Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 2

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Le groupe communiste a déposé cet amendement de suppression du I de cet article parce qu'il ne peut accepter les dispositions qui y figurent. Elles sont la négation de la notion de durée légale du travail et de celle de contingent d'heures supplémentaires.

Elles permettent, en effet, aux salariés qui ont pu négocier des conventions de forfait, qu'elles soient en heures ou annuelles - ou qui ont pu obtenir en contrepartie de la négociation sur les 35 heures que la réduction du temps de travail intervienne sous forme de jours ou de demi-journées de repos - de racheter ces jours ou ces garanties, dans des conditions qui leur sont totalement défavorables. La durée légale du travail ne leur sera donc plus de facto opposable.

Ces dispositions prévoient également que « les salariés qui le souhaitent » - nous avons déjà dit à quel point parler de liberté était là une véritable supercherie - « peuvent, en accord avec leur employeur, effectuer des heures choisies au-delà du contingent d'heures supplémentaires ». La vérité, c'est que seul l'employeur décidera des heures supplémentaires qu'il impose à ses salariés ! Cela est d'autant plus vrai que la loi Fillon a inversé la hiérarchie des normes en matière de négociations et que désormais un accord d'entreprise ou d'établissement pourra prévaloir sur les accords de branche.

En fait, cette proposition de loi vise, tout en affirmant qu'on maintient la durée légale du travail à 35 heures, à jouer sur les contingents d'heures supplémentaires, relevés successivement à 180 heures puis à 220 heures, sur leur taux de rémunération, qui passe à 10 % au lieu de 25 %, sur la définition du travail effectif, qui exclut désormais les astreintes, le tout pour satisfaire la grande revendication du MEDEF : encore et toujours plus d'heures supplémentaires payées le moins possible !

On ne respecte donc plus le principe d'un contingent maximal d'heures supplémentaires. Si on suit à la lettre ces dispositions, la limite de la durée du temps de travail journalier pourra être fixée à 48 heures, comme le prévoit la directive européenne que nous avons évoquée voilà quelques instants. Cette proposition de loi ne fait ni plus ni moins que revenir à la situation d'avant 1936.

Ces dispositions sont dangereuses et méconnaissent les principes de notre droit du travail. Elles sont mal conçues et n'ont d'autre but que de remettre en question la durée légale du travail. Nous connaissons pourtant tous la situation, monsieur le ministre : surendettement, 3, 5 millions de pauvres, nombre de RMIstes en augmentation de 10, 5 %, des millions de gens au chômage - 4 millions selon M. Borloo -, de plus en plus d'emplois précaires, notamment chez les jeunes.

Prenez donc la seule décision qui serait utile : provoquez, entre les entreprises et les organisations syndicales, une négociation interprofessionnelle sur les salaires, « un Grenelle des salaires », disent certains. La médiatisation récente des bénéfices engrangés par les grandes entreprises françaises pour 2004 montre qu'il existe d'autres moyens d'augmenter les salaires que de faire travailler plus les gens.

Au lieu de cela, vous augmentez le contingent d'heures supplémentaires alors que celles-ci sont sous-utilisées dans la majeure partie des branches : la moyenne des heures supplémentaires effectuées par les salariés se situe - nous l'avons déjà dit et nous continuerons à le répéter - entre 60 et 80 heures... En réalité, vous organisez pour le patronat une marge de manoeuvre qui, en cas de relance de la croissance, permettra de faire travailler plus au lieu d'embaucher. En somme, vous organisez le chômage de masse.

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