La suppression de l'extension qui est devenue la règle pour les accords de branche constitue un motif d'inquiétude supplémentaire.
Je rappelle que l'extension a pour effet de rendre obligatoire l'application d'une convention de branche ou d'un accord professionnel ou interprofessionnel par tous les employeurs entrant dans le champ professionnel ou territorial de l'accord, sans considération d'appartenance aux organisations signataires ou adhérentes.
Cette suppression marque le désengagement de la puissance publique par rapport au droit du travail, qui cesse d'ailleurs progressivement d'être un droit fondé sur des règles précises, connues de tous et applicables à tous, même à l'intérieur d'une branche professionnelle. Il devient un objet de négociation permanente, à tous niveaux, où toutes les dérogations sont autorisées pourvu que l'on ne franchisse pas des maxima conçus le plus largement possible afin de ne pas gêner l'entreprise, ce terme ne recouvrant d'ailleurs pour vous que le seul employeur et non la communauté de travail que doit être une entreprise pérenne.
Le droit du travail est dorénavant une législation flottante, d'autant plus flottante que, depuis 2003, il est possible de déroger à la loi par simple accord d'entreprise.
A quoi servirait-il, dans ces conditions, d'embarrasser l'administration, qui doit elle-même se préoccuper avant tout de supprimer des emplois de fonctionnaires, avec des décisions d'agrément ou d'extension ? L'objectif financier rejoint ici la volonté politique.
II pourrait sembler étrange de ne plus entendre le MEDEF, plus prolixe en d'autres temps sur ce sujet, invoquer l'insécurité juridique que crée cette situation. Le MEDEF faisait alors référence à ce qu'il considérait comme une pénalisation excessive, une judiciarisation rampante du droit du travail. L'employeur risquait ainsi de se retrouver devant les tribunaux, ce qui, était plus qu'inacceptable, simplement inenvisageable !
Il est vrai qu'il ne s'agissait alors que de broutilles comme le délit d'entrave, le travail dissimulé, le harcèlement, l'obstacle à l'intervention de l'inspecteur du travail ou la mise en danger d'autrui.
C'est pourtant un dumping social systématisé entre les entreprises, voire entre les salariés d'une même entreprise, qui va s'installer. Nous allons vers un système que l'on pourrait dénommer ainsi : « une entreprise, une loi ».
Sur quelle base les tribunaux saisis - et nous craignons qu'il n'y ait matière à ce qu'ils le soient - vont-ils juger au milieu de ce fatras que vous institutionnalisez délibérément ?
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous demandons que là où au moins un accord de branche aura lui-même, en vertu de la loi de 2003, fixé son champ de validité, l'extension demeure la règle.