profiter de leurs loisirs plutôt que de contribuer à l'activité économique !

La vérité, c'est que les horaires de travail, quand bien même ils seraient réduits en moyenne, ont profondément changé de forme : le recours aux horaires décalés, à la banalisation des samedis et des dimanches et au travail posté - parce qu'il faut faire tourner les « bécanes », fût-ce au prix de la santé des salariés et de la vie des familles ! - s'applique bien plus largement que par le passé et tend à devenir la règle.

Il est donc évident que nous ne pouvons nous dispenser, dans le cadre de la discussion de cette proposition de loi portant réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise, de mesures spécifiques concernant le travail de nuit et sa pénibilité particulière.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion