Cet amendement a pour objet de proposer la suppression du huitième alinéa de l'article L. 227-1, lequel est consacré aux modalités de gestion du compte épargne-temps.
Avec la loi Fillon de 2003, le caractère hybride du compte épargne-temps a été amorcé grâce à une alimentation diversifiée. Aujourd'hui, on ne peut faire disparaître totalement son caractère de salaire, mais on peut poursuivre le glissement entamé pour en faire un instrument d'épargne salariale. Ce faisant, le patronat s'efforce de dégager les sommes et le temps placés sur le compte épargne-temps des contraintes liées à la législation sur les salaires.
Pour éviter tous ces désagréments et les transformer en avantages pour l'employeur, des mécanismes existent déjà : je pense notamment à l'externalisation du compte épargne-temps.
Ce système existe depuis l'année 2000, au profit des employeurs désireux de se débarrasser de la gestion administrative et comptable du compte épargne-temps.
Par des études de gestion actuarielle, on a su très vite calculer les provisions à intégrer chaque année au bilan. Dès qu'un salarié épargne des jours, la contrepartie financière, à la fois pour les salaires et les cotisations, est versée au gestionnaire extérieur qui fait fructifier la somme. Avantage : les intérêts financiers sont utilisés pour couvrir l'évolution du passif.
Ce système rudimentaire a été perfectionné dans l'objectif de « faire fructifier l'épargne stockée. Le but est notamment de compenser l'évolution des salaires dans l'entreprise par des plus-values », comme on peut le lire dans le numéro de Liaisons sociales du 8 juillet 2003.
Depuis deux ans environ, des groupes de prévoyance et de retraite, déjà actifs dans le domaine de l'épargne salariale, se sont engouffrés dans ce marché. Deux modes de gestion sont en général proposés : le fonds collectif géré par le groupe pour les engagements de fin de carrière et une gestion basée sur des fonds communs de placement, y compris à caractère spéculatif.
Les divers témoignages recueillis dans la presse spécialisée sont concordants : l'externalisation permet d'économiser sur la gestion, mais surtout - je cite de nouveau le même numéro de Liaisons sociales - « d'assurer un placement financier avec une certaine rentabilité qui permet de combler l'écart entre le moment où le salarié dépose son jour de RTT et celui où il le récupère (...) Les plus-values contrebalancent la hausse des rémunérations et au-delà en cas de gel (...) De plus, en passant un contrat d'assurance (avec une rentabilité de 5 %) pour les provisions, celles-ci sont totalement déductibles pour l'entreprise (...) L'une des idées à retenir serait de transformer les avoirs du CET vers un plan retraite à long terme ». Nous y sommes !
Conçu ainsi, le compte épargne-temps est un double jackpot pour l'employeur : les salaires sont captés pour en faire un outil financier au seul bénéfice réel et certain des employeurs et des sociétés financières qui sont leurs partenaires.
Le discours dominant est bien connu, notamment dans le milieu patronal. On nous vante les mérites de ces valeureux chefs d'entreprises qui prennent tant de risques pour faire avancer l'économie. La réalité est bien différente : en l'occurrence, c'est le salarié seul qui prend tous les risques.