Cet amendement a pour objet de préciser les conditions de rémunération des périodes de repos ou de congé non prises. Ces jours devront être rémunérés sur la base du salaire pérenne, complété par les majorations applicables aux heures de travail supplémentaire.
Cet amendement est plus qu'utile puisque la proposition de loi dont nous débattons ne prévoit, dans son article 1er relatif au compte épargne-temps, aucune majoration des jours de RTT transformés en salaire, ce qui, en fin de compte, équivaut à une diminution du salaire horaire.
Avec cette réforme, le compte épargne-temps va être étendu à un nombre plus important d'entreprises et pourra être alimenté quasiment sans limites. Les jours économisés pourront ainsi être utilisés soit en congé, soit en rémunération immédiate ou différée - épargne d'entreprise ou épargne retraite.
Or le fait de troquer les RTT et les congés contre une poignée d'euros signifierait la fin de la diminution du temps de travail. L'ensemble des dispositifs de « détricotage » de la loi Aubry et la suppression d'un jour férié permettent de faire désormais travailler les salariés plus longtemps qu'avant le passage aux 35 heures.
De plus, l'employeur aura la possibilité d'inscrire unilatéralement sur ce compte épargne-temps, au-delà des heures supplémentaires, des primes, voire des augmentations de salaire.
Pis encore : cette proposition de loi introduit une novation contraire à la liberté de choix du salarié, puisque le compte épargne-temps pourra être alimenté sur l'initiative de l'employeur, alors que, jusqu'à présent, il ne l'était que sur l'initiative du salarié !
C'en est donc fini de la notion de temps choisi, ce qui, je tiens à le souligner, est particulièrement préjudiciable aux femmes, et ce en dépit des déclarations sur les droits des femmes de Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle ou des propos tenus tant par M. le Président de la République lui-même que par la présidente de la délégation aux droits des femmes du Sénat. Les dispositions prises sont, hélas, loin d'aller dans ce sens !
Ce texte prévoit, en effet, qu'en cas de variation de l'activité, l'employeur pourra décider d'affecter au compte épargne-temps du salarié des heures effectuées par ce dernier au lieu de les lui rémunérer selon les règles applicables aux heures supplémentaires En somme, le salarié sera obligé de travailler selon les variations de l'activité tout en n'étant que virtuellement payé !
L'objectif réel de ce texte, comme nous le rappelons depuis plusieurs heures, est de faire travailler plus pour gagner moins, afin de diminuer les coûts et de lisser les variations d'activité au jour le jour.
Nous étions déjà réservés sur le principe même du compte épargne-temps en tant qu'il représentait une RTT à crédit et donc des créations d'emplois à crédit. Toutefois, il s'agissait d'une forme de compensation à raison des heures supplémentaires effectuées par les salariés.
Vous prévoyez maintenant le rachat du temps ainsi épargné. En d'autres termes, il n'y aura plus de RTT du tout !
Vous rendez-vous compte que vous êtes en train de proposer aux salariés de conclure des accords selon lesquels ils devront faire des heures supplémentaires qui leur seront payées plus tard ?
Le nouveau contrat épargne-temps devient, de par cet article 1er, un outil permettant de différer et d'annuler les repos liés à la réduction du temps de travail à 35 heures, ainsi que les repos compensateurs liés aux heures supplémentaires, sans garantir leur rémunération horaire et majorée.
Vous tentez de faire croire aux salariés qu'ils vont devoir renoncer à des droits au repos qui leur sont acquis et rémunérés - compte épargne-temps - en échange d'une augmentation illusoire de leur pouvoir d'achat.
Illusoire, parce qu'ils peuvent d'ores et déjà faire des heures supplémentaires majorées de 25 % ; nous aurons d'ailleurs l'occasion de revenir sur cette majoration, que vous avez ramenée à 10 %.
Illusoire, parce qu'ils ne bénéficieront même pas de cette majoration pour heures supplémentaires chaque fois que celles-ci auront été effectuées et transférées, sur l'initiative de l'employeur, sur le compte épargne-temps.
Illusoire enfin, parce que, dès que vous prévoyez des majorations, celles-ci dépendent d'une négociation susceptible de les fixer à un seuil inférieur à ce qui était initialement prévu par la loi, soit 25 %.
Ainsi, en transformant le CET en pure épargne, mais en restant muet sur la façon dont vont être rémunérées les heures déposées sur ce compte, vous nous ramenez au débat sur la Constitution européenne, laquelle aboutira à un nivellement au plus bas de ce qui existe en matière de législation du travail.
J'aurais aimé m'adresser à mes collègues de la majorité sénatoriale pour leur demander de voter cet amendement, mais ils ne sont que six en séance ! Et aucun d'eux n'intervient, il n'y a pas de débat !