Chacun, ici, comprendra que nous ne puissions que demander la suppression de l'article 2 de la présente proposition de loi, en ce qu'il remet purement et simplement en cause la durée légale du travail et légalise la faible rémunération des heures supplémentaires.
En effet, il s'agit bien de démanteler le régime des 35 heures et, plus généralement, de remettre en cause la limitation du temps de travail à un seuil fixe.
Ainsi, avec ce nouveau dispositif, un salarié pourra travailler jusqu'à 48 heures par semaine ! Autant le dire clairement : mesdames, messieurs de la majorité gouvernementale, vous laissez les 35 heures sur le papier pour les enterrer dans les faits. Vous avez, d'ailleurs, pratiqué de la même manière avec la retraite à soixante ans.
J'y vois votre désir d'anticiper une directive européenne qui portera la durée maximale hebdomadaire à 61 heures ou à 48 heures sur douze mois. Vous vous pliez ainsi aux exigences de Bruxelles, qui, nous le savons tous, réduit trop souvent la part sociale à la portion congrue.
Avec l'article 2, nous sommes en présence de l'invention de l'une des formules choc qu'affectionne le Gouvernement : la notion de « temps choisi ». Pourtant, le terme « choisi » n'est pas approprié à la réalité, bien au contraire ! Il faudrait plutôt parler de « temps subi », ou encore de « temps imposé », car la marge d'autonomie des salariés sera inévitablement réduite à une peau de chagrin. Le volontariat dont vous habillez les modalités de mise en oeuvre de ce temps choisi sera, en fait, la seule volonté de l'employeur.
D'autres questions se posent également quant : quid des contreparties légales dont bénéficient les salariés ? Quid du repos compensateur obligatoire ? Quid, enfin, de la possibilité, pour l'inspection du travail, d'interdire à l'entreprise le recours aux heures supplémentaires au-delà du contingent de 220 heures - contingent déjà élevé, nous aurons l'occasion d'y revenir - pour favoriser l'embauche de nouveaux salariés ?
Il faut cesser de se voiler la face. Nous ne nous laisserons pas endormir par ces phrases et formules qui plaisent tant au Gouvernement.
Aujourd'hui, ce qu'il faut faire, ce n'est pas « remettre au travail » les Français, car ils ne sont pas les maux de vos carences, ni des fainéants, comme certains aiment à le laisser entendre. Je signale au passage le caractère assez lamentable de certaines appréciations portées sur eux au cours de l'examen de quelques projets de loi ; je pense aux lois Fillon, en particulier, et aux débats sur le RMI et le RMA. Ce qu'il faut, c'est adapter le travail à la dure réalité sociale que nous connaissons pour que tous ceux qui veulent travailler puissent avoir accès à un emploi digne, valorisé et valorisant.
J'ajouterai qu'il suffit de regarder d'où vient l'inspiration d'une telle mesure pour se rendre compte qu'il n'est pas question ici d'afficher un élan de générosité en faveur des salariés.
En effet, l'idée du « temps choisi » a germé, dans l'esprit des auteurs de ce texte, à la lecture de l'une des cent dix mesures préconisées par le rapport de M. Michel Camdessus d'octobre 2004. Or, ce n'est pas un mystère, le sursaut de la France prôné par l'ancien directeur du FMI s'appuie sur une large panoplie de mesures ultra-libérales.
Je rappellerai que M. Camdessus, dans son rapport, monte une véritable cabale contre le code du travail, tout en dénonçant le « déficit de travail » des Françaises et des Français. Pour appuyer sa position, il qualifie de « stratégie perdante » les 35 heures et s'interroge fortement sur les droits liés au CDI.
Cette stigmatisation croissante de nos concitoyens est insupportable et doit cesser !
Au final, les conséquences de cet article sont claires : le volume de travail augmentera considérablement sans pour autant s'accompagner d'une augmentation des salaires en proportion, ce qui aura pour conséquence de freiner le marché de l'emploi et la relance des embauches.
Vous conviendrez, mes chers collègues de la majorité, qu'à l'heure où le chômage vient de franchir, grâce à vous, la barre des 10 %, il nous est proposé là une disposition vraiment contreproductive.
Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, et que je complèterai par d'autres dans un instant, je demande au Sénat d'adopter cet amendement de suppression de l'article 2.