Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Pour étayer notre argumentation et convaincre le Sénat de voter cet amendement de notre groupe, nous ne pouvons que revenir rapidement sur quelques éléments fournis par une récente enquête d'opinion effectuée auprès d'un échantillon représentatif de personnels d'encadrement.

Cette étude a été réalisée par la Confédération générale des cadres, organisation syndicale représentative, disposant encore aujourd'hui de la plus forte audience au sein de ces personnels. Elle est d'ailleurs faite de manière régulière depuis plusieurs années et ses résultats illustrent assez bien la situation des cadres, comme la manière dont ils perçoivent aujourd'hui leur place et leurs fonctions dans l'entreprise.

Selon cette étude, les cadres se sentent aujourd'hui plus stressés qu'auparavant, parce qu'ils sont soumis à des pressions plus fortes de rendement, de responsabilités, de productivité. Ce sentiment de stress, largement répandu, trouve plusieurs origines.

La première réside dans l'impression de ne pas disposer d'assez de temps pour accomplir les tâches et les fonctions qui sont confiées au personnel d'encadrement. En effet, seuls 39 % des cadres estiment suffisant le temps qui leur est laissé pour s'acquitter de leurs missions.

Dans le même ordre d'idée, 84 % des cadres s'estiment aujourd'hui victimes d'une accentuation de l'intensité de leur travail et d'un raccourcissement évident des délais de production. Certes, les outils dont ils disposent aujourd'hui pour accomplir certaines de leurs tâches - je pense en particulier aux nouvelles technologies de l'information et de la communication - favorisent à la fois la dématérialisation des tâches et leur exécution plus rapide, mais le sentiment d'intensification du travail est là et ne peut procéder, eu égard aux proportions atteintes, d'une seule « impression générale » fondée sur l'expérience concrète et pragmatique des choses.

Le « toujours plus » est une constante de la stratégie de gestion des ressources humaines du personnel d'encadrement, telle qu'elle est conçue par les entreprises. De fait, 79 % des cadres ont le sentiment que la charge de travail dont ils sont porteurs est plus importante que par le passé et qu'elle devient plus complexe, puisque les trois quarts des personnels d'encadrement ont le sentiment, qu'ils vivent au quotidien, d'être régulièrement interrompus dans leur travail, avec tout ce que cela implique quant à l'impossibilité pour eux de répondre aux objectifs qui leur sont assignés par ailleurs.

La réalité vécue par le personnel d'encadrement n'est donc pas aussi positive que certains le laissent penser.

Valider, comme le prévoit la proposition de loi, le principe de l'accumulation des jours de repos non pris sur le compte épargne-temps, sans limite ni prise en compte du droit à la réduction du temps de travail, c'est ni plus ni moins valider les dérives que les cadres eux-mêmes dénoncent dans cette enquête, comme dans bien d'autres études d'ailleurs.

Le problème qui se pose en effet est, à notre sens, non pas de favoriser l'individualisation des contrats de travail au plus près des impératifs de la production - car c'est bien de cela qu'il s'agit -, mais de poser la question récurrente de l'embauche massive de personnels d'encadrement dans les entreprises où ils font défaut, tout comme celle de la juste rémunération du travail accompli par ceux qui sont aujourd'hui en activité.

Donner force de loi aux dispositions qui nous sont proposées revient en fait à vider la réduction du temps de travail de tout son sens pour les personnels d'encadrement et à détourner la loi de ses objectifs naturels et ambitieux de création d'emplois.

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