Depuis le début du débat, nous nous employons à montrer à quel point le slogan « travailler plus pour gagner plus » est un mot d'ordre démagogique et mensonger. Cet amendement fournit une preuve supplémentaire de ce que nous avançons. Les modifications que vous apportez, dans l'article 1er de ce texte, à l'article L. 227-1 du code du travail nous éclairent sur le vrai sens de votre slogan : il s'agit en réalité de « faire travailler plus pour gagner plus ».
Les huitième et neuvième alinéas du paragraphe I de l'article 1er traitent, entres autres, des mécanismes d'exonération que vous avez habilement mis en place et qui sont bien plus favorables à l'employeur et à l'entreprise qu'au salarié.
En effet, votre dispositif est conçu de telle sorte que l'employeur pourra affecter des éléments au compte épargne-temps - des heures supplémentaires ou des éléments de rémunération - pour les transférer ensuite, de sa propre initiative, sur un plan d'épargne collective. Alors que le salarié n'aura rien décidé, l'employeur bénéficiera d'un double avantage : une exonération de cotisations sociales et une réduction de l'assiette de l'impôt sur les sociétés, puisqu'il pourra retirer de l'assiette de l'impôt sur les sociétés les éléments correspondants au dispositif.
En somme, grâce à une manoeuvre facile et légale, l'employeur pourra recourir à un véritable « blanchiment » des heures supplémentaires puisqu'il ne paiera pas ces dernières et qu'en plus il ne paiera ni les cotisations sociales ni l'impôt sur les sociétés qui est dû au titre de ce dispositif.
Vous mettez ainsi définitivement fin à la raison sociale du compte épargne-temps, à savoir une épargne de temps décidée par le salarié pour se mettre à un moment donné en retrait du marché du travail, pour pouvoir organiser sa vie différemment.
Avec cette proposition de loi, le CET ne sera bientôt plus qu'un simple compte d'épargne. Il ne s'agira plus alors que d'organiser le recours à une épargne individuelle ou à une épargne collective pour préparer la retraite, mais dans des conditions telles qu'elles n'auront plus rien à voir avec la réduction du temps de travail ou avec la question du temps stocké.
Finalement, le salarié ne décide rien : les rémunérations, les jours de repos ou de repos compensateur sont transférés sur des comptes dont la rémunération lui sera garantie plus tard. L'employeur, quant à lui, bénéficie immédiatement de la non-majoration de l'heure supplémentaire, de l'exonération de cotisations sociales et de la réduction de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
Qui plus est, la question des conditions de liquidation des droits salariaux accumulés sur le compte épargne-temps reste en suspens.
Si ces droits étaient calculés en fonction de leur valeur au jour non pas de la liquidation mais de l'affectation, sans indexation sur l'évolution des taux d'intérêt, cela représenterait une dépréciation des droits acquis immobilisés sur ce compte, parfois d'ailleurs contre la volonté des salariés, puisque l'argent peut être dirigé d'une manière directive vers le compte épargne-temps.
Quelles seront donc les conditions de sortie de ce compte ? La réponse à cette question devra théoriquement être fournie par l'accord collectif, dites-vous.
Mais, avec la loi Fillon, vous avez inversé l'ordre des normes en matière d'accord collectif et fait de l'exception la règle.
Par ce texte, vous imposez au salarié la gestion de son CET par l'employeur et vous n'offrez aucune garantie sur les conditions de liquidation de ce dernier.
Bien évidemment, nous demandons la suppression de ces dispositions aux termes desquelles ce sont les salariés qui font crédit à l'employeur.