Cet amendement de réécriture du second alinéa de l'article L .213-3 du code du travail porte sur la question de la gradation des accords en matière de règles conventionnelles relatives au travail de nuit.
Comme nous avons pu le souligner, l'un des défauts majeurs de l'article L. 213-3 dans sa rédaction actuelle, comme d'ailleurs de l'ensemble des dispositions relatives au travail de nuit, est de rendre possible toute dérogation fondée sur une appréciation par rapport à l'activité de l'entreprise.
La fameuse continuité de l'activité économique, qu'on l'habille ou non de je ne sais quels oripeaux, n'est que l'illustration d'un étrange principe, de plus en plus présent dans notre code du travail, qui consiste à en moduler l'application en fonction du mode même de fonctionnement de chaque entreprise, au détriment des droits des salariés.
La continuité de l'activité économique, c'est l'utilisation maximale de la capacité de production, c'est l'allongement maximal de la durée du travail, c'est l'apparente optimisation de la productivité de chaque salarié. En fait, c'est la restauration du taux de profit dans les délais les plus brefs.
Quand on déroge à la durée maximale quotidienne du travail pour les salariés travaillant la nuit, en invoquant des motifs techniques, des contraintes prétendument inhérentes à telle ou telle profession, à tel ou tel secteur d'activité, ce n'est pas autre chose que l'on vise. Et tant pis, bien sûr, pour la santé des salariés ! Tant pis aussi pour l'emploi, qui fait souvent les frais de cette organisation pour le moins discutable des horaires de travail imposés à chaque salarié.
L'existence du travail de nuit, considérée comme incontournable lorsqu'on travaille au moins 270 heures par an aux horaires concernés, impose, de manière tout à fait naturelle, que les règles essentielles - durée, amplitude horaire, application - ne puissent être définies dans le cadre d'accords dont la portée serait limitée à un établissement ou à une entreprise.
C'est pourquoi nous préconisons que ce soit, en repli sur notre position antérieurement exprimée, au niveau de l'accord de branche étendu que soient fixées ces caractéristiques essentielles du travail de nuit, et que par conséquent toute dérogation ne soit pas possible à un niveau inférieur à la branche professionnelle.
Nous l'avons indiqué, ce que recèlent ces possibilités de dérogation, c'est une forme de balkanisation du code du travail.
La dérogation, c'est aussi le dumping social, le moins-disant devenant un facteur de création de profit au détriment des salariés, et donc un facteur de concurrence déloyale envers les entreprises plus respectueuses d'une certaine éthique.
Qu'on le veuille ou non, s'il y a obstacle au développement de l'emploi dans un secteur comme l'hôtellerie-restauration ou dans la plupart des métiers de bouche, c'est parce qu'il y a loin de la coupe aux lèvres quand on parle salaires, conditions de travail, travail de nuit, pénibilité et tutti quanti.
A force de trop tirer sur la corde, elle finit par se rompre, dit la sagesse populaire.
En matière de droit du travail, il en est souvent ainsi, et c'est bien pourquoi nous ne pouvons que vous inviter à adopter cet amendement.