Intervention de Roland Muzeau

Réunion du 2 mars 2005 à 21h30
Réforme de l'organisation du temps de travail dans l'entreprise — Article 2

Photo de Roland MuzeauRoland Muzeau :

Peu importe si week-ends, jours fériés et repos dominicaux n'ont plus guère de sens pour les personnels d'encadrement ; peu importe si l'infarctus ou la dépression peuvent les guetter avant qu'ils aient atteint l'âge de dénouer leur PERCO : tout doit être fait pour monétiser les congés payés et les congés acquis sous forme de repos compensateur.

Il est un point, relevé dans toutes les enquêtes d'opinion, qu'il ne faut pas sous-estimer : c'est l'attachement profond des personnels d'encadrement à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

J'invite d'ailleurs l'ensemble des parlementaires de la majorité et le Gouvernement, à travers vous, monsieur le ministre, à faire attention à cette donnée. En effet, les personnels d'encadrement sont tout de même des gens qui vous intéressent en temps ordinaire. C'est une France qui vous préoccupe et dont vous parlez beaucoup. Vous pouvez donc continuer à faire semblant de ne pas les entendre, mais vous vous réservez alors des lendemains qui déchantent. Il est vrai que vous y êtes un peu habitués, les dernières élections ayant quand même été des sanctions sévères.

Une enquête CSA réalisée au mois de février a montré que la majorité des salariés étaient favorables au maintien des dispositions sur les 35 heures et que 56 % d'entre eux étaient défavorables à la proposition de loi dont nous débattons.

Mais notons-le, et c'est là une situation pour le moins inédite, les personnels d'encadrement étaient quant à eux à 63 % défavorables à toute remise en cause de la réduction du temps de travail. Ils constituent même, d'après cette enquête, la catégorie de salariés la plus attachée à la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail.

Et voilà que nous débattons depuis plusieurs heures d'un article qui met précisément à bas toute perspective réelle de réduction du temps de travail pour les personnels d'encadrement !

Quelles sont les véritables priorités en la matière pour ce qui nous concerne ? Légaliser le recours à des contrats à caractère individualisé tournant plus ou moins le dos aux règles légales en vigueur, au motif que des dispositions conventionnelles l'autoriseraient, ou plutôt poser les vraies questions ?

La première vraie question pour le personnel d'encadrement, c'est le rajeunissement des cadres et l'embauche effective de jeunes diplômés qui demeurent trop souvent aujourd'hui privés d'une affectation sur un poste correspondant à leurs compétences et leurs qualifications acquises au fil de leur formation initiale.

Certains cadres travaillent trop et ont des horaires à rallonge. Mais que l'on crée des emplois, c'est ce qu'ils demandent.

La seconde vraie question, c'est la discrimination salariale entre les personnels d'encadrement, hommes et femmes, qui atteint, selon les études de l'INSEE disponibles, 10 000 euros par an. Et ne nous voilons pas la face : qui pourra objectivement décider de faire des heures choisies ? La femme cadre directrice des ressources humaines, dont les enfants en bas âge ont besoin le week-end de profiter de quelques moments privilégiés avec leur mère ou le jeune loup technicien informatique prêt à tout pour occuper des fonctions de directeur d'agence ou de directeur exécutif ?

Le paragraphe IV du présent article 2, outre la légalisation du pseudo contrat libre individualisé entre le salarié et l'employeur, est un encouragement aux pires comportements prédateurs au sein des entreprises.

Nous ne sommes pas certains que le développement économique et la croissance dans notre pays soient facilités par la mise en concurrence des salariés entre eux.

C'est donc sous le bénéfice de ces observations que nous vous invitons à adopter cet amendement qui vise à supprimer le paragraphe IV de l'article 2.

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