Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 2

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Cet amendement est en parfaite cohérence avec la position que nous avons défendue depuis le début de l'examen de cet article 2.

Le I de l'article 2 vise à intégrer au sein du code du travail un article L. 212-6-1. Cette nouvelle rédaction est bien loin de constituer une avancée particulière de notre législation sociale. Elle correspond sans doute mieux à l'idée que certains idéologues libéraux, plus ou moins forcenés, se font de la souplesse et de la lutte contre les rigidités législatives ou réglementaires.

Quelques observations s'imposent donc à la lecture et à l'analyse du présent texte.

Idéologie pour idéologie, le concept d'heures choisies, qui est introduit dans notre code du travail avec cet article, est une pure vue de l'esprit. Tout se passe en effet comme si les salariés étaient désireux, à en croire les auteurs de la proposition de loi, de travailler plus pour gagner plus. Gagner plus, c'est sûr ; travailler plus, ce n'est pas sûr du tout !

Reconnaissons à la vérité que les salariés, dans leur ensemble, souhaiteraient, comme je viens de le dire, pouvoir gagner plus, et que l'impression assez largement partagée dans le monde du travail est qu'on leur demande souvent aujourd'hui de faire autant en 35 heures que ce qu'ils faisaient par le passé en 39 heures.

Mais le concept d'heures choisies est assez fabuleux, quand on regarde d'encore plus près. On nous indique en effet que, dans chaque entreprise, par un accord particulier entre le salarié et l'employeur, on pourra, moyennant l'existence d'un accord collectif, effectuer ces fameuses « heures choisies ». Nous ne pouvons que nous interroger sur cette lubie qui semble avoir traversé l'esprit des auteurs de la proposition de loi.

En effet, quel rapport d'égalité peut-il exister aujourd'hui entre un salarié et un employeur dans la liberté de contracter, qui semble si bien illustrée par ce concept furieusement à la mode des heures choisies ? Qu'on le veuille ou non, le salariat est un rapport de subordination entre deux personnes qui ne sont par conséquent pas à égalité. Oser prétendre le contraire s'apparente à une pure escroquerie intellectuelle - nous nous répétons, mais c'est tellement vrai ! - comme l'idéologie libérale la plus poussiéreuse en est au demeurant porteuse depuis de longues, si longues décennies.

A la vérité, cette innovation de la proposition de loi n'en est pas une, et elle ne constitue qu'une forme à peine retouchée de la plus parfaite exploitation du salarié, comme il est de rigueur depuis que le capital et le travail se confrontent dans l'entreprise. Je ne vous rappellerai pas ce que disait le professeur d'économie que j'ai cité dans mon intervention lors de la discussion générale et qui parlait d'une conception digne du XIXe siècle.

Nous ne pouvons évidemment valider cette ahurissante nouveauté ; c'est pourquoi nous vous proposons d'adopter cet amendement de suppression du texte proposé pour l'article L. 212-6-1 du code du travail.

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