Intervention de Jean-Pierre Godefroy

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 1er

Photo de Jean-Pierre GodefroyJean-Pierre Godefroy :

L'article 1er de la proposition de loi ne rénove pas le compte épargne-temps ; il le dénature, en reléguant au second plan la notion de temps au profit de l'épargne tout court, une épargne dont le salarié risque fortement de ne pas profiter réellement.

Déjà, la loi Fillon du 17 janvier 2003, dite loi d'assouplissement des 35 heures, avait assigné un nouvel objectif au CET, celui de « se constituer une épargne », les droits à congés payés pouvant être « valorisés en argent ». Le présent texte parachève le détournement du CET de son objectif initial.

En effet, avec la rédaction de cet article, le nouveau CET devient un outil permettant de différer et d'annuler les repos liés à la réduction du temps de travail à 35 heures, ainsi que les repos compensateurs liés aux heures supplémentaires, sans garantir leur rémunération horaire et majorée.

Vous justifiez cette pseudo-rénovation par une nécessaire augmentation du pouvoir d'achat dont les Français auraient été privés à cause des 35 heures, mais vous oubliez, monsieur le ministre, que, pendant les cinq années du gouvernement de Lionel Jospin, le pouvoir d'achat des Français a progressé en moyenne de 3 % par an, alors que le bilan de votre gouvernement est beaucoup moins flatteur en la matière, avec à peine 1, 4 % en 2004. Ce ne sont pas tant les 35 heures qui freinent la progression de ce pouvoir d'achat que les mesures que vous avez prises, ainsi que les conséquences de la politique économique et sociale que vous menez depuis bientôt trois ans : aggravation du chômage, hausse des prélèvements obligatoires, etc.

Ainsi, pour augmenter le pouvoir d'achat, ne serait-il pas plus simple de payer directement et d'augmenter la rémunération des heures supplémentaires ?

Il faut rappeler qu'avec le CET l'argent est gelé. Désormais, c'est sur l'initiative de l'employeur que le CET pourra être alimenté. Est-ce cela que vous appelez la liberté de choix du salarié, monsieur le ministre ?

Ce texte prévoit, en effet, que, en cas de variation de l'activité, l'employeur pourra décider d'affecter au CET les heures effectuées par un salarié au lieu de les lui rémunérer, selon les règles applicables aux heures supplémentaires. Pour le salarié, l'augmentation du temps de travail sera bien réelle, mais la rémunération, et donc la hausse de son pouvoir d'achat, sera, en revanche, virtuelle.

Pis, le texte ne prévoit aucune modalité permettant aux salariés de solder librement leur CET ; ces derniers ne pourront pas choisir l'utilisation de leurs droits acquis via le CET, lesquels serviront à alimenter les PERP, les plans d'épargne retraite populaire, les PERCO, les plans d'épargne retraite collectifs, ces « fonds de pension à la française » créés par la réforme des retraites, dont l'intérêt reste risqué et aléatoire pour les salariés.

Quant à l'employeur, il sera ainsi dispensé d'avoir une politique d'embauche et une réelle politique salariale ; il pourra, en revanche, réduire son imposition sur les bénéfices et échapper au paiement des cotisations sociales.

Décidément non, monsieur le ministre, ce n'est pas le pouvoir d'achat qui est l'objet de la rénovation du CET ! De plus, en favorisant l'épargne au détriment de la consommation, l'article 1er joue, à notre sens, contre l'emploi.

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