Intervention de Raymonde Le Texier

Réunion du 2 mars 2005 à 15h00
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Raymonde Le TexierRaymonde Le Texier :

Notre amendement a pour objet de faire en sorte que le plafond de garantie salariale, fixé par l'Association pour la garantie des salaires gérée par les employeurs, ne puisse être opposé au salarié sur la valeur de ses droits acquis sur le compte épargne-temps.

A ce sujet, je ferai un bref retour en arrière.

Voilà quelques mois, M. Seillière a informé la presse que l'AGS connaissait de grandes difficultés financières. Il a indiqué que ces difficultés étaient dues au comportement de certains dirigeants d'entreprise qui, voyant venir un plan de licenciements ou une délocalisation, proposaient à leurs cadres une augmentation et s'en octroyaient parfois une pour eux-mêmes. Voilà un moyen judicieux de faire endosser à l'AGS les indemnités qu'ils n'auront pas à verser !

Je rappelle tout de même que nul ne peut invoquer ses propres turpitudes et que, après tout, c'est bien l'une de ces réjouissantes « petites ironies de la vie », comme aurait écrit Thomas Hardy, que de voir M. Seillière pris à son propre piège des licenciements et des délocalisations !

Le plafond de l'AGS a donc été substantiellement abaissé pour combattre ces pratiques douteuses.

Cependant, le MEDEF a omis d'indiquer qu'il avait « dans les tiroirs » le texte de la présente proposition de loi. Les conséquences peuvent en être périlleuses pour l'AGS, car on peut redouter une véritable explosion des possibilités de créance. En effet, si l'utilisation du compte épargne-temps est excessive, comment, en cas de sinistre, seront financés les salaires différés qui y seront affectés ?

A l'Assemblée nationale, la question a été abordée dans un flou total, lequel n'a pas été entièrement dissipé puisqu'elle a été simplement évoquée « au fil de l'eau », pourrait-on dire, au cours d'une discussion « en direct » entre le rapporteur et le ministre.

Finalement, , il reste que l'AGS ne modifiera pas le plafond de garantie, qui a été si opportunément modifié en 2004. Cette solution simple avait pourtant la préférence du rapporteur, mais pas celle du MEDEF.

Vous avez déclaré, monsieur le ministre, qu'une assurance devrait être souscrite par les employeurs au-delà d'un certain montant de droits affectés aux comptes épargne-temps. Le montant de 600 000 euros a été évoqué, ce qui paraît considérable pour de petites entreprises.

Au demeurant, si l'on passe sur ce point, on ne peut passer sur l'imprécision du dispositif proposé et sur les questions suivantes : jusqu'où ira exactement la garantie de l'AGS sur les salaires différés ? Auprès de qui l'assurance sera-t-elle souscrite ? Quand sera-elle opérationnelle ? Sera-t-elle obligatoire ? Un fonds sera-t-il créé pour financer les conséquences des sinistres ? Quelle sera l'influence des gestionnaires de ce fonds sur les modalités de gestion des comptes épargne-temps ? Les partenaires sociaux y seront-ils, d'une manière ou d'une autre, représentés ?

Aucune réponse précise à ces questions ne transparaît des débats de l'Assemblée nationale, ce qui est le triste reflet des intentions des auteurs de la proposition de loi que vous suivez, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels les personnages en procession de La parabole des aveugles peinte par Bruegel.

On avance en marchant, l'essentiel étant manifestement de mettre en place le « siphonage » d'une partie des salaires, pour économiser sur les cotisations et les impôts, et les transformer en épargne retraite. La garantie élémentaire due aux salariés, à savoir qu'ils retrouvent leur salaire à la sortie du compte épargne-temps, est, à l'évidence, la partie de ce texte qui a le moins préoccupé ses auteurs.

Dans le doute et l'incertitude, nous proposons donc cet amendement de sauvegarde.

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